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L'air glacial s'échappait lentement de mes poumons. Le temps défilait au ralenti. Des milliers de regards s'accrochaient à moi, satisfaits. Mon corps figé ne répondait plus de rien. Ma tête bascula en avant, mes cheveux cachant mes yeux remplis de larmes. J'oubliais peu à peu mon entourage, me laissant happé par l'obscurité. Leurs sourires malsains m'entouraient de toutes parts et j'étouffais. En silence.   Les sanglots mourraient dans ma gorge. Mes bras morts longeaient mon corps instable. Les jambes flageolantes, je me levais. La nausée me montait et un puissant vertige me fit frémir. Les ricanements ne cessèrent plus. Mon visage livide cherchait de l'aide. Le professeur sous le choc ne pipa mot. Kiba n'était pas dans ma classe. J'étais abandonné de tous. Dépité je me laissais tomber mollement sur ma chaise et mes doigts s'agrippèrent à mes genoux. Mes ongles pénétrèrent à travers mon jean pour s'enfoncer dans ma chaire. La douleur physique me fit reprendre mes esprits. J'avalai goulûment de l'air. Je ressemblai à un noyé tout juste sortie de l'eau. De ses immenses ténèbres. Affalé à mon dossier de chaise, mes épaules s'affaissèrent et je me perdais dans les limbes de la souffrance. Ma tête résonnait de trop de souvenirs. Les pleurs. Les cris. La solitude. L'incompréhension. Tous, tous hurlaient dans ma mémoire. Je suffoquai, et portai ma main a mon cœur. J'agrippai mon pull orange, et c'est avec grande peine que j'entendis la voix de Sasuke voltiger dans l'air :

— Pitoyable.

Je levais les yeux vers lui, incertain. Il me jaugeait du regard. Le dégoût sur son visage m'acheva. Les miettes de mon cœur s'écrasaient à ses pieds. Et il les piétinait. Mon souffle se coupa. La bouche entrouverte par la violence du choque. Mes yeux s'accrochaient aux siens et je ne vis que du vide. Je baissais à nouveau la tête. Soumis. Jiraiya reprit enfin contenance et s'époumona de propos colériques :

— Qui est le vaurien qui a osé dire ça ??
— Moi, la voix de Sakura s'éleva dans la classe.
— N'as-tu pas honte ! Penses-tu une seule seconde à tous le mal que tu lui fais ? Qui que soient tes parents, tu leurs fais honte. Tu iras en colle ce samedi après midi, et tes complices t'accompagnerons. Alors chers élèves veillez attentivement au tableau des retenus de ce week-end.

Le silence prit place, et des regards meurtriers m'assassinèrent de toutes parts. Je sentais déjà les représailles arriver et je me fis tout petit sur ma chaise.

Le cœur lourd je laissais le temps défiler, essayant d'oublier ma peine. Je songeais pendant tout le reste de l'heure à ma prochaine fuite en sortant de la salle. J'observais pendant une bonne demi-heure mon voisin. Il dessinait encore, insouciant. Je me demandais alors s'il regrettait ses paroles dites tantôt. Mais la réponse s'inscrivait en moi comme une évidence : bien sûr que non. C'était pourtant vrai, j'étais pitoyable. Mais que voulait-il que je fasse ?

Me défendre ?

Ce serait parfaitement inutile. Tout me retomberai encore dessus. Comme à chaque fois. Un stylo volé ? Naruto. Une mauvaise note ?Naruto. Une table griffonnée ? Naruto. Une fenêtre brisée ? Naruto. Une porte arrachée ? Naruto. Un mur avec des graffitis ? Naruto. Quelqu'un blessé ? Naruto. Un homme mort ? Naruto.

Tout.

J'étais toujours responsable de tout ce qu'il se passait. Et les représailles étaient toutes plus terrible les unes que les autres. Des membres cassés. Un visage défiguré. Une chambre dévastée. Un repas sauté. Des livres en feu. Tout. Tout y passait. Le peu de bonheur que je trouvais, le moindre petit réconfort. On me l'arrachait. Sans mon consentement. On me violait l'âme. Me ravageait le cœur.

Et jamais personne n'intervenait.

Ce n'étais pas aujourd'hui que cela commencerait. L'heure avait tournée, et les deux heures de philosophie arrivaient bientôt à leurs termes. La sonnerie retentit, et dans ma tête, cela sonnait comme la fin de ma courte trêve avec la vie. Je m'arrangeais pour sortir en dernier. J'avançais lentement le long du couloir, espérant qu'ils profitent de leurs poses. Je longeais les murs, tapis dans l'ombre. Je me frayais un chemin en silence, qui me menait vers ma prochaine salle de classe. Mais ils étaient là.

Mes démons à l'angle du couloir.

Je passais devant eux, la tête basse et les épaules voûtées. Mais un croche pied me ramena face contre terre. Sakura et Ino rigolèrent tandis que Neji, un adolescent au long cheveux brun et au regard de glace, et Saï, un véritable hypocrite, me plaquaient violemment au mur. Mes omoplates souffraient et un craquement me confirmait que cette intense douleur était réelle. Comme les autres fois.

Les coups s'abattirent sur mon corps abîmé. Le ventre, les jambes, le visage. Je crachais du sang, et celui ci s'étala sur les chaussures d'Ino, qui par conséquent me gifla encore plus fort. Sa main s'imprima sur ma joue. Le point de Neji me coupa le souffle. La douleur me montait à la tête. L'adrénaline poussa Saï encore plus loin et il m'assena un coup dans la mâchoire. Ma tête fit un demi tour et je cris un instant qu'elle allait se détacher de ma colonne vertébrale dans un bruit immonde. Ce ne fut pas le cas. Et la douleur revint. Ils mettaient du cœur à l'ouvrage. Je priais les dieux pour qu'ils partent vite. Mais Sakura, chef de ce petit groupe, en avait décidé autrement. Elle ordonna aux garçons de me maintenir sur mes jambes.

La jeune fille aux cheveux roses, m'attrapa vivement le visage entre son pouce et son index. Elle planta ses jolis yeux furieux dans les miens. Les hématomes bleus offraient un beau maquillage à mon état déplorable. Sa voix, telle une lame, déchira mon âme et s'enfonça vivement dans mon cœur. Les paroles s'enchaînaient les unes après les autres et ma peau brûlée à vive ne sentait bientôt plus rien de cette souffrance permanente. Il n'en était pas autant de ma tête. Qui comprenait parfaitement chacune des ses abjectes syllabes, si vrai :

— J'espère que t'es fier de toi monstre ! A cause de toi mon week-end est fichu et ma mère va encore me tomber dessus ! J'espère que tu sais ce que ça signifie hein ? Mais non je suis bête ! T'en as pas toi de parents ! Tu ne sais pas ce que c'est ! T'en as aucune idée... Tu es, et seras toujours seul, vermine. Tu me dégoûtes. T'es vraiment immonde. Tu devrais même pas vivre !

Et elle me cracha dessus. Neji et Saï laissaient mon corps retomber lourdement au sol. Je laissais mon dos s'écraser contre le mur avec violence. Des pas se firent entendre. Puis une voix :

— Vous êtes minable. C'est vous qui me donnez envie de gerber.

Sasuke Uchiwa.

Au gré du ventOù les histoires vivent. Découvrez maintenant