Chapitre XXIII

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-Vas-y, je t'écoute. J'ai tout mon temps, dis-je en croisant les bras.

Je me décalai au maximum pour lui laisser la place de s'asseoir. Je repliai mes jambes en tailleur tout en triturant un coin de la couverture, le but étant de ne pas croiser son regard une seule seconde. Cependant, c'était plus fort que ma volonté. Mon regard se posait continuellement sur lui. Pourquoi fallait-il que j'éprouve des sentiments à son égard?

-Je suis sincèrement désolé pour ce qui s'est passé, commença-t-il.

Je gardai le silence, les yeux visés sur ses yeux dorés. Il soupira avant de reprendre la parole.

-Je sais que tu es fâchée, ça se voit. Quand je suis entré, tu as commencé à paniquer et tu as essayé d'éviter mon regard. Je commence à te connaitre, tu sais.

Je secouai négativement la tête. Imperceptiblement, je me rapprochai de lui, provoquant les gémissements du lits, accompagnés de mes battements de cœur de plus en plus irréguliers.

-Je ne t'en veux pas. Je suis seulement un peu déçue, fis-je. Il y a une manière beaucoup plus civilisée pour régler ses problèmes.

Il eut un rire sans joie et croisa les bras à son tour, sans cesser de me transpercer de ses yeux incroyables. J'avais l'impression qu'il lisait au plus profond de moi.

-Si j'avais été humain, j'aurais sûrement choisi ta solution. Cependant, c'est plus difficile quand on est un loup de choisir la manière douce, déclara Davy.

Je haussai un sourcil. Il décroisa les bras et approcha la chaise du lit.

-Ha oui? Pourquoi? demandai-je, soudainement intriguée.

-Nous possédons parfois un égo beaucoup trop surdimensionné, Mia en est la preuve, expliqua-t-il.

-Je vois. Et ça s'applique aussi sur toi, j'imagine? Même si tu ne le montres jamais?

-C'est ça. Je reconnais que j'ai tendance à m'enfoncer plus qu'autre chose, mais quand on te provoque, ça remonte d'un coup et c'est assez violent, je l'admet.

Le silence retomba doucement. Nous fixâmes le mur sans rien dire. Seules nos respirations synchronisées troublaient le silence. Au loin, la sonnerie retentit et un brouhaha monta rapidement.

-Au fait, j'ai reçu ton bouquet, déclarai-je afin de briser le silence.

-Les fleurs t'ont plu? J'ai entendu dire que c'étaient tes préférées.

-Exact. Je veux bien être ta cavalière, aussi. J'espère juste que tu aimes les catastrophes ambulantes.

Il sourit, visiblement content que j'ai accepté.

-Oh...c'est cool, alors...je...

Davy s'arrêta brusquement, laissant sa phrase en suspens, puis se passa une main dans les cheveux. Il avait l'air assez mal à l'aise en compagnie de la gente féminine. Je l'encourageai à continuer d'un signe de tête.

-Tu?

Il se leva et s'assit sur le lit. Il prit mon visage entre ses mains, en prenant soin de bien plaquer nos tatouages l'un contre l'autre. Je dus faire un effort surhumain pour chasser le rouge qui me montait aux joues tandis que mon cœur battait beaucoup trop fort sous mes côtes.

-Je ne sais pas ce que l'on doit ressentir quand on aime quelqu'un, avoua-t-il avec un petit sourire en coin. Mais si être amoureux signifie penser à cette personne chaque seconde de chaque heure, que ton humeur change quand cette personne est dans la même pièce que toi et que tu donnerais ta vie pour elle, alors je t'aime à la folie, Alena.

Cette fois, mon cœur jaillit littéralement de ma poitrine. Un éclair traversa son regard sincère tandis que tout se floutait. Mes sens devinrent étrangement sensibles, comme si je venais de me réveiller d'une longue sieste et que je découvrais seulement la vie. Tous les garçons que j'avais cru aimer disparurent comme la neige devant le Soleil. A présent, il n'y avait que lui qui comptait.

Âmes sœurs, chuchota une voix cristalline.

Je sursautai brusquement. Etais-je la seule à avoir entendu cette voix?

-Qu'est-ce qu'il y a? murmura Davy.

-J'ai cru entendre une voix. Pas toi? chuchotai-je.

Il me fit signe que non. Son souffle chaud caressa mes lèvres et mon front. Il me serra contre lui avant d'écraser ses lèvres contre les miennes. Je croisai mes mains derrière sa nuque et caressai ses cheveux tout en lui rendant son baiser. Le temps parut se suspendre un instant, durant lequel tout autour de nous redevenait net. Nous nous décollâmes à contre cœur. Nous nous allongeâmes sur le lit étroit et je posai ma tête sur son épaule.

-Waouh! soufflai-je.

-Je n'aurais pas su dire mieux, sourit-il en attrapant ma main.

Son bandage frotta sur cette dernière. J'attrapai sa main et l'examinai attentivement. Il suivit mon regard et devinant ce que je voulais faire, il secoua la tête.

-Allez! protestai-je. Je peux toujours essayer!

-Ça pourrait te tuer cette fois. Souviens-toi de ce que tu as lu.

Ignorant ses protestations, je serrai sa main en l'imaginant dénuée de plaies. Un grésillement jaillit de ma paume et une pluie de spirales violettes s'abattit sur le pansement. Un soupir de soulagement s'échappa de sa plaie, puis le bandage tomba, dévoilant une main comme neuve. Je souris, contente de moi.

-Moi aussi j'ai entendu cette voix, me glissa-t-il à l'oreille. Nous sommes Âmes Sœurs depuis des milliers d'années, il fallait juste que nous soyons réunis. Le lien qui nous unis est très fort. Nous sommes capables de ressentir les émotions de l'autre et si l'un d'entre nous viendrait à mourir, l'autre mourra le cœur brisé ou de chagrin. C'est comme ça pour toutes les Âmes Sœurs de notre monde.

-C'est magnifique, dis-je à voix basse.

Davy ne prononça pas un mot, se contentant d'enlacer ses doigts aux miens. Nous fixâmes le plafond tandis que dans nos cœurs résonnait le salut solennel de toutes les Âmes Sœurs du monde.


Je sautai du lit, peut-être un peu trop fort, car je dus me rattraper à la chaise pour ne pas me retrouver les quatre fers en l'air. Davy était parti depuis presque une heure, ce qui n'empêchait pas son odeur de flotter dans la pièce. Un sourire béat se dessina sur mon visage. Je fis le lit, lissai les draps du plat de la main et enfilai mes fidèles Converses. J'attachai mes cheveux emmêlés en queue de cheval, prit la pochette transparente sur la table et sortis en claquant la pièce derrière moi. Les couloirs étaient déserts. Seuls quelques professeurs faisaient des vas et viens incessants entre les différents cartons de décorations posés au sol. Je sortis dans la fraicheur d'une fin d'après midi estivale. Une voix tristement familière retentit alors:

-J'espère que tu es fière de ce que tu as fait.

WerewolfWhere stories live. Discover now