Prologue

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•Jules: En un soir je l'ai connue, en belle et sublime inconnue. En un soir je l'ai aimée du fin fond de mes entrailles sans retenue. Imagine ce cœur de mien, jadis mort et flétri. Elle a connu l'habileté et la hardiesse de la raviver, jusqu'à ce que de vie il soit pétri. Et l'on me dit que je dois vivre, alors que son soupir de vie j'ai volé. Et l'on me dit que je dois garder la foi, alors que tout espoir avec elle s'est envolé.

•J'imagine ta peine et cette atroce culpabilité dans laquelle tu te morfonds. Mais Dieu a un plan !

•Jules: Oui, Dieu a un plan !
-Mais pourquoi part-on du principe qu'il s'agit toujours du bon plan ?- Est-ce ça son plan pour moi ? Est-ce ça que nous autres mortels appelons destin ?

•Le destin, c'est un ailleurs, quelque part vers le grand bleu, où l'on ne se fait point de tort à tort. Le destin, c'est une promesse divine, une éternité où l'on retrouve tout ce qu'on a perdu.

•Jules: En connais-tu seulement quelqu'un qui y est revenu, pour nous dire qu'on y est attendu ?

Il n'est point plus pénible que de chercher à lui faire entendre raison. Lui, Jules, est un être de ressentiment. Il ne raisonne point, il ressent ! Sa philosophie n'est pas de spéculer sur le silence des espaces infinies, sa philosophie, c'est l'amour, l'amour le vrai, l'amour dans toute la splendeur de son plus simple appareil: un cœur aimant !

Le regard affaissé et figé vers le toit, il demeurait toujours, depuis quelques temps, toujours autant dans les étoiles (si ce n'est plus loin encore).

Ses yeux hagards, face au rétroviseur du temps, j'écoutais cet ami et amant protecteur qui souvent me disait: «Aimer, ce n'est pas être aveugle. Aimer, c'est regarder les choses ordinaires d'une façon extraordinaire.»

Je l'écoutais encore, perdu vers des ailleurs lointains, je l'écoutais qui parlait au ciel où gît inanimée celle qu'il a aimé le plus au monde, Dallah. J'écoutais son démon cœur battre en ces mots :
«Sœur de mon cœur, cœur de ma sœur, m'entends-tu ? Ô oui, tu m'entends, je le sais. Je sais que -les cœurs se parlent, quand ils se croient seuls, ils se murmurent leurs souffrances-. Ô écoute, cœur de ma sœur, sœur de mon cœur, écoute mon cœur mortel qui te parle en éternel amant. C'est en ce soir où tu es parti, que j'ai réalisé que tu vis éternellement en moi. C'est en ce soir où je t'ai perdu que j'ai compris que cette partie de moi qui me manquait habite en toi. J'ai longtemps compris que t'avoir aimé m'a appris à m'aimer moi-même. Mais je n'avais jamais su que quand je t'aimais, c'est moi-même que j'aimais.»

Ensuite il se tue, comme mu par je ne sais quoi, il se tue de ces silences qui savent en dire long, long et beaucoup. Il me fixait ironiquement, d'un regard livide où se dessinait une pâle mélancolie...et le manque l'envahissait, d'un envahissement sans second qui le secouait et le terrifiait, de ces terreurs qu'il ne savait dissimuler malgré toute la joie de vivre qui irradiait de lui.

Je le regardais, cherchant quoi dire... mais c'est lui qui continuait:
Ça va aller !

Je ne disais toujours rien, je restais figer et coi comme un immeuble sait rester zen. D'habitude c'est lui qui jouait à la remontrance, c'est lui, Jules, qui remontait le morale aux autres.

Je demeurais là, insipide et muet, inutile comme un zéro, incapable et me confondais dans tous ces mots qui se heurtaient dans ma caboche. Et comme toujours, c'est lui qui parlait:
Je sais, ne dis rien. Ta seule présence sait tout me dire. Je connais ta farouche sagesse et la terrible innocence de ton silence.

Est ce à cela que je servais en temps qu'ami?!? À montrer mon incapacité a résoudre ses moindres maux ou mon incapacité à le rassurer d'un mot?!?

Jules: Dis moi juste encore un de tes poèmes... c'était quoi encore, Frère par le cœur. Oui c'était cela ! Tu disais comment encore:

«Frère par le Cœur
On est pas lié par le sang ! Et loin d'être des amis d'enfance
On n'est pas identiques, on a su concilier nos différences.
Ô cœur chaleureux tel un soleil rieur!
Acolyte du temps, frère par le cœur!
Nous avons marché, couru et nagé ensemble
Survolant sur les ailes du temps qui passe, les mêmes quotidiens.
Jouant à ce théâtre de la vie, tels des habiles comédiens.
On se ressemble que trop, pour ne pas qu'on s'assemble.

Ô frère ami, ami de mon cœur !
Cœur de mon binôme, binôme par esprit vainqueur.
Jeunes louvoyants malmenés par l'existence
Frères de poignets, survivants par âmes et corps.
Cherchant ce que, sans faire d'effort,
Les autres ont depuis leur naissance
A raison ou a tort
On est pas toujours d'accord

On partage pas le même rêve, n'empêche tu soutiens ma vision
Jamais de regard hypocrite, éternel sourire d'une âme toujours ravie.
On a pas forcément le même style de vie
N'empêche je comprends ce qu'est vivre à ta façon.
Ce qui nous lie va au-delà des liens du sang
Tu n'es toujours pas présent, mais dans l'âme jamais absent.»

Et ces quelques mots me soulageaient. Et je compris que mes mots étaient plus importants que mon silence amer. Et je ne supportais point l'idée de le voir se morfondre ainsi. Je l'ai toujours connu debout, debout et fort, fort d'un cœur de lion. Et mon devoir d'ami me paru plus que jamais d'être présent, présent au sens spirituel du terme.

Soupirs d'un SoirWhere stories live. Discover now