Chapitre 21 - Infiltration sous tension

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Anna se cachait vite derrière un rideau quand la lumière s'alluma. Sa gorge était serrée. Ses mains tremblaient comme des feuilles au vent. Son coeur allait lâcher. Il y avait quelqu'un dans la pièce qui respirait bruyamment ! C'était Gérard ! Il était remonté et cria d'une rage folle :

- Allez ! Sors de là ! Je t'ai vu ! M'oblige pas à venir te chercher !

Anna était pétrifiée derrière le rideau poussiéreux qui lui chatouillait le nez. Ses muscles étaient tétanisés de terreur. Son souffle était coupé. Un long silence insupportable s'installa. Le moindre bruit était interdit pour Anna qui ne respirait toujours pas et qui se retenait surtout d'éternuer !

...

Soudain un miaulement aigu fit tressaillir Anna qui manqua de défaillir.

- Ah ! Bon sang ! C'est toi encore minette qui fait tout ce raffut ?! On aurait dit qu'un voleur s'était introduit ici en passant par la fenêtre ! Mais ce n'est que toi !
Je vais t'attacher à la cave avec l'autre si tu continues à me faire peur comme ça !

- L'autre ? À la cave ? Se dit Anna.

Elle avait vu juste ! Il y avait bien un prisonnier en bas ! Ça ne pouvait être que son fameux écrivain !

Gérard sortit en gromellant des insanités sur son pauvre chat. Il partit en éteignant la lumière et en fermant la porte.

Anna se faufila sans bruit jusqu'à la porte mais chacun de ses pas semblait résonner dans toute la maison.

Anna était fine et légère mais ce vieux plancher en bois craquait bruyamment au moindre mouvement.

Elle marchait sur la pointe des pieds pour se faire la plus discrète possible.

Elle craignait à chaque pas que Gérard ne remonte et s'occupe d'elle aussi ! Elle n'était pas venue ici pour se faire attacher et enfermer ! Au contraire, elle ne perdait pas de vue son objectif : libérer son héros romanesque !

Elle arriva à la porte. Elle l'ouvrit le plus doucement qu'elle put. Mais là encore, la poignée grincait comme un cochon qu'on égorge.

- Mais tout est rouillé ici ! Murmura-t-elle

Il lui fallait maintenant descendre l'escalier et atteindre le rez-de-chaussée. Elle ne savait pas où était Gérard. Elle avançait à pas de loup. L'escalier ne faisait bizarrement aucun bruit mais les marches étaient traîtres ! Elles étaient tordues ou biscornues et elle faillit se tordre la cheville à chaque marche !

Elle regardait partout pendant qu'elle descendait l'escalier interminable, scrutant chaque espace sombre et s'arrêtant à chaque bruit suspect ; craquements bizarres ou miaulements plaintifs.

Quelquefois une voiture passait dans la rue et ses phares traversait la pièce d'un côté à l'autre, faisant apparaître puis disparaître des ombres inquiétantes à l'intérieur de la bouquinerie.

Elle était enfin arrivée en bas.

Un bruit éclata soudain derrière elle ! Elle crut faire une attaque !

C'était juste un gros livre qui était tombé. Mais cela attira encore le maître des lieux. Des bruits de pas se rapprochèrent nerveusement. Elle dût vite se cacher à nouveau.

Le bouledogue était sur les dents. Émile avait dû lui demander de veiller sur le prisonnier et de réagir au moindre bruit, comme un bon chien bien dressé !

Anna s'était glissée en urgence sous un établi où étaient posées des piles de livres qui menaçaient de s'écrouler au moindre mouvement. Gérard se rapprocha de l'endroit où se terrait la pauvre Anna. Il vit le livre par terre. Il se pencha pour le ramasser. Et là, tapie sous la table, Anna aperçut le visage rouge et bouffi de Gérard. Il était tout près. Il avait l'air hargneux et dangereux avec un regard noir, et jurait tout ce qu'il pouvait !

Elle se figea de frayeur.

Heureusement, il ne la vit pas. Il se releva et posa le livre sur la pile, qui manqua de s'effondrer.

Il repartit énervé en marmonnant des injures.

Anna reprit enfin son souffle. Ce n'était pas passé loin !

Elle n'était pas au bout de ses peines. Elle devait trouver le pauvre François qui se mourrait à petit feu au sous-sol.
Elle se rappelait que la cave maudite était près d'un pilier.

Mais il y avait quatre piliers dans cette pièce. Et ils se ressemblaient tous !

Elle s'approcha du premier pilier dans la pénombre.
Elle regarda bien autour, mais ne trouva rien. La porte n'était pas là !

Elle aperçut le deuxième et avançait à tâtons comme une aveugle sans canne blanche. Rien. Pas de porte.

En se dirigeant vers le troisième, elle heurta du pied une pile de livres au sol qui s'écroula et fit tomber d'autres piles de livres encore dans un fracas assourdissant.

Là, Gérard accourut encore mais cette fois armé d'un couteau, bien déterminé à en finir avec un éventuel intrus.

- Qui est là ? Montrez vous ! Y a rien à voler ! Y a que des bouquins ici ! Montrez-vous ou je vous fais la peau ! Et je rigole pas !

Le lourd silence reprit.

Gérard trouva les piles de livres renversées par terre. Il cria de rage, pesta et tapa du pied violemment. Il fouilla partout en renversant renversant d'autres livres ! Il devenait fou ! Il mettait tout sens dessus dessous en menaçant à gorge déployée toutes les ombres et les fantômes de la bibliothèque !

Anna ne savait plus où aller.
La violence et la furie de Gérard la pétrifiaient. Elle se voyait déjà morte. Pendant que Gérard cherchait partout, elle aperçut, derrière lui, la fameuse porte de la cave !

Il fallait le faire se déplacer.
Elle jeta un livre au travers de la pièce pour qu'il bouge.
Il sursauta et cria de peur ! Cela devint risible ! Elle en jeta un autre pour qu'il s'éloigne encore et il cria encore de peur d'une voix aiguë comme une fillette ! Anna manqua presque de pouffer de rire de voir ce gros balourd terrorisé. Il hurla de sa grosse voix :

- Hého !? Y a quelqu'un ? C'est pas vrai ! C'est hanté ou quoi ici !? C'est les fantômes de la cave qui viennent me terroriser !? Je n'ai fait qu'obéir aux ordres moi ! C'est pas moi qu'il faut harceler !

Et c'était Gérard maintenant qui avait froid dans le dos.

Il monta comme un dératé l'escalier et s'enferma à double tour dans son bureau en vraie poule mouillée !

Anna lâcha un rire moqueur.

- Ah ! Quel gros lâche ce GéGé !

Elle avait enfin le champ libre pour descendre à la cave retrouver son idole, libérer son maître des mots, et embrasser son roi de cœur.

Montez !Where stories live. Discover now