Chapitre 59

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PDV Megan

J'ai très, très mal dormi cette nuit. En fait je n'ai pas dormi, je n'ai pas réussi à fermer l'œil de toute la nuit. J'ai ressassé tous les derniers événements des quatre derniers jours en essayant de me convaincre qu'Amarok a raison quand il me dit que Tristan n'est pas fréquentable, qu'il m'a trahit une fois et qu'il peut bien le refaire encore et encore.
Mais en y réfléchissant plus, il n'a fait que remplir son devoir envers sa communauté. Il s'est servi de son ennemi comme je l'ai souvent fais moi aussi. Finalement nous sommes pareil. Ais-je été conne en lui tournant le dos hier ? Je me repasse cette scène encore et encore en essayant de comprendre. Il était revenu, c'est ce que je souhaitais mais je l'ai quand même repoussé par orgueil. Était-il venu me dire quelque chose ? Et si c'était quelque chose d'important ? Si il voulais me dire qu'il pensait comme moi ? Mais je ne le saurais jamais car j'ai laissé passer ma chance. Il ne reviendra pas, pas après ce que je lui ai fais. Pas après avoir tué des Chasseurs qu'il connaissait et lui avoir ensuite tournée le dos alors qu'il revenait quand même vers moi.

Voila ce qui m'a tenu éveillée durant toute la nuit. Au petit jour, je n'en peux plus et décide de sortir. J'ai besoin de respirer de l'air frais, d'aérer mon esprit torturé.
Soudain oppressée, je ne prends pas la peine de me changer et sors en nuisette. L'air froid de ce doux matin ne m'atteint nullement, pas plus que je ne sens l'herbe mouillée sous mes pieds nus. Sans m'en rendre compte, je m'enfonce dans le forêt et suis un itinéraire bien connu par mes jambes.

Débouchant dans ma clairière, je jette des sorts par-ci par-là afin de décompresser. Mais la boule dans mon ventre ne me quitte toujours pas. Je me sens mal. L'histoire avec Tristan me met dans tous mes états.
Trop occupée à améliorer le sort de la boule de feu, je n'entends pas le danger arriver. Fatiguée, mon instinct me fait défaut et je ne remarque mes ennemis que lorsque ces derniers sont sur moi.
Criant de surprise, j'essaie d'échapper aux Chasseurs encapuchonnés qui brandissent leurs armes contre moi. Je tente de leur lancer ma boule de feu mais bien sûr elle ne les atteint pas. Leur rire sadique me fait vraiment peur. Je croyais que tout était fini. Mais apparemment, trois Chasseurs ont réussi à s'introduire sur les terres de Benevento.
Je n'arriverai jamais à les vaincre !

- Il est temps de payer pour tes crimes sorcière ! Menace le premier homme.

- Tu vas regretter d'avoir tué mon frère sale démon ! Hurle un autre.

Le troisième se contente de lancer un poignard dans ma direction. La précision du lanceur ne laisse aucun doute quand son arme vient se planter dans mon épaule.
Un hurlement de douleur franchit mes lèvres avant que je ne puisse le retenir.

"Amarok !"

Acculée et blessée, j'essaie de me protéger contre ces hommes en attendant que mon loup ne me porte secours mais ces derniers enchaînent les coups. J'arrive à en arrêter plusieurs avec ma magie mais à trois contre un, ma protection ne me sert pas à grand chose. Les Chasseurs, sans encore me tuer, me rouent de coups, transpercent ma peau de leurs pieux.

- Reculez enfoirés ! Hurle une voix où transperce la haine.

Une ombre fait reculer mes assaillants et un éclair argenté fend l'air. Ajustant ma vue, je vois Tristan se battre contre les trois Chasseurs. Je ne l'ai jamais vu autant enragé. Son séduisant visage est ravagé par une expression de fureur. Sa force semble être décuplée et sa rapidité aussi. Les Chasseurs doivent battre en retraite pour ne pas finir embroché par l'épée argentée. En un temps record, il met à terre ses adversaires.

Puis il se tourne vers moi quelque peu blessé mais en un seul morceau. Sans un mot, il se penche vers moi et me soulève. Ma chemisette légère vole dans le vent, elle est déchiquetée et recouverte de sang par endroit. Me portant comme une princesse Tristan s'éloigne en boitillant de la clairière. Un sentiment de paix apaise ma douleur alors qu'il me serre plus fort dans ses bras dans un geste protecteur. Mais mon bonheur est de courte durée car soudain Tristan gémit et tombe à genoux. Me protégeant de son corps, il offre son dos à un Chasseur s'étant relevé. Une épée transperce son poitrail et un filet de sang se met à couler du coin de sa bouche. Je pousse un hurlement de terreur alors que Tristan s'effondre sur moi en gémissant. Le troisième Chasseur toujours en vie retire son épée et s'apprête à décapiter mon protecteur. Mais un énorme loup brun l'en empêche en l'envoyant valser à quelque mètres. Se tournant vers moi Amarok s'assure que je vais bien avant d'en finir avec l'autre Chasseur. D'un coup de dents il lui ouvre la trachée, faisant couler le sang à flot. Les trois Chasseurs sont désormais morts.

- Tristan ? Appelé-je. Tristan !

Le ciel commence à pleurer en même temps que moi. Mes larmes se confondent avec les gouttes de pluie. Tristan ne me répond pas.

"- Tu peux alléger sa blessure Megan, il a une chance si tu guéris une partie de son mal, le reste dépendra de lui"

Écoutant Amarok, je pose mes mains sur le corps chaud de Tristan et tente de le guérir. J'inspire puis expire afin de me calmer. Puis je me concentre sur sa blessure dans son dos. Ramenant mon pouvoir dans mes paumes je le dirige avec facilité dans le corps de Tristan. Je me sens peu à peu partir alors que je donne mon énergie au Chasseur. Je suis dans un état de grande faiblesse, fatiguée et blessé mais je dois tenir. Je ne peux pas lâcher. Mes yeux me brûlent, mes larmes se transforment en feu. Mais je continue de lui transmettre ma magie.

"- Ça suffit Megan", me prévient Amarok.

Mais je continue. Je sais qu'il me dit ça pour ne pas que je me mette en danger. Mais il vaut la peine que je me batte pour lui. Que je me batte pour nous. Je ne le laisserai pas, plus jamais. Je le protégerai de ma vie si seulement il pouvait me revenir. Me sentant partir, je lui jette un dernier coup d'œil. Sa blessure ne s'est pas refermée entièrement et son visage est livide. Un filet de sueur barre son front. Ses cheveux noirs en batailles sont tachés de rouge. Ses vêtements sont déchirés par endroits et de multiples blessures maculent son corps musclé. La vision d'un Tristan mourant est la dernière image que j'emporte de lui avant de m'évanouir.

***

Je me réveille dans mon lit. La première chose que je fais est de tâter mes blessures. Fort heureusement, ma magie s'est occupée de guérir les plus grosses. J'ai toujours des égratignures et de gros bleus mais ma blessure à l'épaule n'a laissé qu'une énième cicatrice sur mon corps. Amarok est à mon chevet, endormi sur une chaise près de mon lit. Je lui passe la main dans les cheveux pour lui signaler que je suis éveillée.

- Salut, dit-il d'une voix endormie en levant la tête.

Je lui souris faiblement alors qu'il baille.

- Tristan...

Son sourire chancelle avant qu'il ne me réponde.

- Il est dans la chambre d'amis d'a côté. Quand j'ai vu que tu allais mourir pour essayer de refermer entièrement sa blessure je t'ai fais lâcher prise puis je vous ai ramené tous les deux ici.

Je hoche la tête.

- Tu... Tu as sauvé Tristan du Chasseur, m'exclamé-je surprise.

- Je sais qu'il compte beaucoup pour toi et que sa mort te détruirait. Et tu sais bien que c'est la dernière chose que je veux, fait-il en haussant les épaules.

Je lui adresse un grand sourire pour le remercier avant de lui poser la question qui me brûle les lèvres.

- Est-ce qu'il va bien ?

- Tu l'a beaucoup aidé dans sa guérison. Mais son destin est toujours incertain.
Va le voir, finit-il par lâcher à regret.

Je lui plaque un gros baiser sur la joue avant de sortir de mon lit et de me diriger vers la chambre de Tristan. Au passage je remarque que Amarok m'a fait enfiler un leggings noir ainsi qu'un large t-shirt gris. Il m'a aussi décrassé et loin d'être gênée qu'il est pu me voir en petite tenue (ce ne serait pas la première fois) je l'en remercie.

J'hésite un peu devant la porte avant d'entrer. J'ai peur de voir l'état de Tristan. Et si il ne s'en remettait pas ? Je secoue la tête pour chasser ses idées noires et entre.

Tristan, blanc comme un linge, est allongé sur le lit à baldaquin. Une fine pellicule de sueur perle sous ses yeux clos. Son expression pincée laisse supposer que sa guérison n'est pas sans douleurs même dans l'inconscience. Je passe doucement ma main sur son front et remarque avec anxiété qu'il est brûlant de fièvre. Je caresse doucement ses cheveux noirs lavés de tout sang. Lui aussi a été changé et lavé. Je souris en pensant que si Tristan guéri, les deux jeunes hommes enterreront la hache de guerre.

Dans son sommeil Tristan s'agite, semblant se débatte contre ses démons. Mais à mon touché il se calme. Je concentre à nouveau mon pouvoir sur sa blessure afin de l'aider à se rétablir. Par miracle ça marche et au bout d'une dizaine de minutes je la sens enfin se refermer.
Son expression dure se transforme peu à peu en une expression sereine. Fatiguée mais satisfaite, je m'endors, la tête posée sur son buste.

"Il s'en sortira, il est assez fort pour ça"

L'EnsorceleuseWhere stories live. Discover now