Chapitre 24 - Les flammes de l'enfer

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Anna aida François à se relever. Il avait repris un peu de vigueur et se tenait maintenant sur ses jambes. Il s'appuyait sur elle. Les deux tourtereaux atteignirent le rez-de-chaussée.

- Enfin libres ! Souffla François.

Mais Anna entendit un bruit à l'étage. Était-ce le chat ? Ou les fameux "fantômes" dont parlait le défunt GéGé ?

Le couple avança mais s'arrêta net devant l'escalier.

Émile n'était plus là !

Les cordes qui avaient servi à l'attacher étaient au sol, dénouées.

Les deux amoureux tressaillirent. Chacun serra fortement la main de l'autre. Le regard d'Anna se focalisa sur le haut des marches. Elle avait vu quelque chose bouger. Émile devait se terrer là-haut. Elle aurait dû fuir, mais elle avait choisi d'agir. Elle le savait blessé, elle voulait l'achever. Elle extirpa le couteau qui était planté dans le corps de Gérard et commença à gravir la montagne de marbre avec son arme blanche.
François était trop faible pour monter. Il lâcha la main d'Anna.

- Reviens moi Anna !

- Je vais revenir François. Crois moi. Je vais en finir avec lui !

Elle fonça droit vers Émile, sans aucune peur, bien décidée.
Une fois qu'elle fut en haut, Francois ne la vit plus mais il entendit des bruits, des coups, des chutes. Anna hurlait, Émile grognait. Les murs tremblaient de cette violente empoignade. Deux ombres se sautaient dessus en criant, avec des bruits de casseroles, de vaisselle cassée, de bris de verres, tout était utilisé pour le combat. Anna sortit un instant et hurla à François :

- Va-t'en François ! Ne restes pas là ! Il est fou à lier ! Je l'ai touché avec ma lame ! Je vais l'avoir ! Il est blessé ! File ! Rentre chez toi ! Vite ! Je te retrouverai !

François ne reconnut pas ses yeux qui, si doux auparavant, étaient maintenant noirs de haine.

Il ne voulait pas s'enfuir et laisser Anna toute seule.

Il commença à essayer d'escalader l'escalier pour la rejoindre mais cela lui demandait un temps fou à cause de sa faiblesse et de sa fatigue.

En haut ça se bousculait toujours, ça se frappait, ça se tapait comme sur un ring dans un vacarme assourdissant ! C'était un chaos apocalyptique ! Un déchaînement de violence extrême ! François s'inquiétait pour la vie d'Anna.

Il y eut un grand " Boum". Puis un cri de femme, et soudain Émile surgit par la porte, le visage en sang, et fixa méchamment Francois qui rampait sur les marches. Il lui cria :

- Elle est a eu son compte ! Et toi mon gars, t'es mort !

En disant cela il fit un geste menaçant qui renversa le vieux chandelier où brûlaient encore les quatre bougies. Cela mit le feu immédiatement à ses vêtements ! Et il roula dans l'escalier comme une torche humaine avec des cris insoutenables de douleur !
François eut juste assez d'énergie pour l'éviter. Et le corps en feu d'Émile arriva en bas et déclencha très vite un début d'incendie au contact de tous ces livres.

François chercha Anna du regard. Il l'appela, hurla son nom mais sans réponse. Le feu prenait très vite. La bouquinerie allait vite devenir un vrai piège de flammes. Il devait sauver sa peau ! Il rejoignit la porte en continuant d'appeler son amour. Il criait son nom. Il hurlait. Mais il ne la voyait pas réapparaître et elle ne répondait toujours pas.

Il craignait le pire...

Il dût vite fuir la fournaise avec le peu d'énergie qui lui restait avant d'être brûlé vif. Juste avant de sortir il réussit à sauver des flammes le seul livre qui lui sauta aux yeux comme une évidence et lui suppliait de l'emporter : Anna Karenine de Léon Tolstoï.

Il continua lentement de s'éloigner des flammes de cet enfer, qui lui léchaient le visage et lui mordaient le corps. Il devait s'écarter beaucoup plus.
Il criait "Anna" autant qu'il le pouvait, avec le reste de souffle qu'il possédait, et malgré les douleurs intenses des multiples brûlures. Chaque respiration lui calcinait aussi la bouche et les poumons.
Il était maintenant assez loin pour ne plus être en danger de mort. Il était assis par terre, cherchant toujours Anna derrière chaque flamme, derrière chaque fenêtre fumante, derrière chaque porte noircie. Et il serrait très fort sur lui son livre fétiche, comme si c'était le corps de sa belle adorée.
Ses larmes coulaient sur son visage de charbon et faisaient des sillons clairs et brillants sur ses joues noires de suie, et terminaient leur course sur son livre sacré, tentant d'éteindre l'incendie de son coeur.

Il n'avait plus de voix tellement la fumée âcre et dense s'engouffrait dans sa gorge.

François ne pouvait plus respirer. Il s'évanouit en suffoquant, son trésor à la main.

Des voisins arrivèrent pout jouer les badauds. Puis des pompiers débarquèrent, ainsi qu'une ambulance.

L'incendie était gigantesque. Il illuminait les ténèbres et faisait fondre toute la neige qui s'était tranquillement posée sur le toit et la rue et détruisait tout ce qu'il pouvait de cet endroit maudit.

Il fut transporté par les secours à l'hôpital le plus proche.

Il était en piteux état, mais vivant.

Anna n'était pas réapparue...

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