𝕖́𝕡𝕚𝕝𝕠𝕘𝕦𝕖

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Paris

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Paris

  Après que Daniela fut emmenée par cette voiture aux gyrophares rouges et bleus et que, dans l'immense vacarme qu'avait causé la sirène, elle s'était éloignée, j'avais compris que rien ne serait plus jamais comme avant. En voyant le véhicule s'enfoncer entre les sapins sombres qui nous séparaient de tout, j'avais senti mon cœur se creuser pour ne laisser qu'un trou béant, un vide épineux.

   Nous étions tous restés là, les bras ballants, ne sachant pas quoi faire car c'était enfin l'heure, le levé de rideau, le moment tant attendu où cette affaire était finalement close, mais personne ne ressentait cette joie espérée depuis un mois, personne n'avait soupiré de soulagement, et au contraire, tout le monde avait retenu sa respiration.

   Le bruit du moteur de la voiture s'était fondu dans le souffle du vent, il n'était resté qu'un silence pesant. Les mains encore sur la tête, je n'avais pas osé le briser. C'était les pleurs de Madison qui l'avaient fait. Ses sanglots étaient douloureux, ils enfonçaient mes pieds un peu plus dans le sol tellement ils étaient lourds à supporter. J'avais eu envie de pleurer, moi aussi mais, encore une fois, je m'étais retenu. Mes doigts avaient tiré mes cheveux encore une fois et Billy m'avait tapoté le dos, il était temps de rentrer, de préparer nos affaires et de rentrer chez nous car nous l'avions bien mérité. Mais je n'avais pas eu l'envie de rentrer chez moi, étonnamment. Quand j'étais arrivé dans ma chambre, j'avais repensé à tous les moments que j'avais partagé avec Daniela et j'avais souhaité pouvoir rester là à redessiner encore et encore ses jolis yeux bleus et ses longs cheveux ébènes.

   Cependant, j'avais dû partir, comme tous les autres. Woodton High School avait fermé ses portes pour deux semaines, deux semaines durant lesquelles j'avais tenté d'oublier le fait que la fille que j'aimais allait être enfermée avec des malades mentaux en évitant soigneusement les informations et les journaux. J'avais tour à tour emmené Luce, Jimmy et Eva à l'école, je leur avais payé un repas dans une chaîne de fastfood renommée et j'avais encore jeté toutes les drogues que ma mère cachait à l'appartement. J'avais attrapé le voisin d'à côté qui m'avait promis de ne plus lui en vendre et je n'avais pas eu à utiliser mes poings, pour une fois. J'étais sorti voir Chandler, il avait su me faire rire, malgré le cœur chiffonné qui souillait ma poitrine. Et... dans un moment de courage et de confiance en moi, je lui avais tout déballé. Tout, le harcèlement, les injures et mon incapacité à y faire face. « Je suis ton meilleur ami, mec, si t'arrives pas à leur foutre un pain alors, je le ferai pour toi », c'était ce qu'il m'avait répondu.

   Mes soirées passées à spéculer dans ma chambre devant l'un de mes nombreux dessins m'avaient permis de savoir ce que je voulais et de prendre l'une des décisions les plus importantes de ma vie. Les paroles de Monsieur Guilbert m'étaient souvent revenues en tête, « As-tu déjà pensé à faire un test de Q.I. ? », et alors je m'étais lancé. 153, c'était mon résultat. Sur l'échelle de Wechsler, cela signifiait que j'étais surdoué. C'était un terme que je n'aimais pas, à vrai dire, j'avais fini par comprendre, avec un douloureux recul, qu'aucun adjectif, aucune façon de penser ou de ressentir devait me définir, j'étais juste moi, même si j'étais différent. Malgré tout, j'aimais cette sensation d'avoir enfin trouvé ma place et de savoir qui j'étais réellement. Et j'avais, avant toute chose, compris que je n'avais rien fait de mal pour mériter ce qui m'était arrivé. J'en voulais encore à Murphy et à tous ceux qui avaient pu être un jour contre moi, mais j'imaginais que le temps ferait l'affaire et que, comme je l'avais toujours pensé, la vengeance ne servirait à rien et que le destin s'en chargerait.

Woodton Suspect [EN RÉÉCRITURE]Where stories live. Discover now