Chapitre 1 : Le premier regard

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Camille

À présent, j'avais l'habitude. Je n'avais pas mon mot à dire. En acceptant ce travail, je savais dans quoi je m'engageais. Mais je n'avais pas le choix. J'en avais besoin pour payer mon ridicule studio. J'avais besoin de ce travail pour vivre.

Il allait bientôt être 6 heures. J'ouvris la porte à l'arrière du bar et pénétrai dans le petit bâtiment. J'appuyai sur l'interrupteur afin d'éclairer la pièce. L'ampoule qui était accrochée au plafond brillait avec une faible luminosité, tout à fait suffisante cependant pour me permettre de m'y retrouver. Je retirai ma veste en cuir et mon foulard pour les accrocher au petit porte-manteau qui m'était réservé. Ce n'était qu'une simple écharpe, mais elle représentait beaucoup à mes yeux. Elle avait appartenu à ma mère, qui avait succombé à sa maladie deux mois plus tôt. Je n'avais jamais su qu'elle était malade, jusqu'à ce que le médecin m'appelle pour m'annoncer son décès. Elle avait été atteinte d'un cancer du foie qui s'était généralisé pour la détruire de l'intérieur. Je me revoyais encore arriver à l'hôpital dans tous mes états et l'avoir vue allongée sur son lit, les bras le long du corps, les yeux fermés comme si elle dormait paisiblement, le teint pâle, et je me souvenais encore de la lettre qu'elle m'avait laissée que je gardais toujours avec moi.

« Mon petit rayon de soleil,

Tu dois sûrement m'en vouloir de te l'avoir caché, mais comprends-moi. Je ne voulais pas t'affoler, ou quoique ce soit. Je voulais que tu profites de la vie comme chaque jeune fille de ton âge. L'âge... C'est un bien grand mot... Tu es encore jeune, tu as toute la vie devant toi, alors que moi, j'ai déjà vécu. Ma vie s'est terminée il y a bien longtemps. Je n'avais plus rien à accomplir dans ce monde. J'ai déjà créé la plus merveilleuse chose qui puisse exister : toi.

À ce moment, j'imagine que tu dois être en train de verser des tas de larmes, mais je ne veux pas que tu sois malheureuse alors, je t'en prie, cesse de les laisser s'échapper. Ton corps en a plus besoin que moi.

Je vais maintenant t'expliquer ce qui a causé ma présence et la tienne ici. Il y a huit mois, tu te souviens quand j'avais mes crampes à l'estomac ? Eh bien, je suis allée voir Bounours ( Bounours était le nom que l'on donnait au docteur parce qu'elle disait qu'il ressemblait à son vieux nounours ) et il m'a diagnostiqué un cancer du foie à un stade qui était beaucoup trop avancé pour que je puisse me faire opérer. Il m'a alors dit de profiter des derniers mois qu'il me restait à vivre pour accomplir chacun de mes rêves, ce que je voulais faire avant de mourir. J'ai déjà tout fait et j'ai réussi à merveille. J'ai préféré passer le peu de temps qu'il me restait à vivre avec toi et j'en suis heureuse.

Je vais maintenant évoquer un sujet dont je t'ai sûrement déjà parlé, mais sur lequel je ne t'ai pas dit la vérité. C'est à propos de ton père. Regarde dans ma chambre, dans le troisième tiroir de ma table de nuit, il y a un double fond. À l'intérieur, tu y trouveras toutes sortes d'informations qui te permettront de le retrouver. J'ai déjà commencé mes recherches et c'est à toi de les finir. Je ne pourrai pas te donner de nom puisqu'il s'est présenté à moi en tant que Jasper Mac Kredy. Si jamais tu as besoin d'argent, ou de quoique ce soit, fais appel à lui et surtout, pense à faire valoir tes droits de fille. Je t'ai dit tout ce que j'avais à te dire. Ce sera vers toi qu'iront mes dernières pensées, sache-le.

Maman qui t'aime plus que tout au monde. »

Relire cette lettre me donnait l'impression de revivre sa mort. Malgré toutes les informations que ma mère avait pu recueillir sur mon père, jamais je n'avais tenté de le retrouver. Je n'avais pas besoin d'un homme comme lui dans ma vie, d'un homme qui disparaissait du jour au lendemain, lorsqu'il apprenait qu'il avait mis une femme enceinte.

Hurting Love • l.p - Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant