Chapitre XXI

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Des coups secs et précipités me tirèrent de mon sommeil profond. Encore groggy, je bayai à m'en décrocher la mâchoire et soupirai en me passant une main dans les cheveux: j'étais tellement épuisée hier que je m'étais endormie sur le canapé, la lettre serrée contre mon cœur. Les coups redoublèrent d'intensité. Je posai les pieds sur le carrelage gelé et me dirigeai vers la porte. Qui pouvait bien frapper chez les gens à cette heure? D'ailleurs, quelle heure était-il?

-Alena! Ouvre cette satanée porte immédiatement! cria Ewa.

-J'arrive, cinq secondes, marmonnai-je en enfonçant la clé dans la serrure.

Celle-ci émit un léger clic, puis la porte s'ouvrit, laissant apparaitre une Ewa pour le moins agitée. Elle me tira par le bras si violemment que je dus me rattraper au bar pour ne pas tomber. Je me tournai vers elle en me massant le bras.

-Bon! Qu'est-ce qui se passe à la fin? demandai-je.

Elle se tordit les mains, l'air choqué.

-C'est Davy. Il a disons...un petit problème.

Mon cœur rata un battement. Qu'est-ce qui lui arrivait? D'après mes observations, Davy n'était pas du genre à s'attirer des problèmes. C'était étrange.

-Quoi? Attends, il se passe quoi franchement? Il y a encore cinq minutes,je dormais paisiblement avant de me faire réveiller! m'écriai-je.

-Je savais pas que tu dormais, relaxe-toi! Mais si je te dis ce qu'il se passe, jure de ne pas perdre ton sang-froid.

-Très bien. Je te donne ma parole!

-Bon voilà: une bagarre a éclaté et elle implique Davy.

Si je n'avais pas donné ma parole, j'aurais sûrement hurlé comme une hystérique, mais ce n'étais pas ce que j'étais. Je pris une profonde inspiration, lissai ma chemise du plat de la main et fis signe à Ewa de me conduire jusqu'à cet endroit. Elle acquiesça, et fila à toute vitesse, moi sur ses talons. Tandis que nous filions à travers le campus endormi, je lançai une prière silencieuse à la déesse. "Déesse! Faites qu'il ne lui arrive rien, je vous en supplie!".

Nous contournâmes le bâtiment où avaient les cours et finîmes par atterrir dans une petite cour, que je n'avais jamais remarqué auparavant. Elle était assez simple, on se serait presque cru dans un lycée ordinaire. Une émeute s'était formée près d'un banc et des phrases du style: "vas-y, défonce-le!" nous parvenaient. Cela ne présageait vraiment rien de bon. Inconsciemment, mes mains se mirent à trembler et mon souffle se fit plus court, plus rapide. Jouant des coudes, nous nous frayâmes un chemin à travers les adolescents déchainés, des dernières années pour la plupart. La scène qui s'offrait à mes yeux me figea. Davy et un garçon encore inconnu étaient en train de se battre, encouragés par quelques élèves rebelles. Non. "Se battre" n'était pas un terme adapté. Ils étaient littéralement en train de s'entretuer. Des larges hématomes ornaient leurs visages déformés par la haine. J'aperçus même quelques éraflures et des contusions un peu partout. Pourtant, comme si mon corps s'était mis en pilotage automatique, je me mis à les encourager, grisée, pendant que la partie rationnelle de mon esprit luttait de toutes ses forces pour me ramener à la raison. En vain. L'excitation était trop forte, et il en était de même pour Ewa, d'après ce que je pouvais voir. Soudain, le poing de l'adolescent vint se loger violemment dans le ventre de notre ami. Celui-ci tomba au sol, sa tête heurtant l'asphalte. Il poussa un cri d'impuissance, les poings serrés. Son assaillant s'approcha de lui, un sourire mesquin aux lèvres.

-Tu es encore plus faible que je ne le pensais. C'est sûr, tu finiras comme tes parents! annonça-t-il.

Un éclair de douleur traversa les yeux dorés de Davy. Les narines dilatées, il sauta sur ses pieds, tel un ressort, en poussant un cri, de rage cette fois. Il lui flanqua un coup dans la mâchoire. Le sourire du garçon fondit comme la neige au soleil. Il lui lança un regard noir tout en se massant.

-Je t'interdis de parler de mes parents, c'est clair? Tu ne sais rien d'eux! fulmina Davy.

L'inconnu eut un petit rire. Il enleva la main de sa mâchoire, où un bleu violacé commençait à se former et croisa les bras, un air provocateur sur le visage.

-Intéressant de la part de quelqu'un qui a peur d'avouer ses sentiments à Alena Sheldon. Tu es vraiment pitoyable, pouffa-t-il.

Tous les regards convergèrent vers moi. Le rouge me brûla les joues. Je baissai la tête pour les éviter. L'espace d'un instant, l'espoir me réchauffa le ventre. Partageait-il mes sentiments? Ou bien était-ce seulement une énième pique? L'occasion ne me permettait pas d'en juger. A la mention de mon nom, Davy explosa. Il propulsa son adversaire au sol en faisant pleuvoir sur lui une multitude de coups.

-Davy! Arrête, je t'en supplie! Tu vas le tuer! hurlai-je, les mains en porte-voix.

-Je m'en fous pas mal. Au moins, je serais tranquille!

Son regard se posa sur moi. Un frisson me parcourut le dos. Était-ce vraiment le garçon le garçon dont j'étais tombée amoureuse? Était-ce celui que j'avais vu pleurer? Oui. Seulement, toute trace de son humanité avait disparu. Le côté animal avait gagné la bataille. A ce moment, je repris totalement mes esprits. Je refusai que cette bataille aille plus loin: pour preuve, j'étais sûre que ça allait finir en bain de sang. Davy se releva lentement, toute expression de colère ayant disparu. A présent, il semblait...attristé. Il se laissa tomber sur le sol, la tête entre les main, tandis que l'autre adolescent se relevait. Voir Davy ainsi me brisait le cœur. Je secouai la manche d'Ewa et lui soufflai:

-Je vais le voir. Va chercher quelqu'un.

Elle hocha la tête et commença à rebrousser chemin. C'est là que tout s'accéléra. Je me ruais vers Davy quand l'inconnu me repoussa en arrière en marmonnant:

-Toi, la nana, tu dégages! On t'a pas sonné!

Je perdis l'équilibre en poussant un cri de surprise. Mon crâne heurta le sol violemment. Le choc m'arracha une larme de douleur tandis que cette dernière se propagea dans mon corps entier. Je commençai à paniquer: mes jambes refusaient de réagir, comme si ma tête et le reste de mon corps étaient deux personnes différentes,qui ne communiquaient pas. Une odeur de rouille se propagea autour de moi. Des points dansaient devant mes yeux.

-Espèce de malade! Regarde ce que tu as fait! Je vais te tuer! cria Davy.

Ce furent les dernières paroles que j'entendis. J'avais l'impression que mes oreilles étaient remplies de coton épais. Un voile noir tomba sur mes yeux, puis je sombrai dans le doux et innocent pays qu'est l'inconscience.

WerewolfOù les histoires vivent. Découvrez maintenant