Chap. 10

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La fête bat son plein dans la grande salle du château aux murs recouverts de tapisseries merveilleuses et chaudes. Des bardes et jongleurs animent le banquet au milieu des tables installées en carré. Les invité sont composés de nobles voisins, de certains membres de la famille de Walderic, dont son jeune frère et certains cousins, et de plusieurs religieux. Anastase et Agnès ne sont pas présents, gentiment renvoyés au village après la cérémonie à l'Eglise. Elle n'a même pas pu les prendre dans ses bras ou leur dire au revoir. Mais elle sait qu'il veillera sur sa sœur. Qu'elle n'a pas besoin de le lui demander pour ça.

Colombe est la seule à ne pas se réjouir, discuter fort, manger comme vingt et rire aux éclats.
La jeune femme de contente de fixer le vide, en buvant trop de vin, qu'elle espère lui fera oublier ce cauchemar et la nuit qui l'attend.
Colombe est mariée. Elle qui avait juré de ne jamais épouser qui que ce soit, de ne pas devenir mère, de rester libre, là voilà en train d'assister impuissante à son propre mariage.
A son grand soulagement le comte ne s'occupe pas d'elle, trop occupé à discuter et s'esclaffer avec d'autres.
De plus, personne ne vient adresser la parole à Colombe si ce n'est pour les félicitations habituelles, comme si chacun savait au fond que ce mariage est une mascarade à laquelle elle n'avait pas eu le choix de consentir.

Soudain, alors que la nuit est largement tombée et la soirée très avancée, Walderic se lève, sa coupe à la main et réclame le silence qui s'installe aussitôt.

-Chers amis, merci à tous d'avoir été présents pour la célébration de notre mariage. Mais comprenez, nous allons devoir vous abandonner, car il faudrait être fou pour repousser d'avantage ce que tout homme désirerait tant s'il avait la chance de posséder mon épouse!

Des rires éclatent et Colombe ferme les yeux une seconde, ses ongles enfoncés dans la chair de sa paume jusqu'à la blesser. Elle les rouvre et boit d'une traite le reste de sa coupe de vin avant de se lever à son tour et d'accepter la main que son mari lui tend avec un sourire qui semble sincère.
Sans un mot ou un regard en arrière pour cette foule déchaînée de riches gras et rustres, Colombe s'enfonce avec Walderic dans les couloirs sombres du château jusqu'à la chambre conjugale où un feu crépite déjà dans la cheminée.
Le comte referme la porte derrière eux. Et retire aussitôt sa cape et le poignard que Colombe avait bien deviné caché.
Il s'approche de sa femme et pour la seconde fois - la première étant à l'église après les vœux prononcés - il l'embrasse.
La jeune femme se laisse faire, tout à fait froide et inerte.
Puis, il vient de nouveau glisser sa main dans la sienne et la mène jusqu'au lit. Il retire son voile, et défait doucement les lacets de sa robe dans son dos mais ne lui retire pas entièrement. Il se place devant elle et lui sourit encore, comme pour la rassurer.
Un loup qui aimerait rassurer l'agneau avant de le dévorer, pense Colombe.

-Ne crains rien, ça ne fait pas mal, ou simplement juste un peu au début.

Oh comme elle aimerait lui hurler qu'elle a déjà fait l'amour, et plus de fois qu'elle ne pourrait les compter. Qu'elle a adoré ça, vraiment, et que lui ne pourra jamais lui donner ne serait-ce qu'une once du plaisir qu'elle a pu ressentir avec Anastase.
En revanche, lui et elle ne feront jamais l'amour, elle le lui refuse. Elle se laissera faire, pour ne pas être frappée ou physiquement forcée, mais il ne pourra que la prendre, pas aimer son corps. Il n'y a aucun amour dans ce qu'il lui fera.

Sans rien répondre, ni rien laisser paraître sur son visage à part son indifférence, Colombe retire sa robe qu'elle laisse tomber au sol et s'allonge sur le lit, les mains jointes sur le ventre, les cuisses écartées et le regard fixé au plafond.

ColombeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant