Colombe

Chap. 28

-Où vas-tu?
-Et bien... comme il est tard je pensais retourner dans ma chambre. Pourquoi?
-Non non non. Tu vas venir dîner avec nous dans la grande salle. Ne t'inquiète pas, il n'y aura que mon frère et moi.
-Oh... mais je ne serai pas un peu... de trop?
-Mais non voyons au contraire! Je n'en peux plus d'être en tête à tête avec lui. Je l'aime mais il reste un homme. Bagarre, bagarre, il n'a que ça à la bouche. Il n'a pas évolué depuis ses cinq ans.

Colombe ne peut s'empêcher d'éclater de rire. Il est peut-être duc, mais il est visiblement avant tout son petit frère, et cette relation lui plaît. Il ne semble pas abuser de son pouvoir pour faire taire sa sœur, bien au contraire. Lui aussi la respecte et profite de son nouveau statut pour permettre à son aînée de faire ce pour quoi elle est née.
La jeune femme a très mal aux jambes et elle aurait aimé s'effondrer sur un lit et dormir jusqu'au lendemain en loupant le souper, mais elle ne peut pas refuser un tel honneur. Ces gens, aussi généreux soient-ils, restent des nobles. Elle leur doit le plus grand respect, d'autant plus avec tout ce qu'ils ont fait pour elle.

-Allons-y dans ce cas, sourit Colombe.

Les deux femmes arrivent dans la grande salle à manger, où Ambroise est déjà installé, en train de dévorer une cuisse de faisan. En les voyant il s'essuie les doigts et se lève.

-Je suis désolé, je suis un traite, j'ai déjà commencé. J'avais trop faim!
-Quelle élégance cher frère, comme à ton habitude; dit-elle en acceptant avec un rictus moqueur le baiser sur sa joue de son cadet.
-Ne sois pas fâchée. Tu me connais.
-Que trop bien...

Théodora s'assoit et Colombe sourit timidement au duc avant de faire de même là où le lui indique. Ambroise reprend sa place et des serviteurs s'affairent pour servir les deux femmes.

-Comment était votre journée?
-Intense, mais efficace. Nous avons vus tous les patients que nous devions aujourd'hui. Et Colombe s'est déjà familiarisée aux lieux et à mes méthodes. Elle a même permis de trouver un remède efficace pour la toux qui persistait depuis des semaines chez un vieil homme, et je sais qu'elle sera la meilleure aide possible pour faire naître le bébé de Juliette.

Colombe rougit par tant d'éloges et ne sait plus où regarder alors elle fixe son assiette en mangeant. Finalement elle est heureuse de ne pas avoir sauté ce repas: son ventre criait famine.

-Et bien dis donc... tu as peut-être enfin trouvé la perosnne que tu cherchais.
-J'en ai bien l'impression oui. J'ai réussi à la travailler au corps pour la faire rester pour le moment.

Théodora n'est visiblement pas peu fière d'elle, et Ambroise reconnaît bien la sa sœur et s'adresse alors à Colombe sur un faux chuchotement excessivement fort:

-Ne te laisse pas torturer par cette tyranne! Sinon tu vas finir comme moi: maltraité et terrifié. Bats-toi! Un jour nous serons libres!

Théodora pousse un « oh » offusqué, et lui balance sans hésité le petit os de cuisse de faisan. Il l'évite de peu puis lève le poing en l'air en criant avec conviction « LIBERTÉ! ».
Colombe explose de rire tandis que Théodora se lève pour lui sauter dessus mais il est déjà lui aussi debout et ils se mettent alors à courir autour de la table comme deux gosses. La jeune femme assiste à la scène en se tenant les côtes tant elle rit aux larmes. Elle n'avait pas rit ainsi depuis si longtemps qu'elle est incapable de se souvenir quand...
Enfin Ambroise se met cache elle en la tenant par les épaules et attrape sa cuillère en bois pour la mettre près de son visage.

-Ne t'approche pas plus, où je n'hésiterai pas à tuer de cette cuillère ta protégée!
-Petit tricheur.

Il hausse les épaules:

-Évidemment.

Theodora lève les yeux au ciel et se rassoit, essoufflée. Colombe continue de pouffer, et avant qu'Ambroise ne retourne à sa place il lui dit près de son oreille, d'une voix chaude qui fait étrangement frémir la jeune guérisseuse alors que sa main est encore sur son bras:

-Merci de m'avoir servi d'otage gente dame, je vous dois la vie.