Chapitre XXVI

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Il posa une main dans mon dos et me guida à travers la pièce. Du coin de l'œil, je vis le sourire de Mia disparaitre et elle serra sa flûte de toutes ses forces en baissant la tête, vaincue.

Mia: zéro. Alena: un.

Davy poussa la lourde porte munie d'anneaux en étain. L'air chaud de la soirée s'engouffra doucement tandis que nous sortions, faisant virevolter le bas de ma jupe. Le parc était métamorphosé. Des guirlandes lumineuses étaient fixées aux arbres et de la musique beaucoup plus douce qu'à l'intérieur flottait dans l'air. La pleine lune projetait ses ombres rassurantes sur la pelouse fraichement tondue. Des petits bancs étaient disposés çà et là, invitant les élèves à s'asseoir pour contempler le domaine. Durant une poignée de secondes, tous les événements qui s'étaient produits ce dernier mois me donnèrent le vertige. J'avais du mal à croire que j'étais là depuis seulement un mois. J'avais plutôt l'impression d'y avoir vécu toute ma vie. Peut-être que c'était ça qui faisait le charme de cette école. On y vivait un tel concentré de vie que l'on perdait rapidement la notion du temps: les minutes devenaient des heures pour se transformer en semaines, voire en mois.

-Tu es très belle ce soir. Encore plus que d'habitude, me complimenta-t-il, me sortant de mes pensées.

-Merci, toi aussi. Enfin, je veux dire, tous les garçons sont beaux en costume, mais toi, tu es encore plus beau qu'eux, dis-je.

Je fis un petit signe de la main en espérant que ma voix avait été intelligible. Il se contenta de sourire et resserra sa prise autour de ma taille. A ce simple contact, un frisson de joie me parcourut et une nuée de papillons explosa en moi à la simple idée que ce garçon était mon Ame Sœur.

Sans que je m'en aperçoive, nous marchions à présent sur un tapis rouge brodé de doré, identique à celui que l'on voyait lors du Festival de Cannes. A son extrémité se trouvait une arcade en fer forgé, inondée de fleurs blanches, violettes et roses. J'agrippai son bras, intriguée.

-Où sommes-nous? soufflai-je.

-Patience, tu verras bientôt.

Il m'adressa un regard énigmatique en caressant ma main. Une jolie fille aux cheveux miel, vêtue d'une robe mauve s'approcha de nous en nous saluant avec un grand signe de la main. Elle brandit un appareil photo digne d'un photographe et c'est là que je compris. L'heure de cette photo clichée que l'on retrouvait dans tous les films américains avait sonné. Nous la suivîmes jusque sous l'arcade et elle recula de plusieurs pas, le temps que nous prenions. Je commençai sérieusement à paniquer: je n'avais aucune idée de comment procéder. Heureusement, Davy me vint en aide. Il posa une de mes mains sur son torse, passa sa main autour de ma taille et m'embrassa sur le front d'un air protecteur et éperdument amoureux. Le crépitement du flash s'éleva plusieurs fois, puis la fille nous fit signe que nous pouvions venir voir les photos. Main dans la main, nous nous penchâmes par-dessus son épaules pour observer les clichés. Ils étaient tous aussi réussis les uns que les autres.

-Normalement, les photos devraient être développées dans une semaine au maximum, expliqua la photographe. Pour venir les chercher, il suffira de demander Ana Baker à n'importe quel membre du corps enseignant et je volerai jusqu'à vous.

Avant que nous avions pu la remercier, elle accourut à la rencontre d'un nouveau couple. D'ailleurs, le parc commençait à se remplir progressivement de couples, plus ou moins bien assortis. Nous remontâmes l'allée de gravier et il me conduisit dans un endroit isolé, proche du bâtiment où avaient lieu les rituels des Enfants de l'Obscurité. En parlant de ça...Ce n'était pas que j'avais peur, mais l'appréhension monta douloureusement en moi. Je pris une profonde inspiration en essayant de ne penser à rien, en vain. Voyant que quelque chose clochait, mon Ame Sœur me serra dans ses bras et me caressa les cheveux.

-Que se passe-t-il? Est-ce que j'ai fait quelque chose qui n'allait pas? s'inquiéta-t-il.

-Non, ne t'inquiète pas. C'est juste que je suis invitée au rituel de Mia ce soir, du coup, j'appréhende un peu, murmurai-je au creux de son épaule.

-Je vois. Tout ira bien, je te le jure. J'aurais bien voulu t'accompagner, mais je ne suis plus le petit ami de Mia. Je l'ai cassé juste avant le bal.

Soudain, je me sentis beaucoup mieux. Rien que le fait d'imaginer la tête de Mia provoqua en moi un fou rire incontrôlable. Un instant, il me fixa comme si j'étais bonne à interner, puis explosa de rire à son tour. L'hilarité passée, je pris subitement conscience d'où Davy m'avait emmené. Nous nous trouvions dans une sorte de manège, illuminé par des centaines de minuscules bougies.

-Alors? Ca te plait? demanda-t-il.

-C'est magnifique. Seulement, je te rappelles que je ne sais toujours pas danser!

-Ce n'est rien, je vais te montrer. Laisse-toi faire. Nous allons commencer doucement: gauche droite gauche droite. Comme ça.

Il me fit la démonstration et je l'imitai, sans pouvoir m'empêcher de lui écraser les pieds, ce qui lui arracha un sourire.

A cet instant, la musique diffusée par les enceintes changea radicalement. Au loin, tous les couples se mirent à tourbillonner à toute vitesse, comme si leurs vies en dépendaient. Lorsque je reconnus les premiers accords de All of Me , je ne pus retenir les larmes d'émotions qui perlaient aux coins de mes yeux. Déjà que je trouvai cette chanson magnifique, à ce moment, elle l'était encore. Nous commençâmes à danser lentement, en effectuant de larges cercles. Je fermai doucement les yeux en me laissant tomber en arrière, le dos légèrement cambré. Il posa ses mains dans le creux de mes reins et m'embrassa le cou, ce qui provoqua l'affolement des battements de mon cœur. Je gardais les yeux fermés. C'était mon Ame Sœur, une partie de moi, et je me devais de lui faire confiance. Ce n'était pas pour rien que la déesse nous avait réunis.

-Je t'aime, Alena Sheldon. Pour toujours et à jamais, chuchota-t-il.

-Moi aussi. A la vie, à la mort, dis-je sur le même temps tandis que me redressai.


Je flottais sur un petit nuage. Littéralement. Je ne m'étais jamais sentie si bien, ni aussi comblée. Les heures défilaient à la vitesse de la lumière, si bien que je fus complètement surprise lorsque Davy me glissa à l'oreille:

-Il est minuit moins cinq. Tu devrais peut-être y aller.

Je soupirai. Si seulement je pouvais rester ici toute ma vie! Après l'avoir embrassé une dernière fois, je me dirigeai vers mon cottage d'un pas trainant. Là, je me débarrassai de ma robe de bal, enfilai la robe que je portais lors du dernier rituel, ressortis de chez moi, puis me transformai, avant de m'élancer à toute vitesse dans la forêt.


WerewolfWhere stories live. Discover now