Les enfants de Toulghar, tome 3, la domination

Chapitre 6

T

rois longues années se sont passées et le petit Taï a fait ses premiers pas depuis longtemps. Il ne cesse de courir dans tout le village et donne du fil à retordre à ses parents, faisant l'amusement de nombreux Grils. Il n'est pas le seul à créer du désordre, les louveteaux l'accompagnent dès qu'ils en ont l'occasion, ou plutôt dès qu'ils peuvent échapper à la surveillance accrue de leurs parents. Composée de cinq jeunes mâles et une femelle, cette bande de petits chenapans a décidé d'aller explorer les montagnes dominant l'horizon. Sur le dos du plus vigoureux est assis Taï. Il se cramponne fermement à sa douce crinière tandis que la meute se lance dans une course folle. Ignorant le danger, les parents restés au village ont d'autres occupations. Ce jour est particulier et beaucoup d'Alfats se sont mobilisés. Depuis plusieurs mois, quelques groupes d'explorateurs sont envoyés vers le royaume d'Hyprès afin de constater que la vie y reprenne son cours. Ils savaient bien que le village des Grils ne pourrait pas les accueillir indéfiniment et c'est avec joie qu'ils acceptent cet exode vers leur terre natale. Tout ceci génère une grande agitation chez les habitants du royaume d'Ebes. Un convoi important se prépare jusqu'aux portes du village. Des gluths sont chargés de provisions, et de matériaux de construction. Les Alfats, si calmes d'habitude, ne tiennent plus en place. Ils sont impatients de retrouver leur royaume, même s'il n'est plus celui de leur souvenir. La végétation est encore un peu jeune. Les arbrisseaux devront attendre quelques décennies avant d'atteindre une taille adulte. Les cours d'eau ont repris leur chemin, apportant la vie nécessaire aux plaines redevenues verdoyantes. Une troupe de dragons se joint à eux pour entreprendre le voyage et les aider à la reconstruction d'un village. Volant très haut dans le ciel, ils survolent la région avec panache et descendent lentement pour atterrir sur la grande place. Eux non plus ne se sont pas aperçus de l'absence de leur progéniture. En effet, ceux-ci sont devenus de vrais champions de vitesse dans les airs et ils s'adonnent à leur passe-temps favori, faire la course dans les canyons. Cette horde de six jeunes dragons file à toute allure, frôlant de leurs ailes les parois coupantes des montagnes. Soudain, ils quittent leur itinéraire et s'élèvent dans le ciel jusqu'à être masqués par le soleil. Puis ils piquent au sol, ailes repliées vers les jeunes garous toujours dans leur course. A quelques mètres seulement, leurs ailes se déploient, dégageant un immense nuage de poussière. Ils se posent fièrement devant la meute. Chacun s'observe attentivement. Taï descend de sa monture et se dirige vers eux sans crainte. Il se met à tendre les bras vers le plus grand, qui incline son coup aussitôt. Le jeune humain grimpe sur la créature ailée et se cramponne à ses écailles dorsales. Délicatement, les dragons s'élèvent et font route vers le village des Grils, suivis des garous. Quelques minutes plus tard, ils arrivent enfin aux portes. L'ambiance semble pesante, les villageois si enthousiastes jusque-là, ont l'air paniqués. Taï reconnaît la voix de sa mère qui hurle son nom dans tout le village. Il sait qu'il va devoir affronter la colère de ses parents et tente de regagner sa hutte discrètement. Les garous qui n'en mènent pas large le suivent la queue entre les pattes. Tentant de se frayer un chemin dans l'ombre des gluths ou de se dissimuler derrière quelques provisions, ils progressent lentement vers leur objectif. Il ne reste plus que quelques pas et ils seront tirés d'affaire. Ensuite il n'y aura plus qu'à feindre une sieste prolongée, expliquant la raison de leur absence et ils récolteront de gros câlins au lieu d'une dispute sévère. Taï se lance le premier vers la porte d'entrée et se jette sur la poignée. Mais celle-ci reste fermée. Soudain, le claquement du loquet la condamnant se fait entendre. La porte grince et s'ouvre, dévoilant la silhouette de Nolhan. Le regard sombre, il fixe le jeune enfant sans dire un mot. Tétanisé, Taï fait quelques pas en arrière et repart en direction des louveteaux restés cachés près d'un gros tas de bois. Inexplicablement, un bloc de roche énorme s'abat sur la route, lui bloquant l'accès. C'est la main d'un griiar qui s'avance vers lui et se referme comme un étau. Il lutte pour se dégager, frappant de ses petits poings le géant de pierre, puis finit par accepter sa défaite et pousse un long soupir. Prisonnier, Taï sait qu'il doit se laisser faire et affronter la colère de ses parents. Lisbeth et Wilmer accourent au milieu d'une foule survoltée. La main du géant se pose à leur pied et s'ouvre délicatement. Un à un, les doigts s'écartent dévoilant le jeune enfant recroquevillé sur lui-même. La main se lève, laissant Taï en position prostrée.