Chapitre 38 - Tourner la page

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Anna avait su cacher son secret pendant tout ce temps.
Elle avait eu connaissance des agissements des deux compères de la librairie mais elle avait été muselée : menacée de mort si elle révélait l'existence des cadavres de la cave. Elle devait donc continuer à travailler pour eux et garder le silence. Elle en était traumatisée et avait déjà pensé à  intervenir pour empêcher ces actes odieux mais n'avait jamais osé jusqu'à François.

Tous les manuscrits de ces jeunes écrivains en herbe étaient là, sur son bureau, conservés soigneusement, corrigés, griffonés par elle. Ceux de François étaient là aussi. Il y avait là des chefs-d'œuvres, des loupés, des essais, des premiers jets. Certains sont devenus les best-sellers que s'était attribué faussement Le "Grand" Emile, d'autres étaient restés à l'état premier de manuscrits et n'avaient pas passé la rampe.

François et Anna prenaient leurs cafés dans la tranquillité du soir qui tombait. Les premières grenouilles commencer à chanter et une sorte de magie romantique s'installait. Ils étaient silencieux, pensifs. Lui ressassait les mots mystérieux et terrifiants d'Anna, et elle cherchait un moyen de détruire des preuves.
Chacun était plongé dans ses idées quand François rompit le silence :

- Anna ? J'aurais une question à te poser. Je ne veux pas paraitre grossier ou intrusif, mais je me demandais....

(Anna eut un regard d'animal traqué qui n'avait plus de porte de sortie)

...oui... je me demandais si....

(Elle n'en pouvait plus ! Elle voulait fuir ! Se cacher dans un trou de souris plutôt que d'avouer quoi que ce soit à l'homme qu'elle aimait et qu'elle risquait de perdre si elle lui disait la vérité)

...je me demandais si...heu..
enfin..si tu...

- Bon ! vas-y François !  lâche le morceau ! J'en peux plus !

- pardon Anna chérie ! ...Ben... si tu avais vu quelque chose de bizarre avec Emile ou GéGé ? Ou si ils t'avaient dit des choses qu'ils faisaient avec des écrivains ? Si tu étais au courant de ce qui se passait à la cave en fait...

François venait de larguer la bombe atomique dans ce petit salon paisible, détruisant le calme absolu d'une belle soirée romantique.

Lui qui ne voulait pas faire de vagues, il avait réussi à produire un gigantesque tsunami dans la tête et le cœur d'Anna.

Il ne mesurait pas à quel point ses paroles et ses doutes pouvaient éradiquer l'amour de ce couple à peine formé, annihiler les sentiments d'Anna, et réduire en cendres tout espoir d'avenir entre eux.

Il vit un énorme nuage noir plein de foudre et de tempête traverser le ciel azur de ses grands yeux.

Il prit peur en imaginant que sa recherche de La Vérité pourrait balayer tous ses sentiments pour lui et engloutir leur amour sous des eaux profondes comme le fut l'Atlantide.
Il voulut effacer ce qu'il avait dit, éteindre la mèche qu'il avait allumée. Mais c'était trop tard. Le feu avait pris et s'était déjà propagé. Le baril de poudre allait exploser. Il se ravisa.

- Anna ! Oublie ce que j'ai dit ! Tu n'as pas à me répondre ! C'est fini tout ça ! C'est derrière nous ! En reparler ne ferait que nous torturer ! Parlons d'autre chose !

Anna vit trembler les lèvres de son cher amour. Pour lui répondre elle hésita entre deux options qu'elle étudia dans sa tête :

- Option 1 : ça passe ou ça casse !

Je lui avoue tout ! Il comprend mes choix et ma peur. Et si c'est bien argumenté, et s'il m'aime vraiment, ça passe ! Évidemment si il comprend rien et qu'il s'obstine à parler justice, morale et tout, ça casse ! Et il se casse ! Et je me retrouve comme une nigaude et toute seule comme avant !

Montez !Where stories live. Discover now