Colombe

Chap. 5

-Agnès? C'est moi. J'ai acheté des carottes et du fenouil. Viens m'aider à les préparer.

Colombe retire sa cape et sort les légumes du panier. Mais aucune réponse de sa cadette.

-Agnès?

Toujours rien. Elle monte à l'étage. La pièce du haut est vide. Soudain, quelqu'un frappe violemment à la porte. Elle sursaute. Elle descend rapidement et ouvre la porte. C'est une de ses voisines, haletante.

-Colombe! Mon Dieu dépêche-toi, ta sœur a été arrêtée!
-Qu... quoi?!
-Viens vite!

Sans réfléchir, Colombe suit la femme et elles courent ensemble jusqu'à la place du marcher où la jeune femme était quelques instants plus tôt. Elle croise le regard d'Anastase dont le visage est blême, et Colombe se faufile dans la foule pour voir ce que l'attroupement soudain est en train de regarder.
C'est alors avec horreur qu'elle découvre sa petite sœur, à genoux dans la boue être poussée par des soldats qui rient, comme on pousserait une poupée de chiffon pour la faire avancer. Agnès pleure et tente de se relever mais toujours on la pousse en avant pour qu'elle aille plus vite.

Aussitôt, Colombe se précipite au milieu de l'attroupement et se met entre sa cadette et le soldat qui allait de nouveau la pousser.

-Qu'est-ce que tu fais toi? Dégage.

Et sur ces mots, il pousse Colombe sur le côté encore plus violemment et elle s'effondre à son tour dans la boue. Les villageois sont partagés entre amusement et terreur.
Anastase à son tour se détache de la foule et vient aider Colombe à se relever qui ne prête même pas attention à lui pour retourner encore vers sa sœur.

-Agnès je suis là tout va bien.

L'adolescente pleure et réfugie son visage dans le cou de son aînée.

-Encore toi! Éloigne-toi de la prisonnière! On l'emmène dans les cachots du château!
-De quoi l'accusez vous?
-Ça ne te regarde pas! Pousse toi!
-Je suis sa sœur, ça me regarde, et j'ai le droit de savoir ce que vous lui reprochez!

Le soldat est quelque peu surpris par tant d'audace, alors il répond:

-Ta sœur est une voleuse, et elle aura le châtiment qu'elle mérite, demain, sur la place.

Alors, un frisson d'horreur parcourt le dos de Colombe. Le vol est punit par une main coupée, elle le sait parfaitement pour avoir vu plusieurs fois un tel châtiment puis avoir soigné les moignons ensanglantés des condamnés. Malgré tout, la majorité meurent de l'infection ou de la perte trop grande de sang.
Elle le sait, Agnès ne survivra jamais à ça.

-Maintenant dégage de mon chemin, où je t'enferme avec elle!

Colombe est alors prête à accompagner sa sœur, mais Anastase la saisit par les épaules pour la tirer vers lui et l'éloigner des gardes.

-Lâche-moi! Agnès! Agnès!
-Tais-toi! lui ordonne le jeune homme avec fermeté.

Le garde qui a entendu à un rictus:

-Tu ferais bien d'écouter ton mari ma jolie.

Colombe, prise d'une rage folle, aimerait frapper, mordre et griller, mais alors, Anastase lui murmure:

-Si tu es arrêtée avec elle tu ne pourras pas l'aider!

Colombe se calme, il a raison, elle le sait.
Mais elle ne peut pas retenir ses larmes davantage et se tourne contre lui pour venir sangloter dans ses bras, se moquant bien des regards qui les observent.

-Ne t'inquiète pas, il ne va rien arriver à ta sœur. C'est une erreur c'est évident.

Colombe renifle et essuie ses larmes, avant de dire les mâchoires serrées avec la plus vive détermination:

-Non il ne lui arrivera rien, je vais m'en assurer. Mais tu as tort: tout ça n'a rien d'une erreur.