Chapitre 12

1 0 0
                                    

U

ne nuit paisible comme tant d'autres dans le royaume d'Hyprès permet au peuple du village Alfat de récupérer après toutes ces émotions. Les parents de Taï, qui dorment à poings, fermés ne se sont pas aperçus de son absence. Le soleil va bientôt se lever, il en profite pour se mettre en marche. À quelques pas de là, l'attend son garou. Lui aussi s'est débrouillé pour feinter la surveillance de sa meute. Les deux lunes de Toulghar éclairent encore la région, ce qui est à l'avantage du garou. Il choisit un rocher à l'écart du village et s'y installe pour commencer sa métamorphose. Ses jambes s'étirent démesurément ainsi que son tronc. Il se redresse lentement et pousse un hurlement dans la direction des lunes. Le loup-garou trône fièrement sur son roc, attendant patiemment la venue de son cavalier. Taï s'empresse regroupant les quelques provisions qu'il lui faudra pour le voyage et escalade le piton rocheux. Face à son ami, maintenant plus grand que lui de plusieurs têtes, il lui enfile un harnais sur le dos et grimpe dessus. Ils doivent faire vite, car les deux lunes ne brilleront pas indéfiniment et les hurlements ont dû alerter bon nombre de villageois. Le loup-garou prend appui sur ses pattes arrières et d'un bon majestueux se propulse en contre bas. Puis il se lance dans une course effrénée à travers la forêt. Après deux longues heures, le soleil fait son apparition. Les premiers rayons dévalent sur les plateaux sablonneux aussi vite qu'une vague déferlante. Le loup-garou ralentit sa course, il sent ses forces le quitter. À bout de souffle, il se couche face contre terre, le museau à demi-enfouit dans le sable. Taï descend alors de sa monture pour lui laisser un peu de répit. Les lunes fondent derrière le jour qui s'installe, dévoilant les montagnes du royaume d'Ebes. Ils ont presque atteint leur but et le garou réapparait sous ses traits originaux. Taï sort une gourde de son sac et humecte les babines de son ami. Ils récupèrent tous les deux, se nourrissant des quelques provisions qu'ils ont emporté. Encore une heure de marche et ils devraient arriver au bout de leur voyage. Le soleil s'est levé et déjà, la chaleur s'installe. Se remettant en marche, ils progressent difficilement sur un sol sablonneux. Le garou ne cherche plus à battre un record de vitesse, ils sont loin du campement des Alfats et personne ne peut plus les rattraper à présent. Ils arrivent enfin près du village des Grils. Des cornes annoncent leur venue et les immenses portes s'ouvrent. Accueillis comme il se doit, ils suivent un groupe qui les escorte jusqu'à la hutte de leur chef. Falghot se lève de son trône et s'agenouille devant Taï.

—Non, je t'en prie ! dit Taï d'une voix agacée. J'aimerai que l'on me traite comme n'importe qui, et ce, dans tous les royaumes.

—Comme il te plaira !

Falghot se relève et étreint le jeune homme d'une longue accolade.

—Que nous vaut l'honneur de ta visite, mon garçon ?

—Sous des conseils avisés, je viens m'équiper en arme, car j'ai un long voyage à faire.

—Des conseils avisés ? Tu veux parler de Nolhan ?

—Je n'ai rien dit de tel !

—Bref, nous savons tous deux qu'il s'agit de lui, mais ce vieil Alfat à sûrement dû te dire de ne pas l'évoquer. Et il a bien fait. Je ne veux pas savoir à quel usage sont destinées ces armes, mais si tu as fait un tel voyage, c'est que tu dois vraiment en avoir besoin. Viens avec moi, je t'emmène à la forge.

Quittant la hutte, Taï et Falghot empreintent un chemin les conduisant vers une entrée creusée dans la roche. Un long escalier en colimaçon descend vers les abîmes. Le troisième œil du Gril s'illumine, leur permettant ainsi d'y voir dans l'obscurité. Quand ils arrivent enfin dans une salle souterraine, Taï reste sans voix devant ses dimensions colossales. L'architecture reste sommaire et des voûtes de plusieurs mètres de haut supportent le plafond creusé dans la roche. Cent mètres de large sur autant de long constituent cette salle unique en son genre. Éclairée par les yeux des Grils au travail, il plane une ambiance douce et tamisée. Seul le bruit des coups de marteaux viennent perturber ce décor insolite. Falghot se tourne vers Taï et d'un geste de la main, lui montre les différents ateliers.

Les enfants de Toulghar, tome 3, la dominationWhere stories live. Discover now