Amour à la philo: suite

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J'ai senti, dès ce premier contact, une sorte d'ardeur frémissante, une attirance, une brusque tension des désirs qui me courait au bout des doigts et me donnait cette folle envie de la caresser, ce désir fou d'effleurer tout son corps de par mes lèvre. J'ai ressenti cette fougue haletante, ce soulèvement des nerfs qui surexcite toutes nos facultés de sensation physique et émotionnelle.

Je sais ce à quoi tu t'attendais. Même moi, j'eus tout de suite l'envie de l'embrasser. Elle aussi le désir le tenait à la gorge, je le vis aussi dans ses yeux. D'ailleurs, ses lèvres devenaient entr'ouvertes et paraissaient toutes parsemées de volupté. Mais rien ne se passa. Nos corps se quittèrent petit à petit, puis nos yeux. Ensuite on se tenait la main, nos doigts entrelacés et elle disait:
C'est bon, tu peux me lâcher maintenant. T'en as bien profité, han, pervers ! Je me demande ce qui te traverse l'esprit. Tu n'as donc pas peur de mourir ?

•Moi : Je me suis bien renseigné, peur de mourir ou pas, personne ne repartira de ce monde vivant.  On va tous y crever. Alors tâchons vivre pleinement et espérer trouver le salut une fois de l'autre côté.

•Je crois que ma grand-mère t'aurait beaucoup aimé. Elle dit que «La vie est faite pour être vécue, on a toute la mort pour se reposer.»

•Moi : Si on en croit aux écritures saintes, ce n'est pas tout le monde qui trouve le repos de l'âme après son trépas.

•Oui, les justes vont entrer dans les jardins d'Eden, tandis que les crédules vont moisir dans les hautes flammes.

•Moi : Pardon !

•Les bons au paradis et les malfaiteurs en enfer. Quoi, ne me dit pas que tu ne crois pas en la vie de l'au-delà ?

•Moi : Je crois que quand en ce monde je fermerais les yeux, ce sera pour l'ouvrir vers d'autres cieux. Je crois qu'il y a un Dieu bienveillant et de bonne grâce, un Dieu juste : Jéhovah, le Père, Allah, c'est kif-kif. Je crois en une Intelligence Supérieure, Omnisciente et Omnipotente. Mais le bien, mais le mal, échappent à mon entendement.

•Je ne te suis pas !

•Moi : Par-exemple, la loi du Talion ne stipule-t-elle pas qu'œil pour œil et dent pour dent ? Autrement, quand quelqu'un prend une vie, on doit lui ôter la vie. Alors je te demande, le fait de tuer, est-ce un bien ou un mal ?

•C'est quelque peu déconcertant... Celui qui prend la vie en premier (l'assassin) fait un mal et celui qui rend justice en ôtant une vie (le bourreau) fait un bien. Pourtant, tuer c'est tuer. Donc on pourrait aussi dire que le bourreau fait un mal et que l'assassin fait un bien. Merde, je ne sais plus.

•Moi : Qu'est donc le bien et qu'est donc le mal ? En quoi le bourreau est-il meilleur que l'assassin ? Tout dépend de la situation particulière d'un homme particulier, dans une société particulière et dans un temps particulier. C'est en cela que Villiers soutenait que « Le bien et le mal est une question d'altitude ».

•Mais le vol alors ?

•Moi : C'était légale et pratiqué par tout bon citoyen de l'antiquité Grec, en sparte.

•Le vin alors ?

•Moi : Je sais que boire du vin n'est pas un pêché chez nos voisins chrétiens.

•Laisse-moi réfléchir, je t'aurais, attend de voir. La fornication ?

•Moi : Bien visé ! Mais le fornicateur, est-ce dans sa nature de forniquer ou c'est son destin qui voulut qu'il soit fornicateur ?

•C'est l'œuvre du diable, il nous force à pêcher.

•Moi : Et le diable alors, est-ce sa nature d'être diabolique ou c'est Dieu qui voulut qu'il soit le diable ? Ou me dirais tu que c'est son destin ?

•Tu te fais maintenant l'avocat du diable !

•Moi: Répond !

•Supposons que ce soit son destin...

•Moi : L'existence du destin remet en cause l'existence de Dieu, et cela est bien connu !

•Tu joues au philosophe maintenant !

•Moi : Admettons que le destin existe ! Il faudrait bien alors qu'il ait un Dieu ?

•De toute évidence !

•Moi : Or, nous sommes d'accord que le destin est bien ce qui arrive aux hommes, de bien ou de mal, indépendamment de leur volonté.

•Sans doute !

•Moi : Or aussi, Dieu dit dans la Thora, la Bible comme dans le Coran : de ne point voler, de ne point forniquer, de ne point commettre un meurtre...

•Cela s'entend dire !

•Moi : Ensuite ce même Dieu vient confondre le destin d'un homme en celui de voleur, de fornicateur de criminel et tout, et indépendamment de sa volonté !

•Tout cela parait absurde, je te l'accorde !

•Moi : Oui, parce que cela laisserait sous-entendre que Dieu est injuste envers le diable, le voleur, le fornicateur, l'assassin et tout, parce que c'est inscrit en leur destin. Et le bon sens n'accepterait point que le Juge du jugement dernier soit injuste.

•Par conséquent l'enfer n'aurait plus sa raison d'être et plus de jugement dernier alors.

•Moi : Tu l'as dit !

•Et pourtant, tu as besoin de croire que Dieu existe ! Par conséquent tu ne crois pas au destin.

•Moi : Je ne crois ni au destin ni au mauvais œil. Je ne crois ni à la voyance ni à l'oracle...

Et ç'était vrai ! J'ai toujours éprouvé cette défiance éternelle envers les sciences occultes, une peur profonde, une sorte d'ardeur frémissante.

La vérité est que la seule fois où, par accident, une mage m'a tenu la main, elle me révéla des trucs qui m'ont effrayé, qui me hantent encore aujourd'hui et continuent de me dévaster depuis mon fort intérieur.

«Je vois une demoiselle, une ravissante demoiselle: un cœur dérobé, une autre toi-même, une sœur, un souffle volé. On eut dire de l'amour parfait ! Je vois là des gestes, une sorte de symbiose de vos deux corps, une affinité dans le toucher, je vois là de muets et interminables baisers qui se déferlent sur la peau, exactement comme deux amants.
Mais je vois autre chose de plus aiguë, plus aiguë que cette lassitude frénétique chez les amants, je vois autre chose, je vois plus qu'une sensualité. Rien n'égale cette complémentarité dans vos gestes, cette similitude. C'est seulement chez ceux qui se pratiquent depuis toujours qu'on observe cette synchronisation.
Il y'en a à point y douter: cette affection totale et intègre de l'un à l'autre, c'est de la fraternité.
Je vois qu'elle suffoque, je vois qu'elle gémit, je vois qu'elle gît alors qu'elle incarne la vie dans toute sa splendeur. Je le vois, cœur de ta sœur, sœur de ton cœur...»

Et avant qu'elle n'eut terminé son monologue désordonné, je retirais ma main, terrifié et hoquetant de tous mes membres.

Soupirs d'un SoirWaar verhalen tot leven komen. Ontdek het nu