Chapitre 17

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L

es premiers rayons de soleil percent à travers les feuilles des arbres. Une brume épaisse tapisse le sol, se mélangeant avec le brouillard des chutes d'eau. Pour Lisbeth, le réveil est rude. Wilmer s'efforce de la sortir de son sommeil profond en la secouant. À moitié dans son cauchemar, elle hurle en ouvrant les yeux puis se blottit dans ses bras.

—Qu'y a-t-il ? Demande Wilmer. Je ne t'ai jamais vu comme ça.

Lisbeth, le visage encore larmoyant en envahit par le flot d'images marquant ses pensées.

—J'ai fait un cauchemar horrible. Taï était prisonnier du Molcrath et le saural le tuait avec le Molvar.

—Mais ce n'était qu'un cauchemar, Liz. Notre fils va bien, regarde-le. Il est toujours perché sur le griiar, prêt à partir.

Les Alfats rassemblent les vivres et forment des groupes pour acheminer des pierres en amont. Tour à tour, les dragons les prennent dans leurs griffes puissantes et les emmènent vers les marécages, en amont. Durant des heures, c'est la même scène qui se déroule inlassablement. Enfin, les premiers groupes s'avancent près de l'eau et plongent. Wilmer est en tête, il ouvre la voie jusqu'aux chutes d'eau remontantes. Une longue corde tressée de liane relie chaque nageur. Il sent le courant s'inverser et se laisse porter par les flots. Jusqu'à ce qu'il atteigne le sommet. Le parcours se fait sans encombre. Mais les rapides qui les attendent sont extrêmement violents. Plusieurs Alfats, qui n'ont pas la même condition physique que les humains, finissent la tête sous l'eau. Risquant la noyade, ils luttent de toutes leurs forces contre cet élément déchaîné. Pendant ce temps, les griiars ferment la marche. Ils se tiennent immobiles aux pieds des chutes d'eau, puis se désolidarisent sur le fond, attendant la venue des sauraux. Les dragons, quant à eux, ont cessé de transporter des pierres, ils aident à présent les plus faibles à accéder au sommet. Durant tout le reste de l'après-midi, les créatures du royaume d'Hyprès remontent les eaux jusqu'aux premières berges boueuses. Les premiers hissent les suivants avec la cordée. Malheureusement, il n'est pas rare qu'il remonte quelques êtres malchanceux. L'instant est tragique, ce sont les premières victimes avant même l'arrivée des sauraux.

—Nous allons passer la nuit ici ! dit Taï. C'est inutile d'aller plus loin pour aujourd'hui, la nuit va bientôt tomber. Nous devons établir des feux pour nous mettre en sécurité !

—Comment ça, en sécurité ? Demande Zack.

—La dernière fois, j'ai bien failli servir de repas à des vers géants dans cet endroit. Nous devons rester en alerte. Nous formerons des groupes de garde pour veiller sur le camp. Je prends le premier quart !

L'inquiétude se lit sur les visages. Ils ne sont pas au bout de leur peine, d'abord les eaux, ensuite ces vers, que va-t-il les attendre plus tard ? Taï donne se épées à Zack et Nils qui l'accompagnent dans sa ronde, tandis qu'il tient fermement sa dague à pleine main. Ils avancent lentement dans les herbes des marécages, s'assurant qu'ils sont bien seuls pour passer la nuit.

Plus au nord, à la frontière entre le royaume d'Hyprès et le royaume d'Agus, il règne un calme troublant. Il n'y a plus aucune vie qui vienne apporter de la lumière à cette région. Les eaux du lac d'Ocril s'obscurcissent par la nuit tombante, le chant des oiseaux s'est tu. Seul le léger frémissement des feuilles dans les arbres témoigne d'une vie sommaire. La faille sans fin qui marque la limite entre les deux royaumes est la seule à hurler. Le vent qui s'y engouffre résonne contre les parois, créant une atmosphère lugubre. Soudain, des petits fragments de pierre se mettent à vibrer. Certains dansent sur place, agités par une énorme secousse. Une lumière intense, pas plus grande qu'une ampoule, jaillit de la pénombre. Elle grandit jusqu'à prendre la forme d'un disque de la taille d'un immeuble de trois étages. Elle est si forte qu'elle éclaire le vieux pont reconstruit situé à plusieurs centaines de mètres de là. Puis elle perd de son éclat, mais le disque est toujours présent. Un véhicule tout terrain militaire en sort. À son bord quatre sauraux portant des fusils d'assaut. Ils sont rejoints par d'autres véhicules. Le cortège ne cesse de sortir du disque de lumière, l'armée de sauraux est bientôt trop nombreuse pour la quantifier. Les créatures maléfiques entament une parade militaire. Chaque combattant vient se placer en rang, occupant toujours plus d'espace dans cette région autrefois si paisible. Les pas cadencés se mêlent aux roues et chenilles des véhicules de combat qui inondent le ciel de leurs fumées noirâtres. Cet étonnant bal se prolonge tout au long de la nuit jusqu'à ce qu'il ne reste plus qu'un saural à franchir la porte, leur chef suprême. Il défile fièrement devant son armée, une main sur le pommeau du Molvar, un sourire fier et sadique. Il sait qu'il tient enfin sa revanche sur les habitants de ces régions, Toulghar tient bientôt dans le creux de sa main.

Les enfants de Toulghar, tome 3, la dominationWhere stories live. Discover now