Chap.26

1.4K 152 6
                                    


Avant l'aube, alors qu'il fait encore nuit dans cet hiver froid et obscur et que la majorité des habitants de châteaux dorment encore profondément, Théodora entre dans la chambre occupée par Colombe. Elle la découvre chaudement habillée et en train de lacer ses petits souliers en peau.

-Oh parfait tu es déjà habillée! Suis-moi.
-Qu...quoi... mais...

Colombe n'a pas le temps de dire quoi que ce soit que Théodora est déjà sortie de la pièce. La jeune femme termine en vitesse de mettre ses chaussures et la rattrape en trottinant aidée de sa canne.

-Théodora je ne sais pas ce que vous attendez de moi mais je...

Elle la coupe:

-Nous devons nous dépêcher, nous avons beaucoup de travail.
-Mais de quoi parlez-vous?
-Et bien de ce que nous allons pouvoir faire ensemble voyons.

Théodora marche à toute allure à travers les couloirs étroits et les escaliers en colimaçon du château endormi.
Colombe est complètement perdue, et ne réussissant ni à comprendre ni à se faire comprendre, elle finit par s'arrêter brutalement, les jambes douloureuses.

-Bon stop! Je ne comprends rien.

Théodora s'arrête enfin et se tourne vers elle, l'observant avec un sourcil dressé, une main sur la hanche.

-Je suis désolée mais je m'apprêtais à partir.
-Partir où?
-Je ne sais pas.
-Hum. Alors qu'il fait encore nuit. Tu n'avais pas l'intention de nous prévenir n'est ce pas.
-Et bien...
-Ne réponds pas. Quoi qu'il en soit tu es encore blessée, tu n'as rien ni nulle part où aller. Partir serait absurde, surtout en plein hiver, et moi j'ai besoin de toi ici.

Elle s'apprête à reprendre sa marche, mais est encore arrêtée:

-Besoin de moi pourquoi? Je ne vois pas en quoi je peux être utile ici.
-Bien au contraire. Tu as une connaissance des plantes, et je pense que tu caches encore beaucoup de potentiel. Tu es impulsive mais intelligente. J'ai besoin d'une aide, je veux que ce soit toi.
-Une aide? Pour... soigner les gens?
-Oui. Les charlatans et les religieux ne font qu'aggraver le mal. Je veux une personne éclairée et prête à apprendre. Tu aimerais?

Colombe est bouche bée.
Comme elle ne répond rien, Théodora insiste:

-Tu pourras continuer de loger dans la chambre, et tu seras nourrie et habillée.

La jeune femme hésite. La proposition est alléchante bien sûr. Il y a quelques mois elle aurait probablement accepté sans hésitation. Mais maintenant elle veut partir loin, oublier tout. Comment oublier en ces lieux?

-Écoute, accompagne-moi aujourd'hui, et tu verras. Si ça ne te plaît pas, tu partiras demain. D'accord?
-...Oui, d'accord.

Le visage de Théodora s'illumine et un sourire satisfait étire sa bouche fine.

-Alors viens, ne perdons pas de temps!

La course folle se poursuit, et la canne à du mal à suivre, mais Colombe si accroche sans relâche. Finalement, elles arrivent à un corridor étroit et sans aucune décoration luxueuse, et Théodora frappe à une petite porte de bois. On lui dit d'entrer. Les deux femmes s'engouffrent dans la petite pièce où un homme d'âge mûr, alité, tousse fébrilement.

-Bonjour Nicolas. Je suis venue voir comment allait votre mal de poitrine. Je suis accompagnée aujourd'hui, voici Colombe, elle va m'être d'une aide précieuse.
-Bonjour... kof kof... j'ai réussi à dormir, j'ai l'impression d'aller un peu... kof kof... mieux. Mais ma toux ne veut pas se calmer... kof kof.
-Hum oui je vois ça en effet. Nous allons continuer les infusions de romarin et de miel, cela finira bien par passer. Si vous allez mieux c'est bon signe.

Théodora prend dans sa sacoche du romarin séché et un petit pot de miel. Elle s'approche du petit bol vide posé sur la table de nuit, y dépose des ingrédients et y fait couler de l'eau. Après quelques instants elle le fait boire à l'homme.
Colombe observe la scène et alors finit par dire d'une petite voix:

-Nous pourrions faire un cataplasme de lierre grimpant et de réglisse à poser sur sa poitrine...

Les deux paires d'yeux se tournent vers elle et Colombe perd son courage, mais tente de poursuivre:

-Le primevère est aussi très bien mais... (elle regarde le temps hivernal par la fenêtre) en cette saison il en faudrait des séchées... si vous en avez je veux dire...

L'homme l'observe incrédule et malade, et Théodora la toise avec un sourcil dressé. Colombe se maudit d'avoir osé si vite voulu balancer sa science comme si elle savait ce qu'il fallait faire mieux qu'elle. Elle tente de faire marche arrière:

-Enfin peut-être que ce n'est pas une bonne idée bien sur, je disais simplement ça comme...

Théodora la coupe avec une expression victorieuse:

-C'est une très bonne idée! Nous avons tout ça. Nous allons essayer.

ColombeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant