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La sonnerie retentit enfin dans l'établissement. Et après deux heures d'histoire-géo j'avais besoin d'une pause. Cependant, il faut croire que mon karma n'était pas de cet avis. A peine je me levais de ma chaise que déjà les ennuis arrivaient au galop. Les boulettes de papier mâché fusaient à travers la classe et me bombardaient le dos, me lacéraient l'âme. Les mots blessant, et les injures volaient dans l'air et retombaient lourdement sur mes épaules. Moi, je baissais la tête. Seul, devant ma table, je retenais difficilement mes larmes.

Iruka n'était plus là. Il devait partir assez vite pour rejoindre sa mère mourante. Et eux, ils en profitaient. Encore. Je me glissais hors de la salle alors que les claques me giflaient et leurs mains sales me tapaient. Je franchis enfin la porte et filai a toute vitesse, longeant le mur en priant que pour que personne ne me remarque. Je sortais du lycée, effrayé. Je m'approchais rapidement des arbres au fond de la coure et m'adossai à l'un d'eux. Mon souffle saccadé percutait l'air chaud de septembre, et je me sentais mal. La nausée enroua ma gorge et je me retenais de justesse de vomir mes tripes.

Une crise d'angoisse.

Iruka n'aurait pas dû me défendre tout à l'heure. Et j'aurais dû me retenir de regarder Sasuke pendant le cours. J'aurais dû le savoir, que ça finirait comme les autres fois.

Je calmais mon corps affolé. J'étais vraiment pitoyable. Avachi contre un arbre, la tête en arrière, le cœur qui dansait la samba. Je reprenais mes esprits, rapprochant mes genoux de mon torse, je me protégeais de toutes menaces extérieures. Je laissais libre court à mes larmes, et celle-ci dévalaient sur ma peau ciselée de cicatrices.

Qu'avais-je donc fais au monde ?
Ne pouvait-on pas m'oublier pour de bon ?
Me laisser sur le bas côté de la vie ?

La peine m'étranglait la poitrine. J'arrivais à parler à quelqu'un. A une personne qui ne me connaissait pas encore. Qui ne m'avait pas rejeté d'avance. Il avait suffit de quelques secondes pour ruiner mon infime chance d'avoir une nouvelle personne dans mon entourage.

Était-ce trop demandé qu'ils me lâchent la grappe ?
Sûrement oui.

J'évacuais ma tristesse en soupirant profondément. Je voulais voler. M'en aller. Fuir. Partir. Loin d'ici. Ailleurs. Je rêvais, de mes parents, de ma vie s'ils étaient encore là. Je ne connaissais rien d'eux. Même pas leurs noms. Ni leurs visages. Je n'étais personne. Un fils de rien. Un garçon vide. Un homme mort. Ces pensées me figèrent.

Je n'étais rien. Je n'avais personne.

Une main rencontra mon épaule et je sursautais. Je me redressais essayant de voir de qui provenait ce contact si doux et, étrange.

D'abord ce fut noir. Puis blanc. De jolies courbes. Et de fines lignes rosées. Une succession de détails me faisaient perdre la tête. C'était beau. Je voulais toucher. Sentir. Ressentir. Oui c'était cela. Je désirais ce sentiment qui me comprimait la poitrine. Je la voulais, cette chose nouvelle et débordante de sensation. Moi qui était si vide, ce feu d'artifice au creux de mon ventre m'envoyait loin de cette terre. Au fond du ciel. Perdu dans l'espace. Je saisis brusquement cette main.

Enfin. Enfin quelqu'un me regardait. Quelqu'un se souciait de moi.

Bientôt une autre main entra dans mon champs de vison. Elle s'approcha de moi, et je l'observai, effrayé. Elle rencontra ma joue. Caressa mes sillons de larmes. Enveloppa ma pommette, et glissa son pouce sur mes cicatrices. Un hoquet de surprise jaillit de mes entrailles et sans pouvoir me retenir, je demandais davantage à cette douceur. J'appuyais ma tête au creux de cette paume ferme, masculine. J'ouvris mes yeux et plongeai une fois de plus dans le néant. Ce regard profond, je ne pouvais m'y soustraire. Ses billes d'encre étaient encrées en moi, me tiraillaient la poitrine et jouaient avec mes poumons. Ces yeux, doux, agréable. Gentil. J'en avais tant besoin.

— Pourquoi tu pleurs, Naruto ?

Je retins avec peine un gémissement. Il se souvenait parfaitement de mon nom. Il savait qui j'étais. Il me connaissait.

— Sas'ke...

Je me détournais de lui. Je me détachais de cette toute nouvelle chaleur. Je me levai rapidement et m'enfuyai sans me retourner. La journée était finie pour moi. Et puis personne ne remarquerait ma soudaine disparition. Peut être Kiba. Mais il comprendra et passera peut être me voir ce soir. Je n'en espère pas tant. Je courrais, propulsant mon corps dans le vent. Je grimpai, longeai, serpentai, à travers les rues sombres de Konoha. J'arrivai bientôt vers l'orphelinat. Je passais, sans un regard pour la balançoire qui avait tant de fois soutenu mes pleurs d'enfant.

J'escaladai le champs, courant dans le blé encore chaud de l'été. Je me pressai vers la colline, me votrant contre l'arbre. J'essuyais mes pleurs au milieu des fleurs. Au creux des racines, je laissais ma peine s'écouler sous terre. Cette journée était si dure.

Pourquoi ?
Pourquoi après tant d'année passée seul ?
Pourquoi que maintenant ?
Pourquoi a-t'elle mit autant de temps à venir, cette chose.

J'hurlai mon malheur à la plaine déserte. Je préférais ne pas approcher cette chaleur.

Je préfère la perdre que de vivre avec elle, et la souffrance qui l'accompagne.

Au gré du ventWhere stories live. Discover now