Chapitre 4

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es mois ont passé sur Terre, les sauraux et leur chef ont franchi un portail les menant dans un centre de rétention, où de nombreuses victimes s'entassent en attendant leur transfert vers des camps organisés pour la reconstruction. Profitant de la situation, ils ont pris les traits de quelques gardes afin d'accéder le plus vite possible à un meilleur rang social. Leur chef passe le plus clair de son temps dans un petit local préfabriqué, d'où il occupe ses fonctions d'officier militaire. De par le monde, plusieurs de ces milices se sont organisées pour rebâtir ce qui avait été détruit par les cauchemars et réinstaurer l'ordre où ne règne que le chaos. Celle-ci s'est monté un camp dans ce qui fut la ville de Londres. Il reste encore ici et là des vestiges de la belle époque et les hommes sélectionnés à l'approvisionnement fouillent sans relâche les décombres non pas dans le but de trouver des survivants, mais pour rapporter des objets utiles au quotidien et de la nourriture. D'autres bâtissent des logements avec des bouts de tôles ou des restes de mur effondrés. C'est toute une fourmilière de plusieurs centaines d'hommes qui œuvre pour sa survie. À l'extérieur de la ville, là où les terres ont été épargnées, des groupes d'agriculteurs entretiennent les premières parcelles fraîchement cultivées. Redécouvrant des méthodes de culture ancestrales, ils se tassent par dizaines dans les champs pour ramasser les premiers légumes. Une bien maigre récolte pour suffire à des milliers de personnes. Bien entendu, la milice est là pour surveiller et assurer la sécurité. Au moyen de véhicules militaires épargnés par la tragédie, ils circulent à longueur de journée dans la région tout entière. Plus personne n'y prête attention, ils se fondent subtilement dans l'ignorance totale. Leur quartier général est situé au centre de l'ancienne capitale anglaise, de là ils entretiennent des relations avec les milices extérieures. L'électricité fournie par des groupes électrogènes leur assure un contact permanent et une qualité de vie supérieure à celle des réfugiés. Parqués dans des sortes de bidon villes, ceux-ci tentent de se recréer une ambiance plus agréable. Certains ont même replanté des fleurs le long des voiries afin de redonner un peu de couleurs à cet endroit lugubre. De fortes odeurs se dégagent de ces habitations de fortune. L'électricité n'est assurée que pour l'essentiel par de petits groupes électrogènes alimentés à l'essence. Mais ce combustible vient à manquer très rapidement et il est plus que nécessaire de l'utiliser à bon escient. Sans électricité, il n'y a pas non plus d'eau courante. Même si les stations d'épurations ont été épargnées, les pompes qui maintiennent leur production sont hors service. Ainsi, de vieux métiers sont revenus à la mode. Des chevaux tirent des remorques remplient de bidons d'eau qu'ils vont remplir dans la Tamise. D'autres ont la tâche de purifier l'eau en la faisant bouillir dans des vieilles citernes recyclées. Ils alimentent en permanence un gigantesque brasier creusé dans le sol. Par un astucieux système de conduits, l'eau purifiée est stockée dans des réservoirs dans lesquels chacun vient se ravitailler. Les déchets sont eux aussi recyclés et servent à faire du compost. Quant aux déjections humaines, elles finissent dans une fausse immense à l'extérieure des quartiers. Parfois, les vents du sud refoulent les fortes odeurs qui viennent s'accumuler à celles des ruelles mal entretenues. L'air devient alors presque irrespirable. De vieilles maladies ont refait leur apparition et nombreux sont les enfants et personnes âgées qui finissent en zones de quarantaine dans des vieux corps de bâtiments désaffectés. Des médecins bénévoles y travaillent sans relâche et tentent de sauver le plus de vies. L'éducation continue d'être assurée sous des chapiteaux, car elle est l'espoir de survie de l'humanité. Les hommes doivent partager leurs connaissances et les transmettre aux générations futures par tous les moyens, c'est sur elles que repose à présent l'avenir. Les abords de la ville ne sont pas pour autant un endroit inapproprié pour élire domicile. L'ensemble des réfugiés y bénéficie même d'un certain confort comparé aux milices qui ne profitent que de leurs mobiliers militaires. Il reste encore des décombres presque intacts d'anciennes habitations ou de bâtiments comme des centres commerciaux. Ces endroits servent d'ailleurs de lieux d'échange ou le troc est revenu comme moyen de paiement. De gigantesques marchés se tiennent sous ces ruines à l'abri des regards de la milice qui n'apprécie guère ce genre de mode de vie. En effet, elle aimerait bien prendre le contrôle absolu de tout ça en réinstaurant une monnaie d'échange. Car dans toute civilisation, celui qui possède l'argent, possède le pouvoir. Devenant de plus en plus entreprenants, des groupes sont envoyés pour appréhender les récidivistes et mettre fin à ces ventes illégales. De nombreux villageois se rebellent contre ce système en place. Certains sont même chargés de surveiller les lieux et de prévenir en cas d'arrivée des miliciens. Mois après mois, l'ambiance s'est dégradée, rares sont les camps où il fait bon vivre, car c'est dans la nature de l'homme de tirer profit de ce genre de situation. Les plus faibles luttent pour leur survie, ceux qui se sont fait une place au sommet, tirent les ficelles et veulent toujours plus de pouvoir. L'histoire de l'humanité se répète perpétuellement au fil des âges. Beaucoup d'évènements semblent similaires dans cette région de l'ancienne Angleterre, à quelques choses près. Depuis plusieurs semaines, des disparitions d'enfant inexpliquées inquiètent les villageois. À chaque fois, la milice évite les sujets et devient même agressive envers eux. Des enfants qui disparaissent, voilà qui ravive de vieux cauchemars. Les premiers actes de rébellions commencent un peu partout, des groupuscules de réfugiés s'en prennent directement aux miliciens qui pénètrent dans leur quartier. Car à chacune de leur venue, une disparition est recensée. Au centre du quartier général, le chef des sauraux tire les épingles du jeu. Ses sujets à l'apparence de militaires humains s'organisent pour prendre le contrôle total de la ville. Dans ce local préfabriqué, plusieurs postes de communications sont installés et reliés vers les plus grandes villes du monde, ou du moins ce qu'il en reste. À chaque fois, c'est le même scénario.

Les enfants de Toulghar, tome 3, la dominationWhere stories live. Discover now