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Marius laissé un affreux vide derrière lui. Je l'admet, maintenant. Il nous manque, à tous les trois. Gabriel va mieux, maintenant. Victoire et lui se relaie pour essayer de me distraire, de me faire rire. Ils n'y arrivent pas, mais leurs attentions me touchent. Je suis devenue plus distante avec eux, les voir heureux me serre égoïstement le coeur.

Je passe mes journée à observer le panorama étoilé qui s'étale dans ma tête. Je l'ai gardé en mémoire très précisément, depuis la première nuit sans Marius. Bien sûr, demoiselle Lune est là, on voit presque son corps en entier, mais le dernier quart n'est pas apparu. Je crois que c'est comme ça que je la préfère. Je peux la contempler à souhait, mais ne peux pas percer tous ses secrets, elle garde une part d'ombre. Son étrange pudeur ne fait que renforcer la mystérieuse attraction qu'elle exerce sur moi.

Un jour, je la verrais en vrai. Nous la verrons en vrai, lui et moi. Je sais qu'il préfère les étoiles, mais je lui raconterai l'histoire de demoiselle Lune et du soleil, il m'écoutera en se moquant un peu de moi.

En attendant, je m'efforce percer les mystères de notre prison presque dorée (je mesure maintenant la chance que nous avons de ne pas être confiné dans une cellule grise, sans douche, sans lit, entassés les uns sur les autres).

J'ai compris que nous n'avons pas d'attaches familiales et sans doute pas amicales dans le monde extérieur : on nous as dit que nous étions des criminels, sous entendu, personne ne viendra nous sauver. Ils comptent n'en faire sortir qu'un, mais je suis persuadée qu'il ne compte pas du tout nous laisser sortir, il leur fallait juste une motivation spéciale, une carotte pour nous faire avancer. Ils ont réussi : on marche plutôt bien. Je veux dire par là que nous n'avons fait aucune tentative de suicide. Je n'ai pas l'esprit très joyeux en ce moment, vous l'aurez remarqué. Je suis concentrée sur autre chose.

Je me creuse toujours la tête pour parvenir à comprendre le vrai but de l'expérience, il m'échappe encore. Nous faire tomber amoureux ? Évaluer et tester nos capacités à encaisser telles ou telles choses pour des statistiques ? Un frisson me parcourt le dos, et je chasse l'idée effrayante qui s'était tracé un chemin jusqu'à moi. Et si ils testaient des produits sur nous ?

J'essaye de prendre du recul. Qu'est-ce que Marius et Victoire ont dit ... nous sommes leur tests, leur cobayes ! Je crispe les doigts, mes ongles pénètrent ma paume, y laissant des petites marques en demi-lune le long d'un des plis d'épiderme.

Testent-ils un aliment, une vitamine, une bactérie qu'ils mélangent au préalable avec nos conserves ? Peut-être que c'est cette bactérie qui est responsable de notre perte de mémoire ? Je ne comprend à quoi cela leur servirait, de contrôler la mémoire des gens. Enfin si, sur des ennemis, c'est un excellent moyen de pression, mais totalement illégal. Quoique ce n'est pas l'aspect légal qui a l'air de tant les déranger, ici.

Une voix retentit dans ma tête. "Trop naïve, petit génie". Petit génie ? Mais c'est lui qui m'appelle comme ça... Je deviens folle, me dis-je en rigolant.

Un nuage blanc éclipse soudainement toute réflexion dans mon esprit. Je n'arrive plus à penser à rien. Une voix connue résonne. C'est une voix de femme, grave mais posée.

"Tu ne rêves pas. Je te parle vraiment, j'utilise leur dernière technologie, l'intraparleur. Il faut que tu saches que tout, absolument tout ce qui t'arrive depuis ton réveil est précisément calculé, testé, mesuré, prévu. Ici, rien, pas même la marque de vos matelas, n'est laissé au hasard. Retiens-le. Et fais attention. Ton ami va mieux. Réfléchis bien, tout est prévu."

Je secoue la tête. C'était la voix de ... Martha ? Toujours est-il qu'elle était insupportable, résonnant à chaque coin de ma tête, rebondissant contre les parois de mon cerveau et s'amplifiant un peu plus à chaque mot.

PerseusWhere stories live. Discover now