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Je connaissais tous les sentiments. J'ai éprouvé les plus douloureux. Quant à ceux qui donnent des ailes, je les lisais sur des pages tatouées d'encre. Mais celui-ci, il était tout nouveau pour moi.

La surprise.

Elle se peignait sur mon visage. Elle me faisait ouvrir la bouche, et je ne doutais pas un seul instant du ridicule de la situation. Mes bourreaux semblaient décontenancés et Sasuke fidèle à lui même n'affichait qu'un regard lassé et une mine imperturbable. Il me porta un petit coup d'oeil puis jugea à nouveaux mes démons. Sakura avait repris contenance et avait lancé un regard suggestif. Elle minauda un instant, se dandinant sur ses pieds. Elle balança ses cheveux roses d'un côté et ouvrit enfin la bouche :

— Sasuke-kun ! Je m'attendais pas à te voir. Tu veux te joindre à nous ?

J'étais d'autant plus dépassé par les événements. Sakura flirtait avec Sasuke, ou du moins essayait alors qu'il l'avait insultée il n'y a même pas une minute. Le reste de la troupe sourit et Ino se rapprocha de sa complice. Elle redressa son dos et mit sa poitrine en avant. Elle se trémoussa aussi. Sasuke s'avança alors vers les donzelles et je crus un instant qu'il accepterait leur invitation et se joindrait à ce massacre. Sa démarche fière et sans peur me donna des frissons et le visage froid qu'il afficha aux jeunes filles m'éffraya. Finalement il soupira et les poussa sans ménagement au sol. Cette scène  m'estomaquait. La vitesse fulgurante à laquelle il se retrouva à côté de leurs visages, me donna un vertige.  La fureur passa furtivement au creux de ses prunelles obsidiennes. Je crus qu'il allait les frapper. Jusqu'au sang. Mais il n'en fit rien il les enjamba tel de misérables verres de terre et s'approcha des garçons figés de peur. Il les défia un instant du regard. Neji et Saï s'écartèrent vivement de sa route et rejoignirent les filles encore en état de choque. Je n'en menais pas large non plus. Les pommettes violettes et les joues rouges. Le souffle court. Ma poitrine se soulevait à un rythme irrégulier et je transpirais. Je transpirais la peur sous chaque pore de ma peau.

Allait-il me battre lui aussi ?
Allait-il me maudire à son tour ?
Allait-il me demander de mourir ?

Il plongea son regard vide dans le mien. Aucuns sentiments ne vinrent perturber son calme angoissant. Mon cœur palpitait dans ma cage thoracique. Et j'étais persuadé qu'il s'extirperait de mes entrailles pour s'écraser à ses pieds. Il ouvrit la bouche et soupira. Il regarda alors mes démons et les questionna sur leurs agissements. J'admirais en silence cet éphèbe sortis de nul part pour...

Pour quoi d'ailleurs ?
Pour me sauver ?
M'épargner ce cauchemar répétitif ?

Je ricanais las. Non il n'y avait aucune chance pour que qui que ce soit me vienne en aide. Je me réveillerai bientôt pour découvrir que je m'étais évanoui. Je suis si faible. Je laissais mes épaules s'affaisser lourdement. Mes mains s'accrochèrent furtivement à mon pantalon. J'essayais de retenir cette maigre volonté vers moi. Mais apparemment même les dieux m'abandonnaient à mon sort. Un éclat de voix me sortis de ma transe, celle de Sakura :

— Sasuke ?! Que fais-tu ?! Tu le défends ?! Tu aides ce moins que rien !! Mais pourquoi Sasuke-kun ?! Ce monstre ne devrait même pas être à côté de toi !!

Sasuke la fusilla du regard. Les mains dans les poches, la tête haute il la défiait ouvertement de continuer sa tirade. La fierté Uchiwa j'imagine. Il fit un pas dans leur direction et aligna quelques mots. Le nécessaire pour ne pas rompre le mythe du garçon mystérieux :

— T'as rien d'autre à faire que d'emmerder les faibles ?

Sa voix me gifla plus que ses propos. Donc au final il se détourne de moi lui aussi ?
Mais voyons qu'est ce que j'espérais au juste ! Moi, Naruto Uzumaki, le démon de Konoah, évidemment que personne n'allait m'aider. Il souhaitait juste me voir disparaître comme tous les autres. Il essayait juste de se donner bonne conscience en abrégeant mes souffrances pendant quelques minutes. Mon cœur me fit mal et mon ventre se noua. J'agrippais mon pull orange d'une main faible. J'espérais calmer cette douleur si familière. Resterais-je finalement seul jusqu'à la fin de ma vie ? Même un inconnu lisait dans mon cœur impur. Il voyait le monstre que j'étais, la bête qui avait commis un crime impardonnable :

— Mais Sasuke-kun ! Ce chien galeux a tué ses parents !!

Voilà. La vérité a nouveau dévoilé. Cela ne cesserait donc jamais. Ce poignard qui s'enfonçait dans la chaire tailladée de cicatrices toutes plus douloureuses les unes que les autres. Les plaies profondément encrées en moi. Toutes ouvertes et coulant à flot de larmes et de sang.

N'y avait il donc pas de fin à ma douleur meurtrière ?

Après cette déclaration théâtrale le silence m'enveloppa encore. Et les ténèbres m'accueillèrent dans leurs bras glacials. Je retenais mon souffle, vaincu face à la trop grande souffrance que m'infligeaient les paroles de Sakura. Il n'y a que la vérité qui te pousse vers le précipice de la mort. La chute sans fin d'une longue lutte vaine.

— Moi aussi.

Un hoquet de surprise s'échappa de ma gorge. Mes entrailles rémunèrent et le serpent de l'espoir se tortillait dans mon cœur. Était-il comme moi finalement ?

— Et alors quoi ? Vous allez me bastonner aussi ?

Mes bourreaux se regardèrent et reculèrent de plusieurs pas devant la fureur non dissimulée de Sasuke.

— Dégagez.

Ils prirent leurs jambes à leurs cous. Et à aucun moment de ma vie je ne fus aussi soulagé de voir quelqu'un proche de moi. Je vis le corps de Sasuke s'appuyer au mur et rejoindre le mien au sol. Nos épaules se touchèrent et mon cœur fit une pirouette. Il me donna un coup de coude dans les côtes pour m'obliger à le regarder. Il était si beau. Mes yeux parcoururent son visage pour la centième fois et ils s'arrêtèrent à ses lèvres où trônait un rictus narquois. Il bougea lentement sa bouche et sa voix rauque teinta l'air de douceur :

— Y'a que les filles qui chialent comme ça.

Je ne pus retenir un sanglot de s'échapper de ma gorge. Je touchais mes joues où mes pleurs rayonnaient. Mon cœur tambourinait dans ma poitrine et mes mains tremblaient. Mon corps s'affolait à sa présence et ses paroles résonnaient encore comme une prière dans ma tête. Les yeux baignés de larmes je me jetais à son cou pour pleurer tout mon soule. Je tenais fermement ses épaules et ma peine l'envahissait de toute part.

Il n'a pas fuit. Il m'a serré contre lui. 

Au gré du ventWhere stories live. Discover now