Eternel insatisfait

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Mais alors que mon imagination planait en pleine procès, c'est sa voix qui me rappelait à la réalité. Il n'y avait ni sanglots ni convulsion en sa voix, seulement là sérénité dans une sincérité déchirante.

Il se remuait la gorge, il allait rompre le silence. Il n'a jamais voulu en dire ne serait-ce qu'un seul mot. Ses pupilles ni ne se dilataient ni ne vacillaient. Le timbre de sa voix demeura parfaitement régulier.

Jules: Mon ami mon frère, je ne sais pas si je serais compris. Je ne sais pas non plus si ma mémoire qui est pourtant bonne se résoudra à donner la meilleure d'elle même pour cette confession. Car tout cela à l'air si confus, mais clair à la fois. Toujours est il, pour saisir toute la portée de cette affaire, il me faut te conter, pas Mille et Une Nuit, mais Toute une vie et un Soir.

Je ne prononçais pas un seul mot. Il se tût un instant, il s'écoute un temps avant de reprendre la parole. C'est un exercice douloureux qu'il tramait contre sa propre personne. Mon regard ne lâchait point ces yeux, cet étrange et extraordinaire acuité dans son regard, l'intensité dans l'intelligence qui s'en dégage, cet attrait qu'il plonge au fin fond des autres, ce cou d'œil qui fascinait les femmes et intimidait les hommes.
L'instant fut lourd se solennité. C'était décidé. Il se confessait:

***

««Être humain parmi les hommes, ça demande de l'humanité...ça demande du cœur, énormément de cœur. Je n'ose pas affirmer que j'eusse été un type sociale et aujourd'hui encore moins. Peut-être n'oserai-je jamais le dire aussi. Je me suis pourtant efforcé de m'investir dans des relations pleines de sens, sans que cela ne m'ait vraiment mené à grand-chose. J'ai alors survécu, mais en solitaire parmi les miens. Je n'étais peut-être pas à ma place ou n'avais-je tout simplement pas choisi les bons pions. Ma pièce maitresse, l'éternel trait d'union qui m'a toujours lié à autrui était l'Amour, comme ça avec un grand «A», bien majuscule. Ma vie durant, je l'ai vécu en essayant de me retrouver tel un éternel inconnu, on eut dire que j'avais perdu une partie de moi que je tentais de retrouver comme par instinct. J'ai alors cherché l'Amour, souvent gauchement, moi, naïf et stupide, mais guidé par ce désir qui consistait à vouloir combler une partie vide en moi, pour me sentir plus complet et entier dans l'âme. «J'ai été un amoureux précoce et dévoué !», a écrit Robert Hossein. Eh bien, en ce qui me concerne, c'est fichtrement vrai! Aimer n'est peut-être pas toujours le mot le plus approprié pour décrire tout ce que j'ai pu éprouver, mais je n'en connais pas d'autre digne d'expliqué tout ce flot de ressentiments alors je vais m'en contenter.

Mais à quoi bon conter l'Amour ? Pour les cœurs épris, les mots sont si vides de sens et celui qui n'a point aimé ne saurait rien y comprendre, m'a-t-on un jour murmuré. Cependant, même si certains préfèrent ne pas l'avouer, tout cœur vivant se consume d'amour. Qui n'a pas aimé ? Ou disons plutôt, qui n'a pas songé d'être aimé ? Je ne parle pas de super héroïsme ou de méga star, je ne parle pas de ces vedettes du petit écran non plus, ni de la personne connue et adulée. Je parle d'Aimer tout court !

Nous voulons être aimer, aimer de nos connaissances et même des inconnus, aimer de nos amis et de nos proches parents, mais surtout, aimer d'un être cher, celui sans qui tout n'est que vide absolu et que rien ne vaut la peine d'exister. Pour moi qui suis mec alors, je voulais être aimé d'une femme, chéri, voire même chouchouter jusqu'à l'adoration. Mais entendons-nous bien, les femmes je n'en manquais pas. Bien au contraire, elles foisonnaient de partout dans ma vie. Ce qui me rendait existant. Car oui, il faut être honnête et le dire, je n'étais point exempt de toutes les faiblesses du sexe fort.

J'existais d'histoire en aventure, d'aventure en conquête, de conquête en flirt. Je connaissais bien des filles, aussi ravissantes que gracieuses, avec qui j'étais toujours pétri et trempé d'amour. Mais aussi voluptueuses eussent été nos liaisons, au bout d'un certain temps, elles ne m'inspiraient plus grand-chose. Puis je recommençais, avec une autre et avec une autre... Ce qui est étonnant, c'est que je me livrais à chaque nouvelle aventure à l'amour farouche, à ce ressentiment terrible et pleine de rage qui taraude le cœur. Je ne connais pas ce que les gens appellent communément la modération en matière d'émotion. En d'autres termes, aimer à demi-mesure ne figurait pas dans mon jargon de tous les jours. Bien que je fus intelligent et naturellement, réfléchir n'étais pas trop mon fort. Mais ressentir, c'était tout moi. J'étais du genre à ne penser que par le cœur. Et puis quoi ? «Quand on aime on ne compte jamais.», dit le dicton.

Un jour, une bonne amie de bon sens m'a dit : «Nous allons à la quête de l'amour pour nous compléter par l'autre, pour combler un vide en soi-même, pour échapper aux tourments de ce chaotique présent, pour se réinventer une tranquillité et trouver l'équilibre, le parfait timing entre son monde et soi-même.»

J'ai toujours trouvé débile l'idée que de se compléter par une autre, comment une personne qui nous est étrangère pouvait-elle réussir à combler un vide en nous ? C'est parce qu'on ne se dit pas qu'en aimant l'autre, on s'aime mieux soi-même. Je me sens tout con de le dire, tout comme l'autre qui prétend que :
«Soit c'est l'amour qui rend débile, soit seuls les débiles tombent amoureux.», et y'a pas une troisième alternative.

Soupirs d'un SoirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant