Chapitre 10 - Un nouveau défi

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Il allait donc accepter d'écrire pour eux, pour lui, pour les autres. Il ne savait pas trop encore pour qui !

Mais il savait pourquoi. Il était prêt à relever ce défi, avec son armée de livres en tête.

- Donnez moi des feuilles ! plein de feuilles !!

- Hé ! Doucement Zola ! Cria Gérard. On va se boire un truc pour fêter ça quand même !

- Oh ! bonne idée !  rétorqua l'écrivain célèbre. On va s'ouvrir du champagne !

- Oh non merci ! je ne bois pas ! C'est mes parents qui buvaient ! Et ça les a détruit ! fit dans sa barbe le jeune talent.

- Oh c'est mignon ! réagit Gérard avec un air vicieux, il ne boit pas... pour pas finir comme ses parents ! Bouh... le pauvre ! Ça tombe bien parce que c'est pas pour toi ! Qu'il est bourricot ! Toi tu dois rester sobre pour plancher sur le roman. C'est nous qui allons trinquer à notre réussite !

- Ah d'accord ! Alors... à notre réussite ! Balbutia François.

- Ouais c'est ça ! Reprit Le père Gérard, voilà ! Mais t'en parle à personne ! Hein ? C'est notre secret ! OK ? Sinon... Aux cochons !! Ah ah ah !

François eut un sourire crispé. Était-ce de l'humour glauque ou une vraie menace ? Il ne voyait toujours pas les monstres qu'il avait en face de lui, les diables aux deux visages qu'il aurait dû fuir.

- Il se fait tard je vais rentrer ! Se permit François

- Ouiiiiiiii ! bien sûuuuur mon mignooooon !" Fit Émile d'un ton machiavélique en allongeant tous ses mots comme un fou dangereux.

Et Gérard de renchérir :

- Pas de problème mon gars ! T'es avec nous maintenant ! Tu peux pas t'échapper ! Hé hé ! Mais tu nous écrit un truc pour la prochaine fois ! Dans le genre que tu veux ! J'm'en balance tant qu' c'est bon ! Hahaaaaa !

Émile se tourna discrètement vers Gérard :

- notre nouvelle petite poule va nous pondre un joli petit oeuf en or ! Lui dit-il en ricanant sournoisement.

- Plein de petits œufs en or oui ! Repondit GéGé. Une douzaine même ! Une douzaine d'œufs ! Trop marrant ! Non !?" renchérit le compère diabolique qui se frottait les mains d'impatience et sautait doucement de joie dans sa mansarde malsaine.

François n'avait pas entendu tant il était concentre pour descendre l'escalier infernal. Il fuyait cet endroit où, pourtant, il eut cette révélation sur lui même, ce petit moment de paradis en enfer.

Il avait en lui plus que sa petite voix qui le taraudait, il possédait le talent des mots, cette force, ce don.

Tous les livres qu'il avait lus étaient des trésors dans lesquels il pouvait puiser son inspiration, son style, sa verve. Toute sa richesse intérieure pourrait sortir s'il écrivait et ce serait pour lui comme un hommage à tous les écrivains qu'il adulait. Il entrerait un peu, en somme, dans cette belle famille là, au Panthéon des meilleurs écrivains du monde !

Ses mots étaient les clés pour sortir de sa prison intérieure.

Il était tellement dans ses pensées qu'il faillit encore manquer une marche de ce maudit escalier.

Émile le vit et lui cria :

- Eh ben ! Vas pas mourir maintenant mon poulet ! C'est trop bête ! On a besoin de toi nous !

Et à ces mots les deux compères hurlèrent de rire du haut de l'escalier.

François rentra chez lui tout remué par cette rencontre farfelue.

Le froid saisissant de l'hiver n'avait pas de prise sur lui. Il était tellement obnubilé par cette nouvelle dimension de sa vie qu'il se voyait déjà en haut de l'affiche,  comme un héros de roman à qui le destin sourit. Il se voyait des pouvoirs magiques ! Il était le magicien des mots ! Il pensait pouvoir écrire des choses si belles qu'il pourrait plaire à la terre entière ! Et il pensait surtout qu'il rejoindrait le clan magique, le cercle secret, un peu comme celui des poètes disparus, celui des écrivains ! Il s'imaginait déjà auteur de best-sellers, riche, adulé par la foule ! il s'imaginait changer radicalement de vie. Et tout cela trottait dans sa tête !

Sa petite voix nuançait malgré tout sa douce rêverie :

Ça serait trop bien si t'arrivais à percer dans ce domaine ! T'adores ce milieu, t'adores les livres ! Et c'est toi maintenant qui vas écrire tout ce que tu veux ! Ça a l'air genial !
Mais t'as rien écrit encore à part trois vers pompeux sur une feuille ! Pas de quoi se la raconter !

Et lui de se répondre :

Oui c'est vrai ! Mais moi je sais que je peux y arriver, je le sens au fond de moi.

Et la petite voix de répondre :

Alors vas-y ! Lance toi ! Griffonne des lignes et fais vibrer les deux compères mais aussi le monde entier !

Ce coup de pied aux fesses qu'il s'était infligé était sa méthode pour avancer. Son cochet intérieur devait de temps en temps fouetter avec vigueur la mule qui tirait la charrette. Il avait en fait créé son propre coach personnel !

Il avait marché pendant ce temps là dans une neige épaisse en supportant un vent glacial pour rentrer chez lui. Il avait les chaussures et le bas du pantalon trempés et glacés mais sa tête était ailleurs, au chaud, dans les nuages.

Il retrouvait son chez lui où ses seuls vrais amis de toujours l'y attendaient, ses chers livres.

Il était envahi maintenant d'une folle envie d'écrire mais il repensait aux phases bizarres, aux pseudo menaces, qu'on lui avait dites. Il n'arrivait pas à discerner si c'était de l'humour malsain, comme il est de rigueur de nos jours, ou juste décalé.

"Me trucider et me jeter aux cochons !?", repensa-t-il,
c'est pas drôle et tellement pas crédible ! lui souffla sa petite voix qui se voulait rassurante.

- Allez ! On va écrire ! C'est parti ! dit François bien fort et d'un ton décidé.

Le lecteur deviendrait auteur, comme une chenille un papillon ?  Il allait s'envoler droit vers la lumière brûlante des néons.
Mais ses ailes, encore trop frêles, allaient-elles résister ?

Son envol sera-t-il une chute libre ?

Et l'auteur sera-t-il ...à la hauteur ?

Montez !Où les histoires vivent. Découvrez maintenant