Au gré du vent

23

— « Tu fous quoi là ? »

La classe entière était silencieuse. Les yeux se tournèrent lentement vers nous. Je voyais mes camarades se figer. Leur attention dirigée uniquement vers le spectacle qui avait lieu devant moi. À ma gauche, Gaara, assis nonchalamment sur sa chaise, un bras par dessus le dossier, ne daignait même pas lever le regard vers l'adolescent devant lui. L'atmosphère se fit lourde, étouffante. Mon corps entier tremblait.

Sasuke était la. Juste devant nous. Et Gaara l'ignorait royalement.

Je me sentais tout petit, misérable face à ces deux auras. Ils m'écrasaient de toutes leurs puissances. Je baissais la tête, ne voulant pas assister au spectacle. Mais je pus distinguer du coin de l'œil, les poings de Sasuke se serrer rageusement.

— « Et toi qu'est-ce tu fous là ? »

La voix de Gaara résonna dans toute la classe, glaciale. Il n'avait pas bouger d'un iota. Je sentis la fureur de Sasuke devant nous. Elle glissait sur mon corps comme un poison dans mon sang. J'étais terrifié. La classe restait muette. Kakashi n'arriverait pas avant 15 minutes. Je savais ce qu'ils pensaient tous « une baston ! ». Et ils avaient raison.

Sasuke agrippa violemment Gaara par le col et rapprocha son visage à quelques centimètres du sien. Je sentis une bouffée de chaleur m'envahir, mon souffle se coupa. Les mots de Sasuke sifflèrent dans l'air comme une claque s'abattant sur mes joues.

— « Dégage de là connard. »

L'air ne circulait plus dans mes poumons. J'étais paniqué, terrifié. Qu'allait répondre Gaara ? Allaient-ils réellement se battre tous les deux ? Est ce que je pourrais les arrêter ? Alors que l'air me manquait, j'entendis enfin les acclamations de mes camarades. Tous hurlaient et soutenaient Sasuke, ils voulaient que les deux garçons se battent. Je relevais la tête alors pour apercevoir le visage de mes amis, et mon sang se glaça. Sasuke était de marbre. Seule la fureur s'agitait dans ses orbes noirs. Gaara lui, affichait un rictus sournois et une lueur de malice dans ses yeux translucides. Il attrapa le poignet de Sasuke, celui qui le retenait par le col, et l'éloigna brusquement de lui, toujours un sourire effrayant aux lèvres. Sasuke ne sembla pas aimer sa manoeuvre et encore moins les mots que Gaara prononça :

— Tu rêves pauvre enfoiré.

La classe se fit de nouveau silencieuse. Et moi je tremblais toujours, la peur me tiraillant le ventre. Alors que Sasuke armait son poing gauche pour l'envoyer dans le visage de Gaara, ce fut ce moment que choisit Kakashi-sensei pour apparaître dans la salle. Il se précipita vers les adolescents et tira Sasuke loin de Gaara, qui retomba lâchement sur sa chaise. Sasuke quand à lui, restait muet, les poings toujours serrés.

— « Aucuns gestes d'affection dans ma classe, je pensais avoir été clair la dernière fois » soupira notre professeur, lassé.

La classe soupira, déçu qu'il n'y ait pas eu de confrontation. Moi je soupirai, soulagé que mes amis ne se battent pas. Sasuke s'arracha a la prise de Kakashi et sorti en trombe de la salle. Sans m'adresser un seul regard. Sakura et sa troupe ruminèrent pour exprimer leur désarrois, et Neji accompagné de Sai nous lançait des regards méchants. Ils se moquaient de nous, Gaara et moi.

Kakashi-sensei commença son cours, et je sentais ma poitrine me brûler. Je lançais un petit coup d'œil à Gaara, allongé sur sa table, à la place habituel de Sasuke. Et au fond de moi je regrettais que ce ne soit pas le brun qui soit assis à côté de moi. Mes yeux commencèrent à me piquer et une sensation dérangeante pris place en moi, comme si on m'écrabouillait le coeur. Je le sentais se déchirer lentement, morceau par morceau. Et je ne sus expliquer pourquoi. Cette sensation ne faisait que se décupler en visualisant Sasuke sortir furieux de la salle de classe. Sans un regard pour moi. Tout s'était déroulé sans qu'il ne s'adresse une seule fois à moi. Comme si je n'étais pas là. Et cette pensée me donnait envie de m'enfoncer sous terre et ne jamais ressortir. Recroquevillé sur moi même, j'étais tenté de laisser aller mes larmes, mais la sonnerie de l'établissement ne m'en laissa pas l'opportunité. Un poids se posa sur mon crâne : une caresse. Quelque chose d'extrêmement doux et précieux. Je tournais mon regard larmoyant vers Gaara, qui passait lentement ses doigts dans mes cheveux. Il ne me regarda pas, impassible, et je me sentais minuscule face à lui.
Puis soudain, alors que je profitais de la saveur de ce contacte, je me surpris à regretter que ce soit lui qui me l'adressait. Je fermais les yeux, chassant cette sombre pensée.

La douceur de cet instant s'effaça doucement. Je me tournai vers Gaara qui semblait absorbé dans ses réflexions. Je souris doucement, et j'en profitais pour ranger silencieusement mes affaires. Sur le point de partir, je tirai Gaara hors de ses pensées. Il hocha la tête reconnaissant et se rapprocha de moi, prêt à partir. J'étais dos à lui quand ses mots glissèrent dans l'air :

— «  C'est qui ce gars ? »

Mes joues s'échauffèrent quand une multitude de réponses me traversèrent l'esprit : un héros, un homme, un ami... je me retournai lentement vers mon ami, mes cheveux cachant mon visage rougit. Je soufflais alors l'unique réponse qui rassemblait tout ce que je pensais de lui :

— « Sasuke »

Gaara haussa les épaules, et n'en demanda pas plus. Il ne semblait pas satisfait de cette réponse, mais ne montrait aucun intérêt à m'interroger sur le sujet. Il me dépassa vivement pour sortir de la salle, m'annonçant qu'il prenait de l'avance pour le cours suivant.

Moi je restai planté au milieu de la salle, fixant la table de Sasuke. Je l'imaginais, le menton appuyé sur le creux de sa main, à fixer les arbres enneigé par la fenêtre. Je sentis mes lèvres s'étirées, et jamais je ne pris autant de plaisir à sourire.

Je murmurai son prénom entre mes lèvres, l'imaginant adossé au mur, attendant que je me dépêche.

Je sentis sur mes joues, les larmes transpercées ma peau et atteindre la courbe de mon sourire ; sans comprendre pourquoi mon coeur me faisait tant souffrir.