Eternel insatisfait: suite

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Ainsi, débile que je fus, aussi longtemps que je me souvienne, j'ai toujours demeuré sur une quête perpétuelle d'amour, d'amour farouche et terrible, d'amour terrible et violent, d'amour violent à fondre et l'âme et le cœur.

Tu sais, cet amour qui rend sot et souvent vulnérable aux yeux d'autrui, cet amour qui rend délirant, maladroit, stupide, mais par-dessus tout sympathique et gentilhomme.
Autrement, toute ma jeunesse amoureuse était vouée au recommencement sans fin : une femme qui sortait par la fenêtre, une autre qui entrait par la porte. L'ennuie c'est que j'avais une facilité à me taper des meufs, mais j'avais beaucoup de peine à les retenir.

Je me souviens encore de ce que tu m'aies déjà balancé au visage :
«T'es qu'un demeuré, un obsédé qui déguise ses fantasmes au nom de l'amour, mais tu ignores tout de ce qu'est aimer. T'es un type tordu qui dénigre ses choix, tu ne réalises pas les chances que tu as auprès des filles et tu ne sais pas ce que tu veux. T'es un insensible qui a peur de s'accrocher et tu fous tout en l'air lorsque les choses deviennent sérieuses.»

Tu as vraiment le culot de me regarder droit dans les yeux, sans broncher et de m'accoucher en pleine face tout ce qui te traverse l'esprit. C'est en cela que tu demeures mon pote, mon ami, mon examinateur de conscience. Et c'est seulement après nos séances de psychothérapie qu'il m'arrivait d'être à mes propres yeux un éternel insatisfait.

Ensuite vint cette fin d'automne, ensuite vint cet été, ensuite vint cet hiver, aussitôt après le soir où invraisemblablement je me suis dit :
«A quoi tient l'amour ?»

Je ne m'étais jamais poser cette question et j'avoue que toi aussi. Au début, ça m'a paru insensé de m'interroger là-dessus, tant je demeurais convaincu de comprendre le fonctionnement du cœur.

Nous traversons souvent l'existence, persuadés de connaitre ce qu'est l'Amour sans en saisir l'essentiel. Le plus souvent, on sait parler d'Amour avec tact et en connait toutes ses secousses jusqu'à ce qu'on soit victime d'aimer.

Il me fallait donc aborder l'Amour sous un autre angle. J'ai alors, pas tout quitté, mais tout remis en suspens. J'étais arrivé à un stade de ma vie où je voulais vraiment me caser. Je décidais, du moins je n'avais d'autre choix que de prendre du recul dans ma vie sentimentale. Et comme pour Garou, donner vacance à mon cœur.

Puis tout est devenu calme et froid. Mon cœur fut gelé littéralement et mes penchants amoureux partis en flocons de neige. Mais comme il fallut que je trouvasse une compensation le temps de mon sevrage, je m'adonnais à la lecture et aux voyages. Les amis et l'internet m'aidaient à traverser cette angoisse existentielle. Je vivais alors dans le décor de mes livres, le plus souvent le nez fourré sur mon écran, dans l'espoir que le calvaire des vents qui donnait la chair de poule se serait dissipé et le vent d'amour soufflerait à nouveau avec l'arrivée du printemps.

Je tenais donc bon. J'étais bon à tenir. C'est ainsi qu'en tenant bon, qu'il me fut donné l'espoir de rencontrer la femme qui allait donner à ma vision de l'amour un autre tournant et ramener le soleil dans ma vie.

Sept mois s'étaient écoulés, sept mois sans fin et sans femme, sept éternités s'étaient successivement superposées. C'étaient probablement les sept mois les plus longs de mon existence. Je demeurais terriblement angoissé et je perdais peu à peu de mon consistance et de toute ma contenance.

Or voilà qu'un jour, plus blasé que de coutume, j'allais étrangler mon angoisse chez un pote. C'était l'endroit où l'on se retrouvait entre potes toutes les fois, quand on n'avait rien à faire de nos journées ou qu'on essayait de ne rien faire pour échapper à ce chaotique présent. Parfois, je ne savais pas trop ce que je venais y chercher. Mais ce jour-là, l'ennuie me tenait à la gorge et m'y avait trainé de force.

A peine eus je pénétré dans leur salon, je restais figer un long instant comme clouer au milieu de tous ces meubles qui s'emblaient m'engloutir. Ensuite, comme mu par une inspiration, je me dirigeais vers une table et j'y trouvais un joli petit Smartphone. Comme j'étais le premier à me pointer ce jour-là et comme je cherchais quelque chose à lire le temps que d'autres potes ne se ramènent, je m'alitais sur un vieux canapé, le Smartphone soigneusement tenu entre mes mains comme un trésor, j'appuyais sur menu, fichier, stockage externe, livres électroniques et pour mon plus grand bonheur ou mon plus grand malheur je tombais sur ceci:

«Plaire aux femmes-Mode d'emploi.»

Je fus aussitôt secouer d'une agitation qui me fit vibrer tout le long du corps. Je me relevais d'une hâte frénétique, tant j'étais submergé de stupeur. J'appuyais et je tombais immédiatement sur ces quelques lignes :

«Vous voulez séduire mais surtout vous voulez aimer et être aimé d'une femme exceptionnelle, de La femme de votre vie. Pourquoi pas ? Vous croyez à l'amour durable et au partage d'un couple. Ça existe même si c'est parfois difficile. Mais si les couples ont tant de mal à se vivre dans la durée, c'est qu'ils s'apparient mal, qu'ils se connaissent trop mal avant de vivre ensemble, qu'ils ne se rencontrent pas bien avant. Nous allons en parler à la prochaine étape.»

A peine eus je jeté l'œil sur ces quelques mots, la sensation euphorique d'avoir la chair de poule me grisait. Puis je feuilletais et je relisais :

«Aujourd'hui on peut se prendre vite et se quitter tout aussi vite. Zapping des sens, galvaudage des sentiments, plaisirs rapides, petites jouissances. Désillusions, déprimes. Il est beaucoup plus facile qu'autrefois d'emmener une femme au lit, il n'est pas sûr qu'on en ait plus de plaisir.

Sans prêcher pour une abstinence, loin de là, faire l'amour sans se connaître, sans sentiments n'a finalement pas beaucoup d'intérêt. On se découvre certes dans la nudité de l'amour physique mais on ne se rapproche que si un minimum de communication, de relation existe.

Essayez, vous verrez bien !»

Soupirs d'un SoirOnde histórias criam vida. Descubra agora