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-J'ai du mal à croire que nous sommes de dangereux criminels. Surtout toi, s'amuse t-il en me pointant du doigt.

-Je suis l'intellectuelle du groupe. Pas de ta faute le microbe, c'est pas donné à tout le monde, je finis en haussant les épaules.

Marius me décoche un regard agacé, comme pour dire " c'est ça, l'espoir fait vivre "

-De tout ce qu'elle nous as dit, vous ne retenez que ça? Interroge notre rabat-joie national.

-Non mais détend-toi, regarde nous, est-ce que tu nous trouves ne serait-ce qu'une once de méchanceté, de dangerosité ou je ne sais quelles conneries? rigole t-il en prenant une mine patibulaire.

- Humm, laisse moi réfléchir ... oh oui Gab, tu me fous la pétoche rien qu'en te regardant! le taquine Victoire.

Je glousse nerveusement. 

Marius est déjà en pleine réflexion, comme s'il avait abandonné tout espoir de tirer quelque chose de nous.

-Ce monsieur peut être une sorte de directeur de labo, mais qu'est ce que l'autre secrétaire a bien pu entendre par "faire avancer la science" ...

Le joyeux tintamarre de Victoire et Gabriel s'arrête aussitôt. Elle lui jette un regard sombre.

-Ça se pourrait que Gabi et moi on ait vécu une sorte ... d'avant-goût? De pré-sélection?

- Possible. On se laissera pas faire Victoire, murmure à mon plus grand étonnement Monsieur je-sais-tout-mieux-que-tout-le-monde.

Je suis agréablement surprise par son intervention. Il a de l'empathie.  

Bien sûr qu'il a de l'empathie! Ce n'est pas un monstre! je me réprimande intérieurement

Je me lève et propose à Gabriel de manger sa main droite mais de garder l'autre pour demain, après qu'il ait déclaré, je cite "avoir les crocs".

Pour une raison obscure, je m'aperçois que Marius fixe un placard les yeux brillants.

-Eh bien, t'as eu une apparition?

-Possible.

Je fronce les sourcils et remarque que quatre conserves auto-chauffantes sont rangées dans un placard. Que je suis pourtant sûr d'avoir vérifié. Je me frotte les yeux. On ne sait jamais, c'est peut-être un mirage?

Les regards brillants de convoitise de Victoire et Marius me confirment que nous avons éprouvé le dîner. Ou plutôt qu'il nous a trouvé.

On s'en fiche, non? Le principal, c'est qu'on puisse manger.

Gabriel et moi nous activons pour trouver des verres, et constatons avec soulagement que nous avons l'eau courante. Victoire se concentre sur la chasse aux couverts, et le roi Marius va bien-sûr s'asseoir. Je fulmine. Avons-nous l'air de ses esclaves? Pense diplomatie Olympe, diplomate!

- Marius mon cher, aurais-tu l'obligeance de bouger ton royal popotin afin d'aider les gueux que nous sommes à transporter la table au milieu de la cuisine? Ce serait vraiment aimable de te part, je le raille.

-Eh, souffle un coup la limace, ça ira mieux! Je vais la déplacer, ta table.

Je suis accompagnée des regards des moqueurs de Gab et Vic qui visiblement s'amusent beaucoup.

Je plisse les yeux, pas tout à fait convaincue par l'aptitude de Marius, vautré comme une crêpe, à déplacer tout seul la table. Je me tourne vers Gabriel, pleine d'espoir ... c'est peine perdue. Son humeur joyeuse semble l'avoir quitté, pour laisser place à un air songeur, qui l'a emmené à sept milles lieux de nous. Je le ramène sur Terre d'une voix qui se veut calme.

-Gabi, s'il te plaît, la table ...

-Relax ma belle, on va le faire. Sur ces mots, il s'affale aux côtés de Marius.

Désespérée, je lève le nez vers Victoire. Elle semble absorbée par l'étude des composants des boîtes de conserve. Y en a au moins une qui se sent concernée ! On est franchement pas aidée avec les deux énergumènes étalés sur les matelas.

-Marius, te sens-tu maintenant plus enclin à lever ton séant et venir m'aider à porter la table?

-Relax, ptit gén ... sourit-il

-Ah non! Cette fois-ci, j'ai faim! Donc tu te bouges, merde!

Devant mon air déçu, il se lève de mauvaise grâce et saisit la table aux extrémités. Là où elle est, elle bouche le passage. C'est drôle, j'aurais pensé qu'elle était beaucoup plus lourde ... une table en verre quand même!

Ah, elle a l'air lourde, si je me fie aux muscles bandés par l'effort de Marius.

Allez, je vais l'aider. Je saisis les autres extrémités et l'aide à porter cette foutue table. Il me glisse un regard étonné. J'ai de la force, c'est ça qui t'étonne le crapaud? Je garde cette dernière remarque pour moi, par respect pour son ego. Enfin plutôt pour éviter de déclencher la Quatrième Guerre mondiale avant de manger.

Victoire à activé les conserves. Elles sont prêtes. Je lis l'étiquette. Conserve auto-réchauffable, aux filmopox et faxirottes. Miam. Apparemment, c'est pas ce soir qu'on fera un vrai repas.

Je m'abstiens de tout commentaire: on a d'autres chats à fouetter. Tout le monde n'a visiblement pas cette délicate attention.

-J'espère que nous pourrons trouver autre chose, cette conserve est infecte!

Je vous laisse deviner qui a fait cette brillante intervention.

-Ta capuche. Pas à table, s'il te plaît, je lui demande d'un ton las.

Je ne m'attends pas une seconde à ce que Marius m'écoute, mais à ma grande surprise, il me lance un regard amusé et la retire d'un geste désinvolte.

Aie. Uppercut. Je voulais faire la maline? Me voilà servie. Ça me mal de l'avouer, mais ce mec est mignon. Un peu, quand il enlève sa capuche.

Son visage habituellement fermé s'illumine, ses lèvres normalement pincées se fendent d'un grand sourire et ses pupilles d'ordinaires anthracites recouvrent leur éclat bleu rieur.

Gabriel me murmure.

-Eh ma belle, tu baves.

Je le fusille du regard et lance un regard rieur à Marius. Il ne me le rend pas, et un blanc pesant s'installe.

-Bon appétit ! S'exclame Vic, affamée.

Oh merci Victoire d'être si naturelle et spontanée. Tu me sauves. Pour un peu je la prendrai dans les bras. Je lui souris et ouvre ma conserve.

Nous entamons notre "repas" dans le silence. Gabriel me glisse quelques oeillades complices, sans que je ne comprenne pourquoi. Marius ne semble pas l'adorer, vu les coups d'oeil meurtriers qu'il lui jette.

Victoire elle, semble préoccupée par son plat, et je la comprends. Depuis combien de temps n'ai-je pas mangé? Je n'ai aucun souvenir d'un quelconque repas depuis mon réveil à l'hôpital, en dehors des filmolégumes de ma cellule. Je devais être nourrie par perfusions, je songe pour me rassurer.

D'un coup, trois paires d'yeux surpris se braquent sur moi. Oups. Je prie intérieurement pour ne pas avoir pensé à voix haute. Aïe. Vu leurs mines interloquées, il est facile de deviner la réponse. Génial.

-Par perfusion? Interroge tranquillement Victoire

-Je me suis réveillée dans une sorte d'hôpital.

-D'accord.

Cette fois-ci, c'est Marius. Il enfile son masque "je me fiche de vous, j'ai d'autres problèmes outrement plus importants", mais je commence à le connaître. Il est blessé. Je le comprends, je ne sais même plus pourquoi j'ai menti.

-Ce n'est pas important, je conclus en détournant les yeux des regards faussement blasés que me jette le brun.


PerseusWhere stories live. Discover now