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Je me réveillais encore en retard.
J'étais encore fatigué d'hier.
Et les bleus jonchaient mon corps.
Encore.

La soirée d'hier avait été épuisante. J'étais rentré glacé, épuisé. La vieille marâtre m'avait donné les taches ingrates, et pendant deux heures j'ai du récurer le sol de la cuisine. Après cela, elle avait tapé mon corps, me giflant de marques rougeâtres, devenues bleues pendant la nuit.  Je n'avais pas mangé. Et Kiba n'était pas venu.

En somme, une soirée comme les autres. Sûrement était-ce normal, quand on était Naruto Uzumaki.

Je me pressais enfin quand la vieille tambourina à ma porte, réclamant que je fasse la vaisselle avant de partir. Je m'habillais prestement enfilant un jean délavé et mon pull de la veille. Je sortis enfin de mon cagibi et filais dans la cuisine. Une dizaine d'enfants attablés mangeaient tranquillement me fusillant du regards quand je passais près d'eux. Le p'tit Konohamaru me lança un regard triste avant de continuer de manger avec les autres. Les voir s'empiffrer de chocolat et de tartines, alors que moi je n'avais droit qu'à une pomme, me donnais la nausée. Je m'enfonçais vers mon lieu de travail du matin, plongeant mes mains dans l'eau moussante et sale. Je nettoyais mécaniquement les assiettes qui s'empilaient à ma droite, pour les poser, propres, à ma gauche. Je continuais ce manège un quart d'heure avant de plier bagage. Je franchissais la porte quand la pile de vaisselles s'écrasa au sol. La voix sourde de mon bourreau s'éleva dans l'air, m'hurlant de revenir. J'écoutais, préférant ne pas envenimer la situation.

— Espèce d'incapable ! Ne veux-tu pas te rentre utile et t'appliquer ! Un garçon comme toi ne devrait même pas vivre ! Sois reconnaissant que je te garde sous mon toit, insolent !

Un bruit de gifle. La douleur. Le silence.

Elle tourna les talons. Et je restais figé. La poitrine secouée de spasme, le dos courbé, j'abandonnais. Je m'effondrai à terre, toute ma volonté balayée par quelques mots. Le cœur déchiré, je me recroquevillais sur moi même, voyant du coin de l'œil une bande de gamin s'enfuir en rigolant.

« C'est tout ce qu'il mérite »

Cette phrase percuta mes pensées violemment, éjectant tout espoir de ma tête. Je ne comprenais pas pourquoi j'étais toujours aussi faible face à de tels mots. J'aurais dû être immuniser depuis le temps que je passais ici. Ils me lacéraient toujours le dos, entrant dans ma chaire écorchée vive, pénétrant jusqu'au sang pour m'arracher le cœur de la poitrine. D'un seul coup, en me coupant le souffle.

Je préférais oublier. Fermer les yeux. Et me plonger dans mon monde. Vide. Sans douleur. Ni haine. Juste vide.

Je soulevais mon corps, affaibli. Le traitre s'effondra à nouveau. Après maintes tentatives j'arrivais enfin à tenir sur mes jambes. Je m'approchais du bol en bois, cherchant une pomme. Malheureusement, il était vide et je me souvins avoir vu la vieille les jetés à la poubelle. Je soupirai abattu et saisi mon sac de cour. Trainant des pieds je me dirigeai lentement vers mon lycée, à quelques kilomètres de là. J'étais encore en retard, et courir n'y changerais rien.

Je laissai mes larmes couler à nouveau. J'en avais besoin. Et cela me permettrait d'être suffisamment dans les vapes pour ne pas m'effondrer devant les autres. Devant Jiraiya. Devant Kiba. Devant Sasuke. Je secouai la tête de droite à gauche. Penser à lui était étrange, et malsain. Il ne me connaissait pas. Je ne le connaissais. Il n'y avait rien à dire de plus. Point final.

Quarante minutes plus tard, les yeux bouffis et le cœur autant que le corps en lambeau, je me hissais sur la grille. Je m'avançais dans la cour, puis dans les couloirs à la recherche de ma salle de classe. Une première heure, sur deux, de philo déjà bien entamée, vu le nombre de mots que Jiraiya-Sensei débitait à la seconde. Je frappai un instant, et la classe se tut. Probablement cherchaient-ils encore une blague mauvaise à mon encontre. Je soufflais encore, essuyant une dernière fois mes yeux cernés. J'inspirai un coup, et ouvris la porte, un sourire rieur au lèvres. Les réflexions montèrent dans l'atmosphère dès que je passais la porte. Je marchai dans l'allée sans un regard pour eux, et m'asseyai lourdement sur ma chaise, aux côtés de Sasuke. Jiraiya cligna des yeux, trois fois, avant de finalement hausser un sourcil pour finir par un soupire lasse. Il m'ordonna juste de passer à la vie scolaire après le cours.

A quoi bon ? Il vont plus être déçu que je sois là qu'absent. Mais je ne dis rien et acquiesçai silencieusement.

Notre professeur reprit son cours dans le plus grand des calmes et réitéra sa question précédente. Celle que j'aurais préféré ne jamais entendre :

— Qu'est ce qu'un monstre selon vous, chers élèves ?
— Naruto.

La voix était venu de nul part, et partout à la fois. Un silence pesant s'ensuivit. N'avais-je pas dis que j'aurais préféré ne jamais écouter ces paroles ?

La classe entière porta son regard vers moi, attendant patiemment ma réaction. Frémissant d'excitation à mon expression désespérée. Était-ce si drôle de faire du mal à quelqu'un ? J'oubliais parfois pourquoi j'étais venu sur terre, était ce pour expier un immonde péché d'une vie antérieure ? Avais-je un jour, fait quoi que ce soit, pour endurer tout cela ? Cette scène abominable, un cinéma douteux, dont j'avais le rôle principal. Elle se jouait dans ma tête à un rythme effréné. Mes tempes s'agitaient nerveusement, mon cœur tressautait dans ma cage thoracique, et je sentais la mort toute proche. Mes mains tremblantes, agrippaient mes genoux à la recherche d'un perchoir stable. Malheureusement mon corps entier, voulaient tomber et abandonner ce spectacle effroyable.

Faible. Minable. Pitoyable.
Les mots s'enchaînaient les uns après les autres au fond de ma boîte crânienne. La peine me coupait le souffle. Me brisait en deux. J'avais envie d'hurler. Je brûlais de rage. Et j'avais besoin d'exploser, de mourir.

Mais seul le silence prit place dans ma bouche. Rouant de coups mes cordes vocales. Laissant leur vérité m'atteindre et m'étreindre l'âme.

Qui ne dit mot, consent.

Au gré du ventWhere stories live. Discover now