Chapitre 54

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Drago secoua la tête, abasourdi. Il avait du mal à croire que ce soit réel. Même dans ses rêves les plus fous, il n'aurait jamais imaginé que le monde magique puisse évoluer à ce point.

Harry hésita un instant, puis il demanda, un peu brusquement.

— Tu as d'autres questions ?

Drago hocha la tête, les yeux résolument baissés.

— Comment m'as-tu retrouvé ?

Lorsqu'il regarda Harry, le visage de ce dernier était contracté de fureur et il grogna, avant de se reprendre.

— Par hasard, en fait.

Drago nota ses poings crispés, mais il attendit patiemment la suite, sans dire un mot. Après quelques secondes, Harry reprit, les sourcils froncés.

— Un sorcier t'a reconnu. Il est venu ici avec une expédition moldue pour étudier les animaux magiques présents en Alaska. Il t'avait déjà vu à Poudlard, alors il était certain que c'était toi. Il est plus vieux que nous, un ancien Serdaigle. Je l'ai entendu en parler alors que j'allais voir Hermione et... j'ai su où tu te cachais depuis tout ce temps.

Drago se mordilla la joue, avant d'avouer tranquillement.

— Je ne suis pas ici depuis très longtemps et si tu étais venu quelques semaines plus tard... J'avais prévu de partir. Je n'ai pas cessé de voyager.

Harry lui jeta un regard méprisant puis il se leva, abandonnant son thé à demi bu.

— Plus besoin de fuir, tu es libre. Voilà. Tu dois juste décider ce que tu fais de ce qui t'appartient, mais je suppose que tu es heureux de retrouver ta boutique.

La gorge de Drago se serra, et il se frotta les yeux des paumes de sa main. L'idée de retourner dans la boutique qui avait signifié tant de choses pour lui le remplissait de terreur.

Et ce n'était pas parce qu'il avait été agressé.

C'était parce qu'il n'y aurait plus Harry autour de lui. Harry avait tourné la page, apparemment.

Le regard dans le vague, il haussa les épaules.

— Tout est à toi, Harry. Je n'en ai pas besoin. Comme je t'ai dit, j'ai prévu de partir.

Harry plissa les yeux et regarda autour d'eux, détaillant le minuscule appartement avec soin. Puis, il fronça les sourcils.

— Où sont tes livres ?

Drago cligna des yeux.

— Quoi ?

Harry renifla, agacé, et il se répéta, un peu plus agressivement.

— Tes foutus livres ? Tu en avais toujours un sous la main.

Drago hésita brièvement, puis il haussa les épaules.

— Je ne peux pas vraiment me permettre de... d'avoir trop de choses à déplacer.

Harry sembla surpris, puis il haussa les épaules.

— Très bien. Je dois y aller.

Drago resta figé, incapable de le retenir. Lorsque Harry fut sorti, claquant la porte derrière lui, il se leva comme un automate et il se laissa tomber sur le lit, se roulant maladroitement dans la couette.

Peut-être que s'il y croyait suffisamment, cette nuit deviendrait un terrible cauchemar et que cette conversation surréaliste ne se serait jamais produite.

Drago somnola plus qu'il ne dormit, l'esprit en ébullition.

Harry l'avait retrouvé. Mais Harry ne voulait plus de lui. Harry n'avait pas changé... sauf qu'il n'était plus le Harry qu'il aimait au point de mettre sa vie entre parenthèses pour le protéger. Harry n'avait plus besoin d'être protégé. Il n'avait probablement jamais eu besoin de sa protection en premier lieu.

Il avait l'impression de ne plus avoir de but, de ne plus savoir quoi faire de sa vie. Il s'était démené pour disparaître, travaillant jusqu'à l'épuisement, uniquement pour protéger Harry, mais puisque la raison principale de son courage et de son acharnement lui était arrachée, il se sentait juste... vide.

Lorsque l'aube pointa, Drago resta dans son lit, incapable de se lever. Il était épuisé. Un épuisement profond, qui venait plus de la situation que de son corps. C'était probablement la première fois depuis des années qu'il n'était pas levé à l'aube, il allait manquer le départ des bateaux de pêche et donc une journée de travail. Tessa s'inquiéterait aussi peut-être de ne pas le voir...

Rien de tout cela n'avait d'importance. La vie continuait peut-être hors de son appartement, mais il avait besoin d'un peu de temps.

L'émerveillement qu'il avait ressenti devant l'aurore boréale avait totalement disparu et il regrettait d'avoir suivi son amie. C'était comme si l'Univers lui avait accordé le privilège d'assister à un spectacle unique pour mieux détruire sa vie ensuite.

Drago ne réagit même pas lorsque la porte de son appartement s'ouvrit brutalement. Tessa entra et elle fronça immédiatement les sourcils, inquiète.

— James ?

Drago ricana.

— Tu dois te douter que ce n'est pas mon vrai nom, n'est-ce pas ?

La barmaid haussa les épaules et s'installa près de lui.

— Tu ne serais pas le premier à changer de nom et à venir en Alaska pour une nouvelle vie. Ce qui compte à mes yeux, c'est qui tu es ici.

Drago cligna des yeux et soupira.

— C'était un mensonge depuis le début. Je croyais... Tu avais raison, tu sais. Je suis un idiot. J'ai toujours été un idiot.

Tessa pencha la tête et le dévisagea attentivement. Puis elle secoua la tête et elle lui passa la main dans les cheveux, avec une tendresse presque maternelle.

— Je suppose qu'on est tous un peu idiots lorsqu'on est amoureux. Je n'ai pas vraiment décidé d'être seule à quarante-cinq ans, tu sais. Mais, parfois, il suffit d'une mauvaise décision pour tout gâcher.

Drago laissa échapper un rire tremblant.

— Tu as dû comprendre que j'avais un don pour prendre de mauvaises décisions alors.

Tessa secoua la tête.

— James, tu as peut-être l'impression que ta vie est fichue, ou quoi que ce soit d'aussi dramatique, mais je te jure que les choses iront mieux. Tu vas... reprendre ta vie, et un jour...

Drago ferma les yeux si fort qu'il en vit des points lumineux, grimaçant à l'idée d'une vie entière emplie de regrets.

— Je ne peux pas rester, Tessa.

Elle leva un sourcil perplexe.

— Pour quelle raison ? Es-tu en danger ? Je croyais que tout était réglé ? C'est ce que le rouquin désagréable a dit quand je lui ai demandé ce qu'il t'avait fait...

Drago resta longuement silencieux, le regard perdu dans le vague. Après quelques instants Tessa murmura, avec douceur.

— Tu ne peux pas te punir toute ta vie, James. Tu as le droit d'être heureux, tu sais.

Drago soupira, mais avant qu'il ne puisse répondre, une voix froide retentit depuis la porte.

— Il ne s'appelle pas James.

Sous TutelleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant