Sekhmêt, ou le chapitre 28

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Les deux battants de la porte s'ouvrent, comme je m'y attendais, ou plutôt comme je voulais m'y attendre. Marius m'entraîne à sa suite, sans me tirer le poignet. Il faut qu'on fasse plus attention, vraiment. On commence tout les deux à ne plus supporter la moindre pression sur nos bras, tellement notre épiderme est devenu sensible à cet endroit. Nos mains sont poisseuses de sang, elles sont presque collées l'une à l'autre par le sang séché de nos poignets. Des bleus vont sûrement apparaitre, mais c'est le cadet de mes soucis.

 La douleur dans mon bras est infime en comparaison de ce que je ressens. Je suis pas loin de toucher le fond de mon trou noir, du tourbillon de mes craintes et de mes incertitudes. Heureusement que nous sommes deux, pour y croire. C'est vraiment pas de trop.

La porte s'est donc ouverte sur une salle bien différente des flammes de l'enfer auxquelles nous venont d'échapper : il fait tellement froid que j'ai l'impression que les gouttes de sueur qui perlaient sur mon front ont séché instantanément, laissant derrière elles une désagréable sensation de sècheresse et de froideur. 

Une salle bien plus petite que l'imposant hangar en flammes que nous venons de fuir semble composer notre prochaine épreuve. Elle ne doit pas dépasser la taille de ma chambre d'hôpital, mais elle parait bien plus sinistre, si c'est possible. La pièce est ronde, blanche, froide. Au sens strict du terme ; j'ai les pieds gelés, malgré mes rangers. Des frissons serpentent le long de mon dos, hérissant mes poils, me glaçant jusqu'au bout des ongles. Marius et moi esquissons un pas l'un vers l'autre au même moment.

-On est des pingouins, je déclare solennellement.

-Si tu veux, c'est toi le génie, il me répond d'un air désabusé.

-Exactement, c'est moi le génie. Et le génie décrète qu'il faut qu'on se secoue. Vite. C'est déjà un miracle que le choc termique ne nous ai pas grillé quelques neurones.

-C'est sûr qu'il t'en resterait plus beaucoup.

Je ne réponds rien, et commence à lui frictionner les épaules de mon bras libre, tout en tapant du pied. Il fronce les sourcils et ouvre la bouche pour commencer à râler, mais je pose un doigt sur sa bouche.

-Garde ta bave, le crapaud. On doit bouger pour éviter les gelures, et c'est tout.

Il obtempère à ma grande surprise, et se laisse faire, allant même jusqu'à taper des pieds pour ne pas laisser le froid mordre ses orteils. Je le frictionne de plus en plus fort, je vais bientôt lui déboîter l'épaule je crois. Il ne s'en préoccupe pas, pas plus que de moi. Il ne cherche pas du tout à me réchauffer, cet abruti !

Aux grands maux, les grands remèdes.

Je lui pince le bras, "pour vérifier qu'il sent toujours son bras", en espérant une réaction. C'est gagné. Il me jette un regard amusé et se met à me réchauffer à son tour, en se rapprochant d'un pas. Puis d'un autre. Je vois d'ici venir le Marius contrôlé par ses hormones, et il est or de question que je me laisse avoir, quoi qu'en dise l'étrange sensation qui tortille mes intestins quand il s'approche un peu trop de moi. La Olympe forte est de retour, et elle ne se laisse pas contrôler par ses pulsions d'ado en manque. Et puis, il choisit mal son moment, quand même. On frôle la mort toutes les cinq minutes, il ne pourrait pas penser à autre chose, histoire de m'aider à nous garder en vie ? Si il meurt, je dit quoi à Gabriel et Victoire ? Bref, on doit sortir de là, pas se bécoter en attendant qu'on vienne nous sauver. Quoique, la chaleur humaine, c'est efficace comme radiateur, non ?

-On va pas s'en sortir, tu le sais. Alors pourquoi tu continues ? Pourquoi tu t'accroches ? On pourrait s'arrêter maintenant, on souffrirait moins, tu crois pas ? M'interromps une voix triste.

PerseusМесто, где живут истории. Откройте их для себя