Woodton Suspect [EN RÉÉCRITURE]

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[Sia — Bird set free]

« La seule personne à qui vous donnez votre cœur et aussi la seule qui pourrait vous le briser. »

Paris

Impossible de desserrer mes poings, le goût du sang se propageait déjà sur mon palais à cause de la morsure que j'infligeai à ma joue, mais aussi à cause de tout ce que mon nez laissait couler. Comment réagir quand le passé resurgissait de nul part ? Comment oublier ce torrent qui s'abattait sur moi ? Comment se défaire de ces chaînes qui me maintenaient au sol ?

Je ne pouvais pas le nier, j'avais senti mon crâne se vider de son sang quand j'avais vu Murphy aussi près de Daniela. Quand j'avais vu Murphy tout court, d'ailleurs. Ce mec avait été mon pire cauchemar pendant des années, et maintenant que je m'étais sorti de cette merde qui m'avait laissé totalement délabré, il osait réapparaître ? J'étais vraiment maudit, ce n'était pas possible autrement.

Je devais me calmer, penser rationnellement, plus facile à dire qu'à faire quand j'avais presque la tête entre la poitrine de Daniela qui me tenait contre elle. Je sentais ses tremblements, la pauvre avait l'air complètement apeurée, et je m'en voulais déjà de l'avoir fait assister à cet horrible spectacle. Je voulais tellement régler son compte à cet enflure, à l'un des connards qui m'avait rendu aussi con.

— Il est parti ? demandai-je.

Je préférais ne plus le voir, il me rappelait des mauvais rêves, la partie de ma vie que je détestais le plus, celle qui m'avait fait détester tout le reste. Si depuis quelques années j'avais l'impression de m'enfoncer dans un océan sombre et inquiétant, voilà que j'avais touché le fond.

Cela faisait si longtemps que mes joues n'avaient pas rencontré les poings de Murphy, cela me replongeait presque en enfance.

Le corps de Daniela se recula un peu, je levai ma tête vers sa chemise tâchée de sang et je soupirai, me rendant compte que j'allais lui devoir des explications que je ne voulais pas lui donner.

— J'ai bousillé ton haut, désolé, m'excusai-je.

Ses doigts fins et tremblants vinrent se poser sur mes joues et je grimaçai.

— Nous devons aller à l'infirmerie, lança-t-elle sans se soucier de sa chemise.

— Non, c'est bon, répondis-je directement.

Je m'étais toujours débrouillé tout seul pour éviter qu'aucun adulte ne sache ce qu'il s'était passé, ce n'était pas maintenant que cela allait changer.

— Mais tu t'es vu ? T'es complètement amoché !

Je hoquetai nerveusement de rire, surpris que quelqu'un puisse s'inquiéter pour moi alors que seul mon nez coulait. J'avais connu pire, le nez qui pisse le sang, c'était rien qu'un jeu d'enfant.