Chapitre 27

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Drago ne parvenait pas à effacer le sentiment d'irréalité qui l'envahissait au fil de la journée.

Il fit plusieurs allers et retours dans l'arrière-boutique pour des prétextes idiots, juste pour s'assurer qu'il ne rêvait pas. Mais Harry était tranquillement installé dans son fauteuil favori, lisant des grimoires anciens et prenant des notes dans un carnet moldu avec un stylo tout aussi moldu.

Sous le regard amusé de Drago, il avait avoué en riant qu'il n'avait jamais pu s'adapter aux plumes et qu'il préférait de loin les stylos, qui amélioraient singulièrement son écriture brouillonne.

Ce n'était pas ça le plus choquant, dans l'esprit de Drago.

Harry avait suggéré qu'ils utilisent leurs prénoms plutôt que leurs noms de famille, en annonçant tranquillement qu'ils étaient amis. Sans hésiter, comme une évidence.

Par ce simple geste, si anodin, Harry effaçait leurs anciennes querelles comme si elles n'avaient pas d'importance et oubliait également ses terribles erreurs, notamment lorsqu'il avait accepté de prendre la marque des ténèbres.

Ainsi, à partir de ce moment, Harry prit l'habitude de venir passer du temps avec lui, s'installant dans l'arrière-boutique pour étudier les livres fournis par Hermione et prendre des notes. Il prétendait qu'il préférait avoir un peu de compagnie pour travailler, même si Drago était occupé : il n'aimait pas rester seul dans leur appartement bien trop silencieux. Visiblement, la première fois qu'il était venu avait été un test et voyant que Drago ne semblait pas gêné de sa présence, il en profitait.

Lorsque Drago n'avait pas de clients, il s'installait à ses côtés et Harry en profitait pour lui poser des questions, et souvent, ils dérivaient du sujet initial pour bavarder tranquillement, découvrant leurs similitudes et leurs différences.

Drago oubliait de plus en plus les raisons initiales de ce rapprochement soudain entre lui et Harry, profitant de cette amitié inattendue. Il appréciait le temps passé avec le jeune homme et Harry le traitait en égal, ne le laissant jamais se rappeler qu'il n'avait plus aucun contrôle sur sa vie.

Leur cohabitation se passait pour le mieux. Drago devait avouer que Harry n'était pas difficile à vivre, loin de là. Il l'avait imaginé bruyant et tapageur, à l'image du stéréotype du Gryffondor, aimant recevoir des amis sans cesse, mais il s'était vite rendu compte que Harry aimait lui aussi le calme et la solitude.

Au lieu d'un défilé permanent de connaissances diverses, Hermione était la seule personne qui leur rendait régulièrement visite — toujours seule — et Drago n'avait jamais osé demander pourquoi le troisième membre du trio infernal de Poudlard ne venait jamais.

Au début, la jeune femme observait Drago du coin de l'œil avec un peu de méfiance, se demandant probablement à quel moment elle recevrait une insulte comme à Poudlard, mais elle avait fini par se détendre et par se montrer plus amicale en constatant qu'il n'était pas agressif, loin de là.

Lorsque Drago lui avait offert à l'occasion de son anniversaire une édition rare d'un livre qu'elle aimait beaucoup, elle s'était totalement détendue et elle avait commencé à le traiter en ami, décidant elle aussi d'oublier le passé.

De temps en temps, la nuit, Drago se réveillait en sursaut et se souvenait de sa situation réelle. Il ne vivait pas une vie de rêve, il était juste dans une cage dorée, forgée par le ministère. Harry était assez gentil pour lui faire oublier qu'il était son geôlier, mais ça ne changeait pas les choses.

Il se souvenait qu'il n'avait plus rien, tout ce qu'il avait construit lui avait été retiré, et qu'il pouvait se retrouver à Azkaban du jour au lendemain si Harry changeait d'avis, s'il voulait retrouver sa vie d'avant, dans le monde magique. S'il se lassait de lui et de leur cohabitation étrangement plaisante.

Il pouvait se répéter autant qu'il le voulait que Harry n'était pas si cruel et qu'il ne l'enverrait pas en prison juste par caprice, le souvenir de leurs querelles à Poudlard était encore présent dans sa mémoire.

Il y avait également eu ce jour où ils s'étaient battus et où Harry l'avait presque tué accidentellement. Il ne lui en tenait pas rigueur, il se savait aussi coupable que lui, mais il en gardait de fines cicatrices sur le torse et il lui suffisait d'effleurer leur relief discret pour garder à l'esprit que son destin tenait à un fil.

Malgré toute sa prudence, malgré ses doutes, dès qu'il était près de Harry, il oubliait tout et il se laissait porter, acceptant de croire en cette illusion agréable. Harry était devenu un élément de sa vie, immuable. Près de lui, ses cauchemars semblaient refluer et il parvenait presque à oublier son passé.

La marque sur son bras n'était plus qu'une tâche sans importance et le regard de Harry ne s'arrêtait plus dessus.

Certains jours, Harry l'observait d'un air songeur et le cœur de Drago s'emballait, sans qu'il en comprenne vraiment la raison. Lorsqu'il y réfléchissait, plus tard, il se disait juste qu'il n'avait jamais été aussi heureux de sa vie, et il se jurait de savourer le moment présent. La peur que tout s'effondre autour de lui ne le quittait pas même si Harry tentait de le rassurer.

Au fil des jours, Drago découvrait également que Harry était très tactile avec ses amis. Il le voyait avec Hermione, puisqu'il se blottissait facilement contre elle et il la prenait dans ses bras à la moindre occasion.

Au début de leur cohabitation, Harry était resté à distance de Drago, mais depuis qu'ils devenaient de plus en plus proches, il avait commencé à l'enlacer brièvement ou à se coller contre lui le soir lorsqu'ils discutaient.

Les premières fois, Drago s'était tendu, n'étant pas habitué aux contacts physiques. Il n'avait jamais été étreint ou enlacé de cette façon, pas même par ses parents. Et le jeune homme devait avouer qu'il n'aurait jamais imaginé que ce soit si agréable de sentir une présence chaleureuse contre soi.

Parfois, il se demandait si Harry était conscient de ce qu'il faisait, puisqu'il semblait l'avoir apprivoisé peu à peu. Harry avait laissé à Drago le temps de s'habituer à lui, à ses gestes, lui offrant tout l'espace nécessaire jusqu'à ce qu'il apprécie ces moments de complicité.

Désormais, lorsqu'il prenait un livre, Drago s'installait dans le sofa et se lovait contre Harry, profitant de sa chaleur. S'il avait craint être repoussé les premières fois, il s'était vite rendu compte que Harry n'attendait que ça, et il avait cessé de se poser des questions.

Sous TutelleWhere stories live. Discover now