HEATHER FAYCE [TERMINÉ]

60/ Première fois.

***

Assise sur une chaise, gobelet à la main, j'observe Blondinet danser avec Kim Jong et Merida. Tous les trois rient et dansent comme des imbéciles, faisant des mouvements complètement bizarres et désordonnés. Leurs sourires illuminent leurs visages, déjà colorés grâce aux néons du gymnase. Ils semblent insouciants et heureux.

Dans ma tête, une question tourne en boucle. Pourquoi est-ce que je ne suis pas heureuse comme eux, moi ?

Je ne suis pas faite pour ce monde bourré de conneries et d'hypocrisie. C'est un fait. Mais pourquoi est-ce que j'ai envie d'en profiter ? De toute ma vie, je n'en ai jamais rien a eu à foutre. J'avais rien à perdre, rien à gagner. Je vivais ma putain de vie comme j'en avais envie au mépris des conséquences et des avis. Les voir aussi joyeux tandis que moi, je suis assise sur une chaise comme une pauvre bouffonne asociale qui n'a pour seul ami son gobelet me fait sentir minable.

J'ai jamais cherché à me faire d'amis depuis sa mort. Le Destin s'est encore foutu de ma gueule, et m'en a mis trois dans les pattes. Et maintenant, j'en viens à me demander si je ne suis pas réellement en train de foirer ma vie.

Enfin, la foirer encore plus qu'elle ne l'est déjà.

- Pourquoi tu restes seule, le caniche ? retentit une voix grave dans mon oreille, me faisant sursauter et me lever de ma chaise pour reculer.

D'un mouvement furieux, je me tourne vers un garçon aux cheveux laqués et plaqués sur les côtés de sa tête. Finalement, je parviens à reconnaître Brutus qui m'observe d'un air narquois, gobelet à la main.

- Tu viens de m'appeler comment, le clébard ? craché-je d'une voix mauvaise.

Jared s'approche de moi en riant d'un air amusé, puis bois une gorgée de sa boisson.

- Je t'ai appelée caniche. Enfin, avec tes cheveux aussi plats que le cul de Jordan, ce surnom ne te correspond pas, rit-il tandis qu'un sourire m'échappe.

Après quelques secondes passées à me fixer, Brutus détourne le regard pour observer la piste de danse, peuplée de lycéens.

- J'ai eu du mal à te reconnaître, reprend-il d'une voix sérieuse. Le maquillage, les cheveux défrisés et la robe, ça fait pas trop Terreur. Ça fait petite Princesse sortie de son château.

- Va te faire foutre, maugrée-je en le regardant d'un air mauvais. Avec ta cravate mise de travers et tes cheveux plaqués, t'as pas le droit d'ouvrir ta gueule.

Je parviens à discerner un soupir de la part de Brutus malgré la musique assourdissante de la pièce. Étonnement, lui aussi est presque méconnaissable. Alors qu'il porte habituellement des sweat-shirts ou des jogging, il est vêtu d'une chemise blanche passée sous un costard noir et une cravate de même couleur. Ses cheveux bruns constamment ébouriffés sont désormais coiffés et plaqués en arrière, comme s'ils étaient collés à son crâne. Il ressemble à un petit bouffon qui s'assoit toujours au premier rang en classe, ramenant uniquement des bonnes notes chez lui. C'est déstabilisant quand on sait à quel point il est ordinairement nonchalant.