Chapitre XX

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Je sortis du gymnase en me massant les bras. L'entraînement avait été beaucoup plus rude que d'habitude et j'étais épuisée. J'avalai une grande gorgée d'eau puis me dirigeai vers les casiers. Je fourrai mes affaires de cours à l'intérieur tandis que le couloir commençait à devenir noir de monde. Ewa se fraya un chemin à travers la mer d'adolescents, suivie de près par Destiny et Éline. Cette première rangea à son tour ses affaires en soupirant et se tourna vers moi:

-J'ai cru que j'allais mourir! La littérature en dernière heure, c'est très peu pour moi! s'écria-t-elle en bayant théâtralement.

-Je te comprends absolument! Déjà que je détestais l'espagnol quand j'étais humaine, ce n'est pas maintenant que je vais apprécier! continua Éline en enlevant la pince qui retenait ses cheveux.

Ils retombèrent en cascade sur ses épaules, enfin libérés. Destiny posa son sac sur le sol en se massant le cou.

-Vivement le week-end, moi je vous dis! J'en ai ras les boucles! grogna-t-elle.

Nous pouffâmes à cette expression, plutôt bien revisitée. Un vacarme impressionnant de conversations et de rires résonnait à présent. Une nouvelle journée de cours venait de se terminer, peut-être plus lentement que les autres. Nous nous engouffrâmes dans le flot d'élèves surexcités. Le bal approchait à grand pas et c'était le seul sujet de conversation de la plupart des élèves. Les affiches se faisaient de plus en plus nombreuses. J'avais même vu quelques stands afin de récolter des fonds, même si nous n'en avions pas vraiment besoin. J'en avais profité pour acheter une statuette de la déesse et une immense bougie violette à la lavande. Je poussai la lourde porte et nous sortîmes dans la cour.

-Au fait, ça vous dirai qu'on aille à la fête foraine ce soir? demanda Ewa.

-On a le droit de sortir? dis-je en fronçant les sourcils.

Destiny acquiesça:

-Bien sûr! Ce n'est pas une prison quand même!

-Il faut juste recouvrir ses tatouages et demander la permission à Pandéia, poursuivit Éline.

-J'irai lui demander. On se retrouve ici dans une vingtaine de minutes? proposai-je.

Les filles hochèrent à la tête et s'éloignèrent. Je rentrai de nouveau dans l'établissement. D'après ce que j'avais entendu, le bureau de la prêtresse se trouvait au troisième étage, juste à côté de la bibliothèque. Au fur et à mesure que je gravissais les escaliers, les étudiants se faisaient de plus en plus en rares. J'avais la désagréable sensation d'être observée, mais je n'aurais su expliquer pourquoi. Le couloir qui menait à la bibliothèque était silencieux et vide. La première porte à droite qui portait l'inscription direction étant fermée, je toquai légèrement. La voix de la professeure s'éleva aussitôt.

-Entrez!

A l'intérieur, je trouvai la prêtresse assise derrière un bureau immaculée, encerclée de papier, un ordinateur portable ouvert à ses côtés. Elle le ferma avant que j'ai pu voir ce qui était affiché sur l'écran et posa son regard sur moi. D'un geste, elle me fit signe de m'asseoir sur une des chaises finement sculptées, qui me rappelai celles qui meublaient la pièce où avaient lieu les rituels orchestrés par Mia.

-Bonsoir Alena. Tu as un problème? s'inquiéta-t-elle.

-Non, non! la rassurai-je. C'est juste que moi et mes amies souhaitions sortir ce soir. Pourrai-je avoir votre autorisation?

Elle me sourit doucement et secoua la tête de haut en bas. Je lui souris à mon tour et je sortis, après qu'elle m'ait souhaité une bonne soirée. Je redescendis les marches en sautillant. Maintenant que les élèves étaient tous sortis, l'établissement paraissait beaucoup plus grand que d'ordinaire; c'était un peu surprenant. Je sortis et me ruai en direction des cottages: il me restait à peine dix minutes. J'entrai dans la salle de bains, ouvris le placard à pharmacie et fouillai à l'intérieur. J'en sortis un bocal rempli d'une poudre beige. Il s'agissait d'un fond de teint permettant de dissimuler les tatouages. J'en appliquai à la hâte sur mon visage et mes épaules, puis passai un coup de brosse dans mes cheveux emmêlés avant de ressortir dehors. Heureusement, le chemin était tout aussi désert que le couloir de la bibliothèque. J'accélérai le pas et rejoignis les filles qui patientaient tant bien mal.

-Hé ben! Tu en as mis du temps! lança Éline.

-Le plus important c'est que je sois là, non?

J'avisai ses épaules, où ses tatouages étaient encore visibles. Comme si elle lisait dans mes pensées, elle déclara:

-Personne ne se posera de questions. Il y a pleins d'humains tatoués aux épaules.

Je haussai les épaules. Après tout, elle s'y connaissait mieux que moi. Le trajet jusqu'à la fête passa rapidement. Les effluves de pommes d'amour et de barbes à papas me chatouillèrent les narines, tandis que nous baignions dans un océan de musique. L'espace d'un instant, j'eus l'impression de redevenir celle que j'étais avant. Ce moment de normalité était rassurant, bien que je n'aurais échangé pour rien au monde ma nouvelle vie. Les gens nous dépassaient et nous bousculaient sans nous adresser un seul regard, comme si nous n'existions plus. Nous fîmes un tour de repérage attentif tout en parlant du bal et d'autres sujets de conversation qui défilaient à l'école. Nous nous arrêtâmes ensuite à un stand de glaces italiennes et mon ventre se mit à gargouiller. Ewa sortit un billet de dix euros au forain et lui commanda trois glaces cerise-passion. Il s'affaira en silence et ramassa la monnaie. Elle nous tendit nos glaces en souriant. On aurait dit une sorte d'elfe malicieux tant elle était heureuse d'être ici.

-Tu avais raison, Éline, soufflai-je au bout d'un moment. Personne ne fait d'allusion à tes tatouages.

L'intéressée arqua un sourcil en effectuant une petite danse complètement ridicule, ce qui lui valu des regards interrogateurs de la part d'un couple d'un âge assez avancé.

-Tu vois! J'ai toujours raison! chantonna-t-elle.

-Tu es d'une telle modestie! C'est hallucinant! pouffa Ewa.

-J'allais dire la même chose, mais j'avais peur d'être frappée par cette sauvage! s'exclama Destiny.

Pour toute réponse, Éline lui tira la langue et nous éclatâmes de rire tandis que nous nous dirigions en direction du grand huit.

Lorsque nous rentrâmes, c'était presque l'heure du couvre feu. Je m'apprêtai à ouvrir la porte de mon cottage quand un bouquet de roses noires attira mon attention. Je me baissai pour le ramasser. Qui avait pu déposer ça devant ma porte? Une petite enveloppe était attachée à une des tiges. Je la détachai délicatement et ouvris la porte. J'attrapai un vase, le remplis d'eau et y déposai les fleurs puis je me laissai tomber sur le canapé. Je déchirai l'enveloppe, ma curiosité piquée au vif. J'en sortis une élégante feuille de papier ivoire où était écrite une simple phrase à l'écriture peu soignée et dont les lettres étaient inclinées.

Accepterais-tu d'être ma cavalière?

D.

Je souris comme une idiote. Mon cœur fit une violente embardée entre mes côtes. Je passai un doigt sur ce mot, faisant baver l'encre.

-Oui, murmurai-je.

Pourquoi? Parce que j'étais follement et irrévocablement amoureuse de Davy.




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