Chapitre VI

3.4K 218 6
                                    

-Alena! Par ici!

Quel soulagement! Je vis Davy au second rang qui me faisait signe de le rejoindre. Je m'installai à coté de lui tout en ouvrant un de mes cahiers. J'inscrivis mon nom sur la première page, tentant de ne pas montrer à quel point j'étais stressée. Il rapprocha sa chaise de moi. Une odeur incroyable, celle d'une foret en pleine nuit, juste après un orage, me chatouilla les narines. Je fixai mon stylo de mon mieux, arborant une expression que j'espérai neutre.

-Alors, prête? fit-il en fixant la page de mon cahier.

-On va dire ça comme ça, répondis-je en plissant les yeux.

L'antique cloche en bronze située dans un coin de la salle sonna cinq coups. A cet instant, Mme Warren entra dans la salle. Elle portait une robe noire en dentelle, assez traditionnelle. Ses cheveux, auburn, étaient relevés en un chignon bas, qui laissait transparaitre ses tatouages en forme de lettres grecques. Elle sourit à la classe, laissant se disperser sa bonne humeur dans la classe entière.

-Bonjour à tous, j'espère que vous allez bien. Aujourd'hui, nous allons étudier une œuvre qui me tient beaucoup à cœur, en partie parce-que l'auteur faisait partie de notre monde. Des idées?

Mme Warren parcourut la salle de ses yeux gris, qui me rappelaient ceux d'Alexia. Voyant que personne ne répondait, elle s'assit gracieusement sur le bureau en ébène et sourit de plus belle.

-Et si je vous dis 1597? proposa-t-elle.

Des murmures parcoururent la salle de long en large. Des bruits de pages froissées et tournées à la hâte retentirent doucement. Je fixai la page de mon cahier tout en me remémorant mes cours de littérature au lycée. La réponse me frappa de plein fouet, telle un éclair soudain. Je pris mon courage à deux mains puis levai le doigt.

-Alena? dit la prof en me gratifiant d'un sourire lumineux.

-Ce ne serait pas Roméo et Juliette par hasard?

-Je vois que cette jeune fille est très cultivée! En effet, nous allons étudier cette œuvre magistrale. Les rangs de derrière, pouvez-vous faire passer les exemplaires de la pièce à la classe? demanda Mme Warren en se relevant.

Je me retrouvai bientôt en possession d'un des exemplaires, tous ornées de lettres manuscrites. J'ouvris la première page par curiosité. La date 1597 me sauta aux yeux. J'effleurai les pages délicatement jaunies, retenant mon souffle. L'ouvrage que nous avions dans les mains était un authentique. Le reste du cours passa à la vitesse de la lumière, et même si je n'appréciais pas trop les cours de mon ancien lycée, ceux-là promettaient d'être...intéressants. Je sortis de la salle, immédiatement rejointe par Davy.

-Alors, comment c'était?

-A vrai dire, c'était magique, je ne me suis pas ennuyée une seule seconde, déclarai-je.

-Magique est le mot pour qualifier cette école, ma chère! s'exclama-t-il d'un ton théâtral.

J'éclatai de rire. Celui-ci résonna entre les murs de pierre de l'établissement et tous les élèves du couloir se retournèrent pour me lorgner. Super. A peine arrivée et je me faisais déjà remarquer. Le cours d'espagnol se déroula dans une sorte de nuage brumeux. Cordélia était surement la plus belle femme que j'ai jamais vu, humaines et loups-garous confondues. Elle avait d'immenses yeux vert émeraude, qui contrastaient avec ses cheveux blonds, qui descendaient jusqu'à ses épaules. Son nez légèrement aquilin lui donnait plus l'air d'une adolescente que celui d'une professeure et elle avait l'énergie d'une tornade. Deux cœurs partaient de chaque coté de son croissant de lune et s'arrondissaient vers ses pommettes hautes. Bien que ne comprenais pas tout de son cours, je pris consciencieusement des notes. Je détestai être en retard. A la fin du cours, je me dirigeai vers la piste de course, aménagée près des cottages. J'entrai dans le petit vestiaire juste à coté, puis me débarrassai de mon uniforme avant d'enfiler un legging et un débardeur noirs. J'étais en train de rassembler mes cheveux en queue de cheval lorsqu'Ewa se laissa tomber sur le sol, son sac glissant sur le sol. Elle enfila à son tour la tenue de gym, attacha ses lacets et sourit gentiment.

-Alors? Tu aimes bien les cours pour l'instant? voulut-elle savoir.

-C'est vraiment cool ici. On se sent bien, je trouve, dis-je.

Elle avala une goulée d'eau en acquiesçant. Quelques minutes plus tard, un coup de sifflet interrompit les bavardages incessants, pour le plus grand plaisir de mes oreilles. Ewa et moi sortîmes du vestiaire à grandes enjambées, comme la plupart des filles du cours. Mr Ashton était plutôt grand, assez sec. Je compris immédiatement qu'il ne fallait le contredire. Pourtant, contre toute attente, il expliqua d'un ton sympathique:

-Je sais que pour vous, course rime avec fatigue, mais pas ici. Allez y à votre rythme, laissez vous allez et surtout ne paniquez pas si vous vous rendez compte que vous perdez et que vous commencez à vous transformer! Tout rentrera dans l'ordre si vous êtes calmes! Maintenant, assez parlé! Allez y!

Il siffla un coup net, qui résonna dans la foret. Je levai la tête et découvris que les arbres avaient entremêlés leurs branches les unes aux autres afin de créer une obscurité presque totale, rassurante. Je fis quelques foulées légères, Ewa à mes cotés. Je voyais les arbres majestueux défiler à toute vitesse. A travers les branchages, j'aperçus même deux bâtiments, identiques à celui du lycée. Nous sautâmes un petit ruisseau calme, provoquant les piaillements des oiseaux. Nous nous arrêtâmes quelques mètres plus loin, histoire de reprendre notre souffle. Je sentis une adolescente nous dépasser à la vitesse de la lumière. Ses cheveux d'un blond cendré rebondissaient à chacune de ses foulées.

-Hé la nouvelle! Faudrait peut être courir au lieu de faire semblant! hurla-t-elle, provoquant le rire de tous ses sous-fifres.

Je serrai les poings, une vague de rage navigant dans mon corps. J'émis un grognement menaçant avant de pousser un petit cri. J'eus l'impression que mes os se brisaient un par un. Je fermai les yeux, redoutant ce qui allait se passer. Je sentis l'herbe vigoureuse sous mes pattes, et chaque particule d'air s'accrochait à mon pelage. Mon pelage? Des pattes? Je fixai le sol, apercevant deux énormes pattes gris cendré. Mon moi sauvage. La blonde lâcha un cri puis repris sa course, imitée par ses amies. Ewa s'approcha calmement de moi. Elle s'agenouilla vers moi et murmura des paroles réconfortantes. Au fur et à mesure que les battements de mon cœur ralentissaient, je sentis un étrange calme me parcourir. Mes griffes disparurent, ainsi que mes pattes et ma fourrure. Je me relevai doucement, encore sonnée. Ewa m'attrapa les épaules et murmura:

-Allez viens. On va prendre une douche, ça ira mieux après.

Je hochai la tête tandis que nous pénétrâmes dans le vestiaire désert. Nous entrâmes dans les douches, heureusement séparées par des rideaux. L'eau chaude détendit mes muscles lentement. Je fermai mes yeux en soupirant, repensant à ce qui venait de se passer. J'attrapai ensuite une serviette puis me séchai rapidement, avant de me rhabiller. Ewa sortit à son tour de la douche, et nous nous précipitâmes au réfectoire. J'étais affamée.

WerewolfWhere stories live. Discover now