L'Amour savant: suite

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•Moi: Dans les souvenirs déjà si lointains de ma jeunesse amoureuse, ici même, je déroulais tranquillement un examen d'entrée au lycée. Penché sur ma copie, je notais les idées qui défilaient dans ma tête en vrac dans un brouillons. Cherchant toujours de pensées nouvelles, je levais instinctivement la tête, puis un regard égaré vers la porte quand je tombais subitement sur une demoiselle d'une beauté sans pareille, au sourire angélique et dont le regard me parut très expressif. Ces yeux, son corps et toute sa personne d'ailleurs, semblaient me parler dans un langage familier, et pourtant je ne la connaissais point. Elle restait là, plantée devant la classe avec ses camarades, papotant de tout et de rien ; et quand nos regards arrivaient à se croiser, mon cœur se chamboulait et tout ça était magique. Je pris mon temps. J'attendais mon instant, j'attendais mon heure. Puis, à l'heure de la pause, on se croisait, se frôlait. Tout ça me grisait le cœur. Mais je n'étais pas assez fort ni sur de moi d'ailleurs pour lui dire un mot.
À la descente, nous rentrâmes ensuite par la même route. Et quand mon heure vint au tout dernier instant, là où nos routes devaient se séparer, mon occasion tant espérée se présenta. Seulement au moment où je me suis rebellé de ma couardise et me décidais d'agir, il y'avait trop de monde et c'était devenu impossible de l'approcher. Alors, nous nous sommes quittés sans rien dire. Sept jours plus tard, alors que je tentais désespérément de la retrouver, j'appris qu'elle s'était envolée vers la France, amenant avec elle tous mes espoirs. Aujourd'hui, je ne l'ai plus revu et ça fait sept longues années maintenant.

•Il est donc vrai ce qu'on dit !

•Moi : Et que dit-on donc ?

•Il parait que derrière chaque beau parleur se cache un fort bien menteur. Mais il est vrai qu'on oublie que derrière chaque beau parleur se cache un joli cœur.

Cette petite confession lui paressait douce et elle était d'une gaieté étrange pour moi. Elle riait niaisement. Et son bonheur était à mes yeux inapproprié, inconvenable et même déplacé. Je cru à juste titre qu'elle ne m'écoutait plus, je cru qu'elle rêvassait, je cru qu'elle était sur les étoiles, si ce n'est encore plus loin. Et pour la faire redescendre sur terre, je rebondis en ces propos :
«Rien ne choc qui vient à temps !» estimait Maupassant

•Est-ce que c'est sensé me dire quelque chose ?

•Moi : Bah, pourquoi donc une vérité émanant du cœur serait-elle indigne ? Pourquoi donc serait-il déplacé de dire à un homme ce que l'on ressent s'il berce nos sommeils ? Tu me parles d'intégrité, et c'est vrai. Mais sans vouloir t'offenser, j'y vois aussi beaucoup de lâcheté. Ce que l'on ressent au plus profond de nous-même, c'est notre état d'âme », notre nature intérieure ; et refuser de l'avouer, c'est refuser d'admettre ce qui est soi tout simplement.

•Je te suis parfaitement, mais qu'en dira-t-on ?

•Moi : On en dira ce que l'on voudra bien en dire... on jasera puis on se taira. Vois-tu, je ne t'apprends pas que les gens auront toujours une opinion en tout et sur tout ce que tu fais ou entreprends. Certains le prendront bien, tandis que d'autres médiront sur ton dos. Et si tu écoutes les gens, tu feras ce qu'ils veulent et vivras ta vie comme eux l'entendent, mais jamais tu ne vivras comme cela t'enchante. Alors, à toi de voir ! Veux-tu vivre la vie des autres, ou vivre ta propre vie ? Les gens ne comprendront peut-être jamais, ils ne sont ni dans ta tête, ni dans ton cœur... alors quoi ?

•Bah, euh, je ne sais pas, je suis confuse. Mais si je me déclare en premier lieu devant lui, non seulement je ne vaudrai plus grand-chose à ces yeux, mais aussi ma fierté serait bafouée.

•Bah, peut-être que peut-être oui, peut-être que peut-être non !

Et c'était la débandade, nous mourions de rire.

C'est quoi ce jargon ? S'exclamait-elle.

Du charabia ! Répliquais-je.

Ensuite, je mis ma main sur son épaule et je dis :
Vois-tu ma chérie, ne confondons pas fierté et orgueil. Et là où il y'a amour, orgueil n'y a point sa place. L'amour est une loi qui ne nous laisse pas le choix. On devient amoureux par destiné et non par volonté. L'amour se peut appeler amour s'il peut bafouer les castes, dompter notre orgueil et faire tomber les rangs sociaux. D'ailleurs, c'est de peut-être là que vient l'expression «Tomber amoureux». L'amour ne se fiche pas mal de qui l'on est. Peu lui importe que l'on soit mâle ou femelle. Son crédo à lui, c'est une «flèche en plein cœur». Et toi, Cupidon t'a bien visé avec son arc. Ne laisse pas les non-dits te priver de ton bonheur et arrête de te dire que tu es une femme. Avoue tout simplement ce qui est toi, vies et sens-toi vivante...

•Ce que tu ignores c'est que je peux être trop collante comme meuf, je ne veux pas qu'il finit par se lasser de moi.

•Moi : Le problème des femmes intelligentes et dites intellectuelles c'est qu'elles réfléchissent trop. L'amour ne pense pas, il ressent. Le véritable diagnostique est en consultant ton cœur et non ta tête, le remède à ta maladie ce n'est pas de réfléchir mais de ressentir. C'est aussi simple que deux et deux font quatre. L'amour pour être savant, n'a pas besoin d'aller à l'université.

Soupirs d'un SoirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant