Chap. 38

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La clairière, l'herbe, le soleil.
La biche, la flèche, le sang.
Son sein, sa blessure, son incompréhension.

Colombe est en état de choc. Elle ne comprend pas ce qui vient de se passer. Elle était si apaisée, si reconnaissante à la nature pour ce qu'elle était en train de lui offrir. Pourquoi tout arracher de la sorte, tout balayer.
Son sein est blessé et son propre sang mélangé a celui de la biche agonisant dans la terre, se répand sur sa robe.

Soudain, des cris de joies.

-En plein dans le mille! Du premier coup!

Un jeune homme de dix-sept ou dix-huit ans sort des arbres, un arc à la main et un immense sourire sur son visage. Juste derrière lui, deux autres hommes, un peu plus âgés, mais tous d'une ressemblance farouche.
L'archer court jusqu'à la bête sans même se soucier de Colombe et sort un couteau de sa ceinture pour achever l'animal. Les deux autres hommes en revanche n'ignorent pas Colombe et s'approchent d'elle.

-Qui es-tu toi? Qu'est ce que tu fais là?

Elle reste silencieuse, et lorsque l'un des deux lui attrape le bras, elle vient déposer en un mouvement absolument fluide son couteau, qu'elle avait pris soin de sortir discrètement des plis de sa robe, contre la gorge de l'inconnu.
Aussitôt, la légèreté de la clairière se fige et même le gamin trop occupé avec la biche, se lève d'un bond pour venir jusqu'à eux.

Celui qui est menacé, visiblement le plus âgé (peut-être trente ans), met ses mains en évidence en signe de paix en souriant:

-Calme-toi ma jolie. Inutile de s'énerver.
-Je ne suis pas ta jolie. Touche-moi encore et je te coupe le peu que tu as entre les jambes.

Alors, l'autre jeune homme (dans les vingt-cinq ans), éclate d'un rire franc.
L'homme menacé, la lame toujours aussi dangereusement posé contre sa peau, continue de sourire.

-Ne sois pas idiote. Même si tu réussissais à me tuer, mes frères se chargeraient de ton sort à la seconde. Et ça ne serait pas joli à voir.

Colombe observe d'un coup d'œil les deux autres hommes. Ils sont tranquilles, pas inquiet pour un sou du sort de leur aîné. Ils semblent s'amuser de la situation, et cela ne plait pas du tout à la jeune femme.

-Je vais partir. Suivez-moi et je vous tuerai tous les trois, dit-elle d'un ton qu'elle espère calme et décourageant.

Comme les trois inconnus ne semblent pas vouloir aller à l'encontre de ce qu'elle vient de dire, elle se met à reculer lentement, toujours menaçante, son couteau qu'elle tient avec fermeté dans sa main.
Ils ne font rien, la regarde simplement s'éloigner.
Colombe ramasse son petit sac qu'elle avait laissé dans l'herbe, jette un dernier coup d'œil désolé à la biche morte, puis se met à courir dans les bois.

Ils ne la suivent pas, mais la jeune femme continue de courir quelques minutes avant de ralentir le pas, le souffle court. Elle est à l'affût, mais lorsqu'elle est certaine d'être assez loin et bien seule, elle s'assoit sur le tronc d'un arbre mort et défait doucement les lacets de son corsage ensanglanté. Elle retire le tissu de son sein et observe sa blessure. Ça saigne beaucoup, mais ce n'est pas trop profond. Elle rince la plaie avec un peu d'eau de sa gourde, en boit elle-même, puis prend une pâte à base de plantes qu'elle a fabriqué et en applique sur la plaie avant de recouvrir d'un morceau de tissu propre. Elle referme le haut de sa robe, et sans attendre davantage reprend sa marche.

En repensant à la pauvre bête, une larme glisse sur sa joue qu'elle essuie aussitôt.
Elle en est certaine à present: Colombe déteste les humains. Et par dessus tout, elle déteste les hommes.

ColombeWhere stories live. Discover now