Chapitre 29

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On a aucune voie d'échappatoire. Enfin si, mais elle n'est pas à proprement parlé exploitable. Même moi, je vois bien qu'on ne peut pas trouver en moins de cinq minutes un moyen de voler au plafond, dans l'infime espoir d'y trouver une faille ! Bien-sûr, je me tuerai sur-le-champ plutôt que de l'avouer au pessimiste de service qui me sert d'acolyte . Il semble lui aussi tenter de repousser ses pensées négatives, puisqu'il ne dit pas un mot et se contente d'observer chaque constellation. Je suis sûre qu'il est maintenant capable de me citer le nom de chaque constellation, et peut être même de chaque étoile. Il ne nous reste que quelques secondes, quelques minutes tout au plus.

-On les verra, un jour. Je te le promet, je lui dis en posant ma tête sur son épaule. Il sait de quoi je parle, ça paraît évident. Il est obnubilé par la fresque lumineuse qui nous enveloppe d'étoiles. Ce n'est qu'une illusion, un simple mur digital, il ne faut pas qu'il y croit trop, ça l'entrenerait plus profond dans son fameux tourbillon de désespoir !

-On est des coeurs sombres, lâche t-il.

Je ne réponds rien, un peu perplexe et étonnée du discours plutôt poétique qu'il me sert. Il reprend après un long silence.

-C'est vrai, je ne peux pas prétendre que notre âme est complètement sombre ; on tente toujours de s'aider, de sauver l'autre. Mais il y a quand même une part sombre en nous, tu ne peux pas le nier. On meurt tous les deux d'envie de tuer quelqu'un. On pense chacun à quelqu'un de précis, tu me suis ?

-D'elle.

-De lui.

Nos voix se sont mêlées, on a parlé en même temps. Sa voix grave était assurée, sûre et fière. La mienne sans doute un peu plus branquebalante d'anxiété et de honte. Étrangement, aucune larme ne vient tarrir mes joues, aucun spasme de stress n'agite mes muscles fatigués, et aucune voix ne vient me sermonner. Non, rien de tout ça, juste nous deux, et ces fausses étoiles. C'est peut être la fin pour nous, peut être pas. Tout dépendra de leur bon vouloir. Qu'est ce que ça change, au fond ? Il a raison, j'ai une part sombre, si sombre que parfois je dois réprimer ses envies de meurtre.

Marius me secoue fébrilement par les épaules. Il me parle, me regarde. Mon regard le fuit, je ne veux pas m'accrocher à lui, je veux partir et arrêter de souffrir. Oui, ça fait pitié comme résignation, mais et alors ? Qu'est ce que j'en ai foutre, putain ? Je veux juste partir, me barrer, être délivrée ! C'est si compliqué à comprendre ?

Ça y est, des petits tremblements viennent agiter mes mains. Je ne leur aurais pas résisté longtemps. On y est, les fameuses crises d'angoisses olympienne ! Elles vous avaient manquées celle-là ? Parce que moi oui, beaucoup ! La vie sans elles n'a plus aucun sens, pas vrai ? C'est à cause de ces putains de crises, que je sais que je suis une putain de folle. Et ouais, je suis folle ! Vous vous y attendiez ? Parce que moi, pas du tout. Non, bien sûr que non !

Je me suis accrochée à des putains de gens que je ne connaissais ni d'Adam ni d' Eve, je me suis évertuée à les sauver, je rêvais d'eux, ils ont envahi ma vie !

Je me suis réveillée sans souvenirs, est-ce que quelqu'un aurait une putain d'explication à me fournir ? Parce que ça m'intéresserait beaucoup figurez-vous ! Je ne fais que courir dans une putain de nuit, où je suis une conne d'aveugle, dont les moindres faits et gestes sont surveillés par des Savants frustrés qui n'ont rien d'autre à faire que tester quelque chose sur des ados amnésiques ! Tester quoi, au fait ? Ça aussi, j'aimerais bien savoir ! J'ai été poussée au bout du rouleau tellement de fois, j'ai frôlé de près la folie et la mort, pour quoi ? Pour "faire avancer la science" ? Ils se foutent de ma gueule ! Ils peuvent bien se la foutre où ils pensent, leur putain de science de mes deux ! 

PerseusWhere stories live. Discover now