Chapitre 23

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Il ne répond pas et détourne les yeux. Je pensais qu'il prendrait ça comme une bonne nouvelle. Je me souviens de mauvais souvenirs, mais ce sont des moments de vie, il faut bien commencer par quelque part, non ? Je ne comprends pas sa réaction.

-Moi aussi, annonce t-il sombrement.

-Tu te souviens ? De quoi ?

J'ai le souffle coupé, je m'attendais à tout sauf à ça. Je n'ai même pas pensé au fait que lui aussi avait des souvenirs. Je sais que c'est étrange mais il y a déjà tellement de choses qui tourbillonnent dans ma tête... ça ne m'a pas paru évident, en fait.

-De tes cicatrices, et des miennes. Tu les as vues ?

-Oui, quand il a fallu te soigner. On a pas l'air d'avoir eu droit au même chose, tu crois qu'on les as eu en même temps ?

-Oui.

J'écarquille grand les yeux, quand il devient plus sombre et renfermé à chaque seconde. Je ne peut pas le laisser partir, s'éloigner vers ses horizons lointains de colère et de resentiments. Je lui prends doucement la main.

-Tu peux me raconter ? Pour moi, ça reste très flou. Je vois une pièce blanche, et des cris. Des cris de souffrance. Et c'est tout.

-On se connaissait, avant. On était proches. On était trop proches, je crois, alors on a réussit à leur résister. Ils l'ont compris. On se soutenait, on était forts. Alors, ils ont tentés de nous détruire, de nous faire du mal, mais je ne sais pas pourquoi, quel était leur but, pourquoi nous, je ne sais rien ! Je sais juste la douleur que je ressentais quand je te voyais revenir en cellule, déchirée, mutilée, blessée mais toujours le regard fier. Parfois, tu parlais toute seule. Ces soirs-là, je ne devais pas te toucher, pas te parler, tu étais en rendez-vous avec toi-même. Tu n'imagines même pas la douleur que je ressentais. Tu ne me disais rien, pour ne pas me blesser, mais je voyais bien que ce que tu subissais était cent fois, mille fois pire que moi. Tu étais une fille, tu étais belle, tu leur résistait. Tu représentais un défi pour eux. Quelqu'un qu'ils devaient briser, soigner, reconstruire et remodeler selon leur désirs. Mais je crois qu'ils ont échoués, alors ils nous ont effacé la mémoire.

Il serre plus fort ma main, mon regard se fait plus dur. Je ne m'attendais pas à toutes ces révélations. Il a souffert aussi, peut être plus que moi, quoi qu'il en dise. Je ne dois pas l'oublier.

-Ils veulent te soigner. Je ne sais pas de quoi. Mais c'est leur objectif. La puce, a quoi sert-elle ? Et depuis quand tu te souviens ? Et, qu'as tu subis, toi, quand nous étions en cellule ?

-La puce, je ne sais pas. J'ai l'impression que c'est grâce à ça qu'ils comptent nous réeduquer et nous façonner selon leur désirs. Je me souviens depuis...depuis que tu sais...ils t'ont... touchée.

Il ne répond pas à ma dernière question. Il a relevé le menton, son regard a dérivé vers la Fenonoctem et sa mâchoire s'est serrée, à tel point que je peux voir ses jointures contractées sous sa peau. Son regard est froid, polaire, dénué d'expression. Je déteste quand ses yeux ne me parlent plus.Mais il est beau comme ça. Il est beau souvent, en fait. Je le fixe encore un peu avant de reprendre.

-Faut qu'on s'arrache les puces. Tu peux me faire une promesse ?

Il roule des yeux et se retourne vers moi.

-Je sens que je ne vais pas aimer. Pas du tout, même. Mais bon, dit toujours. Attend, je préfère te prévenir, je ne te promettrai pas quelque chose que je ne peux pas garantir, au risque de te faire de faux espoirs.

Je m'en doutais mais je n'ajoute rien et hoche silencieusement la tête.

-Dit moi, parle moi, à chaque fois que tu te souviens. Même si c'est horrible, cruel, insupportable, raconte-moi. J'en ferais autant.

Perseusحيث تعيش القصص. اكتشف الآن