Chapitre 37, ma part d'ombre

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Leur habitat. Leur nourriture. Leur mode de chasse. Leurs technologies. Leurs armes. Leur démarche. Leur descendance. Je connais sur le bout des doigts le mode de vie des autochtones de l'Amazonie. Je peux vous citer le nom de leur chefs, sous-chefs, adjoints. Le nom de chaque groupuscule indépendant. Le nom de chaque enfant de la dernière génération. Le nom de leurs plats préférés, de leurs danses traditionnelles, de chacune de leurs coutumes.

On nous gave d'informations depuis bientôt trois jours. Vingt et une heure sur vingt quatre, je vous laisse imaginer l'état dans lequel nous nous trouvons. Nous tenons uniquement grâce à des gélules très amères qu'ils nous donnent en dehors de nos repas.

Mes amis sont réticents à l'idée d'être largués en toute indépendance dans la jungle, mais je ne vois pas de meilleure option. Ils nous larguent seuls, sans surveillance. Les fichiers des rebelles sont ultra-complets, mais nous avons été intégrés trop récemment au corps du Serveur pour qu'ils nous aient répertoriés. Nous passerons à travers leurs radars. Nos puces vont être passées en mode "camouflage". Nous serons grimés de manière à nous confondre parfaitement dans la nature. En résumé, nous serons totalement invisibles, non seulement à leurs yeux, mais aussi à ceux du Serveur. Peut être pas entièrement, ils sauront toujours où nous sommes, mais je suis presque sûre qu'ils n'ont pas de caméras dans la forêt, et encore moins de micros. Ça paraît anodin, mais quand chacun de vos faits et gestes est filmé et enregistré vingt quatre heures sur vingt quatre depuis des semaines, vous n'ignorez plus ce genre de détails. Nous serons en communication régulière avec eux, mais c'est nous qui déciderons ce quelles informations nous leur transmettons. J'ai enfin l'impression d'avoir un semblant de pouvoir sur eux ! C'est infime, mais c'est important.

C'est ça qui n'a pas encore traversé l'esprit de mes amis. Je ne comprends pas pourquoi ; eux qui sont si malins. Ils me jettent des regards méfiants, comme s'ils se demandaient de quel côté je suis passée. C'est absurde ! La première fois, j'ai été blessée, mais j'ai finis par comprendre qu'ils ne savaient plus à qui faire confiance. Le moindre de leur repère est chamboulé, exactement comme quand je me suis réveillée à l'hôpital. Je brûle de leur parler, mais je risquerai de ruiner notre dernière chance de sortir l'esprit indemne de ce bourbier.

Nous sommes chargés de tuer le plus de rebelles possibles, sans démolir leur habitat. Aucun de nous n'a la moindre idée de comment nous y prendre, mais Violet Aristée nous a assuré qu'une leçon suffirait pour "réveiller notre instinct guerrier". J'ai commencé à comprendre pourquoi ils ont préféré envoyer des jeunes recrues comme nous. Premièrement, notre moyen de transport est bien moins sécurisé que ce qu'ils veulent bien nous faire croire. Violet a récemment mit au point une machine à téléporter, mais les particules humaines ont une fâcheuse tendance à s'égarer en chemin une fois sur trois.

Deuxièmement, la mission est risquée, bien plus que n'importe quelle autre opération de terrain. Nous servirons de chair à canon. Ils savent que nos chances de succès sont très réduites, mais ils apprendraient beaucoup de choses grâce à cette opération. Ils ont beau se réconforter avec des tonnes d'informations sur ces fameux rebelles, ils manquent cruellement d'expérience sur le terrain. Ils n'arrivent pas à les approcher, pour la simple et bonne raison que les sauvages détiennent une arme. Violet a laissé échapper ce détail au détour d'une de nos nombreuses séances de préparations. Je ne sais pas comment elle fonctionne, mais elle est assez précieuse pour qu'ils ne prennent pas le risque de la détruire en bombardant la forêt. C'est un jeu dangereux, je peux toucher du doigt la tension qui règne dans la pièce à chaque fois que nous pénétrons dans la salle d'opération. Certains scientifiques ont l'air tout à fait hostiles à l'idée de nous larguer là-bas. Les pauvres ! Si ils s'étonnent encore cette cruauté, c'est qu'ils n'ont pas encore compris pour qui ils travaillaient ! Ces gens-là n'ont pas une once d'humanisme, j'ai finis par le comprendre, et eux aussi l'entendront quand ils ouvriront les yeux.

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⏰ Last updated: Jun 15, 2020 ⏰

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