Chapitre 9 - Emy

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- Sam ? appelé-je doucement mon frère, à travers la porte de sa chambre.

Comme d'habitude, trop occupé à jouer à ses jeux, il ne m'entend pas, et je suis obligée d'entrer sans qu'il ne le sache.

Il ne remarque même pas ma présence, absorbé dans l'écran de sa console. Exaspérée, je mets ma main devant l'écran, pour qu'il soit un minimum présent.

- Quoi ? souffle-t-il, fortement, et l'espace d'un instant, je m'en veux de l'avoir privé de ses jeux pour quelques minutes.

- Ça va ? le questionné-je, sachant pertinemment ce qu'il va me répondre.

- Tu viens vraiment m'embêter juste pour me demander si je vais bien ? dit-il, ébahi, en ouvrant grand les yeux.

Je secoue la tête de droite à gauche.

- On n'a pas trop pris de temps pour parler, cette semaine. Je voulais juste savoir, si avec le collège, ça va, répliqué-je lentement.

De nouveau, il me regarde, les yeux en forme de boule de ping pong. Puis il se recule et fronce les sourcils, alors, je commence à comprendre son geste.

- Pars. Sors de ma chambre.

- Sam... murmuré-je, le suppliant de me laisser lui parler.

- T'es jamais là pour moi, t'es juste là quand je pleure. Je veux pas que t'aies pitié, moi. Je veux juste que tu sois une grande-sœur, comme celle de mes potes. Une grande-sœur qui se soucie de son putain de petit-frère, et qui ne veut que son bien. Et je peux te jurer que t'es pas comme ça. Tu penses toujours qu'à toi, rétorque-t-il.

Je ne sais pas quoi lui répondre, alors la seule chose que je trouve à faire, c'est de quitter sa chambre, comme il me l'a si bien demandé, avant que les larmes menacent de couler.

Le pire, c'est qu'il a raison. Je n'ai jamais été une grande-sœur exemplaire. Je ne suis jamais là pour lui.

"Parfois, je me demande si tu m'aimes."

C'était la phrase qu'il m'avait sorti, quelques semaines plus tôt, et j'ai eu beau la tourner dans tous les sens, je suis parvenue à la même conclusion : il ne me considère pas comme sa grande-sœur. Et il a peut-être raison.

En sortant de sa chambre, dans le silence de la maison, je crois entendre des pleurs. Je plisse les yeux. Ce ne peut pas être ma mère, c'est impossible ; elle ne pleure jamais.

- Maman ?

Comme je n'ai pas de réponse, je descends les escaliers, et me dirige dans la cuisine, pour voir ma mère, complètement avachie sur la table. Son visage est entouré par ses deux bras fins, et je peux sentir sa tristesse de là où je me trouve.

- Maman, lâché-je, en posant ma main sur son épaule, et j'hésite à lui poser la question stupide qui me démange.

- Oh, Emy, dit-elle, en se reculant, et en tentant de reprendre ses esprits. Tu as besoin de quelque chose ?

Elle s'essuie les yeux, avec un mouchoir, et me regarde vraiment.

- Ça va, ma chérie ?

Je hoche la tête en lui faisant mon plus gros faux-sourire, dont elle ne semble même pas remarquer l'existence.

- Et toi ? lui retourné-je la question, en m'asseyant à côté d'elle, après avoir tiré une chaise.

- Oh, ce n'est rien. Ne t'inquiète pas, répond-elle, en soufflant.

Elle se mouche bruyamment, et les sanglots reprennent possession de sa voix. Mes propres larmes veulent couler, mais je les ravale. Elle ne doit certainement pas voir, qu'elle me met dans un état pareil, simplement pour une crise de larmes.

- Maman, qu'est-ce qu'il se passe ? demandé-je, à nouveau, avec insistance.

Quand elle ancre ses yeux dans les miens, aussi violemment que de la grêle qui tomberait sur une fenêtre, je prends peur. Que me cache-t-elle de si terrifiant et de si important ?

- Je crois que ton père me trompe.

- Quoi ? m'écrié-je, brusquement.

Stupéfaite sur le coup, je ne le suis plus après un instant de réflexion. Mon père et ma mère sont devenus hostiles, bien avant que naisse mon frère. Cela ne m'étonne guère.

- Tu... comment tu peux savoir un truc pareil ? la questionné-je, en gardant mon air surpris.

Elle baisse la tête, et je comprends aussitôt qu'elle n'est pas certaine de ce qu'elle affirme.

- Je l'ai en quelque sorte espionné, lance-t-elle, en grimaçant, je t'avoue que je n'en suis pas très fière.

Je rigole doucement, et elle fixe le réfrigérateur en face de nous, les yeux dans le vague.

- Il était avec une femme, l'autre jour. Dans la bijouterie, près de la salle de sport. Ils riaient ensemble.

Je ressens un pincement au cœur, dans les dires de ma mère. Pourrai-je comprendre ce qu'est la jalousie ?

- Tu dois sûrement te tromper, lui répondis-je, en pensant que mon père serait incapable de la tromper. Maman... il finira par t'en parler de toute façon.

Vous vous disputez tellement qu'il doit vraiment en avoir marre. Il a dû aller voir ailleurs.

Cette pensée me traverse comme une flèche, et pendant quelques secondes, je m'insulte mentalement pour avoir pensé cela. Papa doit avoir une bonne raison, s'il a fait ça.

- Ah oui ? Je n'en suis pas sûre. Tu l'as entendu parler au téléphone, hier après-midi ? Il riait, et parlait, comme un adolescent de ton âge le ferait avec sa première petite-amie. Il était heureux, Emy. Et je crois qu'il y a bien longtemps qu'il ne l'est plus avec moi, conclue-t-elle, sur un ton défaitiste, et Dieu sait à quel point je déteste la voir dans cet état.

- Maman, il t'aime, ne doute pas de lui. Ce n'est pas parce qu'il parle à une autre femme, qu'il te trompe forcément, d'accord ? essayé-je de la réconforter.

Elle sourit tristement.

- Parfois, on dirait que tu es plus mâture que moi, ma chérie, déclare-t-elle.

- Tu veux manger un truc ? lui demandé-je, en ouvrant le placard à gâteaux.

- Volontier, accepte-t-elle, enjouée.

Je souris discrètement à mon tour, dos à elle, et sors des boudoirs.

Si cela peut me faire récupérer un peu la relation que j'avais avant avec ma mère, je prends immédiatement cette occasion. Même si cela ne dure qu'une soirée.

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J'ai failli oublier de publier ce chapitre XD
j'espère que vous avez aimé :)

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