Chapitre 12 - Le grand ménage

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Il était de retour dans son appartement triste et miteux.
L'envie le brûlait de crier ses mots et de créer ses mondes.

Devenir écrivain l'éleverait au dessus des gens, le sortirait de son quotidien, mettrait des paillettes dans sa vie !

Il devait se lancer tout seul, sans aide et sans filet.
Ses phrases devaient frapper fort.
Son coeur s'emballait de joie à l'idée d'écrire. Il était plus décidé que jamais.

Mais il lui fallait d'abord un environnement adapté, agréable, et stimulant.
La crasse et le laisser aller du lecteur-zombie qu'il était lui donnaient des haut-le-cœur.

Il regarda avec dépit son bureau tout recouvert de vieux papiers et de journaux en tous genres. Son assiette sale de la veille et sa tasse de café vide du matin trainaient encore sur le côté. Quelques chips jonchaient le sol comme éparpillées aux quatre vents. Une multitude de romans avec des marque-pages étaient posée un peu partout sur ses étagères. C'était un bazar sans nom, un  fouillis sans recherche ni grâce ni cohérence, à l'image de son logis, à l'image de sa vie.

Il se voyait maintenant avec d'autres yeux. Il jugeait l'ancien lui bordélique, sale et paumé.

Sa petite voix le réprimandait comme le faisait sa mère quand il ne rangeait pas sa chambre. Il l'entendait encore dans sa tête avec sa voix à elle !

Bref il avait changé.
Un nouveau jour s'était levé pour lui. Il avait un regard neuf sur le monde, la vie et l'avenir.

Il ne voulait plus vivre dans cette porcherie qui lui faisait honte.
Ça ne collait plus avec son estime de lui-même. Il valait mieux que ça. Il voulait faire place nette !

Il commença par ouvrir violemment ses fenêtres en grand.
Il fut d'abord fouetté au visage par la fraîcheur vivifiante de l'hiver qui s'engouffrait dans son antre poussiéreuse.

A cet instant même, une jolie fille qui passait sous ses fenêtres leva les yeux vers lui. Elle était brune, la peau très blanche, élancée, fine, tonique, le pas rapide. Sa belle bouche d'un rouge carmin brillant attira son regard. Ses yeux pétillants et souriants l'accueillaient sans retenue.
François tomba sous le charme instantanément !
Elle fut interrompue dans sa course par la brusquerie du jeune homme. Il remarqua sa gêne et en fut désolé, mais, hypnotisé qu'il était par une telle beauté, il ne dit rien et ne put qu'esquisser timidement un sourire gêné pour s'excuser. Elle éclata d'un rire aigu qui fendit l'air. Sa belle bouche grand ouverte, ses dents magnifiques, son teint de porcelaine et ce regard malicieux achevèrent le garçon.
Puis elle continua sa route et tourna au coin de la rue. Elle avait déjà disparue.
Lui était tout ému, bouleversé, chamboulé. Il était resté accroché à son bord de fenêtre longtemps après qu'elle ait disparue, figé dans l'extase aussi intense que furtif.

Il se demanda ce qui venait de lui arriver. Était ce un rêve ? Une apparition ? Avait-il bien interprété l'expression de la belle passante ? Était-elle séduite ? Ou n'était-ce que de la politesse ? S'était-elle moqué de lui !?

Son cerveau et son cœur s'emballaient.
Il souria longuement en se repassant la scène.

Ce coup de fouet lui insufla l'énergie de mille hommes.
Il était transformé, revigoré.

La lumière timide de l'hiver en profita aussi pour venir habiter chez lui.
Le bruit de la rue ne le dérangeait plus. C'était même devenu une source d'intérêt et ce ronron de la ville l'apaisait enfin. Lui qui s'en était tant protégé.

Il alluma aussi la radio pour se donner du rythme et lui qui, avant, ne supportait pas les interruptions publicitaires qu'il ressentait comme autant d'intrusions, il les laisser passer cette fois sans les couper, les changer ou les critiquer. Il était devenu ouvert et tolérant. Il voyait même dans ces coupures mercantiles de l'humour, de la créativité et même des affaires à saisir. Ah bon ? C'est les soldes chez Ikea ? Je vais peut-être y aller voir pour me trouver un nouveau canapé-lit ! Le mien ne vaut plus rien ! Pensa-t-il.

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