Aimer à mourir

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«Une conversation avec une femme qu'on souhaite séduire n'a pas à être particulière, ni même sur le sexe ou l'amour.»

Mais comment ne pas la dire que ses yeux me font mourir d'amour ? Comment ne pas la dire que la musique de sa voix me fait vibrer les jambes comme piquées en dedans ? Comment ne pas la dire que son doux rire fait germer en moi des désirs tellement singuliers que je ne me l'explique pas ?

Je voudrai juste, ne serait ce qu'une seule fois, oser la dire:
«Ce feu , cette flamme, cette chaleur, cette constante brûlure dans tes yeux m'aveugle, me plonge dans un profond hypnose, qui au royaume de chez mon dedans ravage, brûle, enflamme tout, d'un perpétuel incendie qui m'embrase le sang, affole ma chair, m'embestialise.»

Je voudrais juste pouvoir la dire:
«La symphonie de ta voix est la plus belle mélodie au monde qui fait battre mon cœur la chamade.»

Je voudrais juste savoir la dire:
«Tes lèvres, tes seins et tout ton corps éveillent en moi un brutal et nerveux désir de te consumer, de synchroniser ta chair à la mienne.»

Mais je ne savais rien dire de tout ça... c'est elle qui avait le contrôle, le pouvoir l'appartenait. Autant dire elle me contrôlait, je l'appartenais. J'étais en sa possession, j'étais son objet, j'étais sa chose...elle me faisait dire des trucs dont je ne sais quoi, qui toutes les fois attisait sa gaieté. Et elle riait, souriait et riait encore.

J'ai déjà vu qu'il était écrit quelque part sur le net, j'ai vu qu'il était dit quelque chose du genre:
«Plus une femme rit, plus elle est amoureuse. Pour qu'elle soit folle d'amour de toi, fais-la rire.»

Mais je te jure, mon frère, plus elle riait, plus c'est moi qui tombais amoureux. Le plissement de ses yeux souriants, rien ne pouvait évoquer l'immense tendresse de cet instant.

Et à chaque fois qu'elle ouvrait la bouche, pour prononcer un mot, on dirait qu'il allait sortir quelque chose d'ineffable et de singulièrement doux de ses lèvres:

•Tu ne crois donc pas au prédilection, quelque chose que nous avons en commun, mais pourquoi ?

•Moi : —Un jour, un ami m'a convaincu d'aller voir une voyante alors que je traversais une mauvaise impasse. Il me fila son adresse et je m'y rendis. Arrivé sur les lieux, je toquais à la porte. Qui est là ? Attendis-je!
Toc toc toc ! Insistais-je. Qui est là? Répétait la voix. Je me suis retourné sur le champ... Comment une personne qui ne peux même pas me deviner derrière une porte en bois peux t'elle lire les lignes de ma
main ?— Elle est vraiment plaisante celle-là !

Et elle battait des barres, elle en pleurait de rire.

Moi: Bref, et toi, pourquoi ne crois tu pas à ces chemins de vie ?

•Il fut un temps, j'y croyais. Mais plus maintenant ! Du moins, je n'ai plus de raison d'y croire !

•Moi : Vas-y, explique !

•Quand j'étais petite, vers mes quatorze années enfantines, j'avais fait un rêve. Un rêve qui m'a marqué durablement et me travaillait depuis mon fort intérieur. Comme ma grand-mère est mage, au faite, une vieille amie de ma défunte grand-mère qui vit chez moi, j'allais la voire pour qu'elle dissipa le brouillard dans ma tête. Quand je la contais ce que j'avais vu en songe, elle me répondit :
«Tu soupireras de cet amour, faute de le regarder comme l'homme qu'il est et non tel un frère.»
Ce que mes parents traduisirent comme quoi, j'allais m'unir avec mon frère et d'ailleurs ajoutaient-ils, la mage, ma grand-mère l'avait prédit bien avant ma naissance, alors que ma mère était enceinte de mon unique frère. Alors, pour éviter un destin funeste, mes parents m'envoyèrent à l'étranger où j'ai vécu pendant sept longues années. Le comble dans tout ça, c'est que mon frère a rendu l'âme au bout de mon cinquième année de voyage et je n'ai même pas eu l'opportunité d'assister à ses funérailles. Maintenant que mon unique frère est aux cieux, je ne vois pas comment je pourrais l'aimé et m'unir avec lui. Voilà la raison pour laquelle je ne crois pas à la science des divinations. Mais je crois au destin, seulement pas dans l'entendement commun des gens. Et contrairement à toi, je dis qu'il y a le bien et le mal aussi.

•Moi : Je dis tout simplement qu'il n'y a rien, tout est Amour. Et que toute action guidée par l'amour, voilà le bien. Le contraire, voilà-le mal.

•Mais il y a la mort aussi ! Et les croqueurs d'homme aussi.

•Moi : Tout à fait. Seulement, je préfère taire mes oiseaux de malheur, je préfère passer mon temps à vivre plutôt que de le passer à mourir. Et désolé pour ton frère.

•T'en fait pas. Mais tu devrais songer à la mort ! Ça sent nettement le cadavre ambulant par ici.

•Moi : Oh, basta. C'est quoi tout ce cirque ? Pourquoi tout d'un coup on parle de mangeur d'âme, de mort et tout... si c'est pour me déconcerter, tu l'emportes. Alors est-ce que t'aurais un autre sujet beaucoup moins déconcertant ou moins flippant ?

•Quelque chose me dit que tu ne t'es jamais aventuré par ici ?

•Moi : C'est l'impression que j'ai aussi. Mais je trouve ces lieux à mes marques, du moment où je suis avec toi.

•T'es vraiment le mec le plus futé que je connais et je t'aime bien. Mais si seulement tu connaissais là où tu poses les pieds, je doute même qu'on ne puisse t'y trainer par force. Bref, de toute évidence, ils ont dû renifler ton odeur. Ce que je me demande par contre, c'est pourquoi ils ont feint de ne pas nous repérer... ?

•Moi : Attend ! Je croyais que c'était fini les devinettes à la mort et aux âmes volantes ! Tu veux bien me mettre à jour ? Je doute que ma version de la situation ne soit obsolète.

•Je suis d'une famille mangeur d'âme, je suis des croqueuses d'hommes !

Et dès qu'elle prononça le terme «Croqueuse d'homme», on eut dire qu'elle avait avalé des centaines de "r" et j'en ai senti mes jambes se fendre...

Soupirs d'un SoirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant