Chapitre 9

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Q

uelques années ont passé au royaume d'Hyprès. Les regrets d'autrefois ont laissé la place à un esprit tourné vers l'avenir et la reconstruction. Le jeune Taï a grandi et est âgé de quinze ans, il aide de plus en plus ses parents à cultiver les champs ou à la récolte de baies et d'insectes dans la forêt. Mais ce qu'il préfère le plus, n'en déplaise aux Alfats, c'est la chasse. On ne peut pas aller à l'encontre de sa nature et les hommes, tout comme les garous ont besoin de viande afin d'équilibrer leur alimentation. Lorsqu'ils reviennent les sacs remplis, ils se tiennent à l'écart du village dont les habitants ne supportent pas la vue ni l'odeur. Wilmer a appris à son fils à tisser un filet de pêche, mais aussi à se fabriquer un arc et des lances. Nils et Zack les accompagnent souvent et savourent cet instant pour se retrouver entre hommes. À dos de garous, ils arpentent la forêt devenue de plus en plus dense. Taï se démarque une fois de plus du groupe avec une grande aisance. Il lui arrive de descendre de son garou et de grimper aux arbres pour identifier le gibier. Avant même que les adultes ne le voient, son odorat surdéveloppé lui indique la présence de proies. Bondissant de branche en branche, il passe d'un arbre à l'autre et se jette sur un petit animal broutant de l'herbe fraîche. Il ressemble à un jeune kangourou dont les yeux globuleux sont liés aux orbites par de longs appendices, un peu comme des escargots. Le dessus de son dos est recouvert d'écailles pour lui assurer une protection contre les prédateurs. Taï parvient à percer sa carapace avec sa lance qui le transperce de part en part. L'animal est cloué au sol, son agonie dure à peine plus de dix secondes.

—Tu pourrais nous en laisser de temps en temps, non ? demande son père en riant.

Zack et Nils arrivent les derniers et les aident à charger la dépouille dans un grand sac qu'ils déposent soigneusement sur le dos d'un garou.

Alors que tout semble aller pour le mieux sur Toulghar, la Terre n'en finit pas de subir des attaques de sauraux. Les troupes augmentent de jour en jour et des villages de survivants entiers sont disséminés. Quelques groupes armés, dont de nombreux militaires, détiennent encore de rares bases avec un arsenal leur permettant de mettre en déroute l'envahisseur, mais pas pour longtemps. Sur l'une d'elles doit se dérouler un procès très attendu. Les Nations Unies ont choisi l'Ukraine à cause de ses rares terres n'ayant pas subi trop de dégâts pour envoyer le Général Savage et le juger de ses actes en cour martiale. Les locaux sont exigus et témoignent d'une guerre. Tout semble avoir été laissé à l'abandon. Tel un entrepôt désaffecté, les vitres à moitié cassées jonchent le sol parmi les nombreux objets servant autrefois à communiquer. Chaises, bureaux, ordinateurs, tout est laissé à l'abandon. Dans les sous-sols, les couloirs sont encore plus sombres, de l'eau s'infiltre le long des murs sur lesquels de la moisissure pousse. Un garde armé arpente l'un d'eux, une main sur son arme de service, prêt à dégainer. Il prend soin de rester au centre de la coursive pour ne pas être en contact avec les murs sales. Au bout, un autre garde le stoppe et lui demande une autorisation. Celui-ci lui donne un bout de papier signé de la main d'un haut responsable. Immédiatement, le second militaire ouvre la porte le menant vers une autre suite de couloirs. Cette fois, l'ambiance est tout autre. La crasse ne fait plus partie sa préoccupation principale. Des dizaines de cellules communicantes entre elles par des grilles faisant face à la coursive abritent des détenus de guerre. Mercenaires, violeurs, traitres, psychopathes, tous sont envoyés dans cet endroit lugubre en attente de leur procès. Les cris résonnent et quelques bras mal intentionnés cherchent à s'emparer du garde un peu paniqué. Certains se mettent à l'injurier ou lui faire des avances malsaines. D'autres, trop abattus par la tristesse de vivre dans un tel endroit, le supplient de les emmener dehors. À mi-parcours, le garde s'arrête près d'une cellule et marque un temps d'arrêt. Puis il tourne légèrement les talons en direction de la grille. À l'intérieur, il peut apercevoir la silhouette d'un homme assis sur son lit, la tête entre les mains, sans dire un mot.

Les enfants de Toulghar, tome 3, la dominationUnde poveștirile trăiesc. Descoperă acum