Colombe

Chap. 21

-Théodora m'a dit que tu avais essayé de te lever.

Colombe sursaute et se redresse du mieux qu'elle peut dans ce lit. Dans ses pensées, à regarder la fenêtre, elle n'a même pas entendu l'homme entrer. Elle le regarde en silence sans dire un mot, plutôt méfiante. Elle l'observe, tandis qu'il s'approche, et elle constate à quel points ses cheveux noirs ondulés sont les mêmes en plus courts que ceux de Théodora. Elle remarque aussi ce même nez droit, cette forme ovale du visage, cette bouche fine et expressive. Elle se souvient vaguement de lui, lorsqu'il l'a détachée de son bûcher, avant que ce ne soit le trou noir. Il n'y aucun doute possible: il est le frère - visiblement plus jeune - de celle qui a soigné ses blessures.

-Elle m'a aussi dit que malgré l'absurde idée que tu as eu de te lever, tu ne semblais pas idiote.

Il s'assoit sur la chaise à côté du lit. Colombe a un léger mouvement de recul qu'elle essaye de contenir.

-Théodora déteste les gens idiots. Et pire encore, elles détestent ceux qui font en sorte que d'autres restent dans cette idiotie. Je crois qu'elle t'aime bien.

La jeune femme n'a rien à répondre. Elle ne sait toujours pas ce qu'elle fait ici, ce que ces gens lui veulent, ni qui ils sont.
Un ange passe, où les deux jeunes gens se regardent, et finalement quand elle n'y tient plus elle brise ce silence qu'elle trouve insoutenable:

-Je vous suis reconnaissante de m'avoir... sauvée, mais je dois rentrer chez moi.
-Oh. Visiblement ma sœur s'est trompée.
-...De quoi parlez-vous?
-Sur le fait que tu étais idiote. Il faut être idiote pour vouloir retourner dans le village où on a essayé de vous faire brûler. Encore plus lorsque son mari était tranquillement assis aux premières loges.

Colombe est estomaquée.
Bien-sûr il a raison, mais ce n'est pas ce qu'elle voulait dire, et la sauver ne permet pas à cet inconnu de l'insulter.

-Je dois rentrer chez moi. Si j'avais eu le choix je serais partie de cet endroit il y a des mois, alors votre jugement hâtif et perfide ne vaut en aucun cas mieux que toute la bêtise du monde.

L'homme affiche une expression choquée, puis après un instant, à un éclat de rire, ce qui prend encore davantage de court la jeune femme.

-Eh bien. Je comprends finalement pourquoi elle a eu une bonne impression de toi... Quoi qu'il en soit, que tu le doives ou non, je te déconseille de faire ça. Je doute que tu sois la bienvenue.
-Je m'en moque. Je dois...

Elle s'arrête. Reprend:

-Combien de temps ai-je dormi?
-Trois jours.

Le visage de Colombe devient livide. Elle s'agite dans le lit.

-Je... je dois vraiment partir. Je dois retrouver ma sœur.
-Ta sœur?
-Ma petite soeur. Elle est la seule famille qui me reste et... oh mon Dieu... vous n'auriez pas du me sauver...
-Pourquoi dis-tu ça?
-Walderic... il m'a pris Anastase. Il va vouloir s'en prendre à elle maintenant. Si j'étais morte peut-être que sa colère se serait apaisée mais maintenant... Je dois partir!

Colombe essaye de nouveau de se lever. En prenant soin cette fois d'appuyer de tout son poids sur ses bras contre le lit.
Le jeune homme se lève et vient à côté d'elle.

-Ma soeur tient à ce que tu te reposes.
-Je me moque de votre soeur. Avec tout le respect et la reconnaissance que j'ai pour elle, il n'y a que la mienne qui compte.

Un pas. Deux pas. Trois pas.
Colombe manque de s'effondrer. L'homme a vu venir la chute et la rattrape à temps avant de la reposer sur le lit.

-Tu vas juste réussir à te faire mal. Tu n'es pas en état de partir, encore moins de monter à cheval.
-A cheval? Mais... je n'avais pas l'intention de... monter à cheval.
-Ah oui? Trois jours de marche au mieux te séparent du comté.
-...Qu...quoi? Mais où sommes nous?
-Je pensais que Théodora te l'avait dit. Tu es dans le château du duché de La Loire.
-Mais... qu'est ce que je fais ici?! Qui êtes vous à la fin?!

Le jeune homme a un léger sourire, se penche pour prendre la main de Colombe et la porter à ses lèvres pour déposer sur ses doigts un baiser.

-Ambroise Duc De La Loire. Enchanté.