Chapitre 37 - Emy

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Je ne pensais pas qu'il aurait fallu que j'ai un permis de visite pour rendre visite au père de James.

- Emy Hade, me présenté-je rapidement à l'accueil.

- Oui ? C'est pour une visite ? me demande la femme qui s'occupe de la réception.

- Euh, oui. En fait, je n'ai pas de permis de visite, expliqué-je en grimaçant.

- Ah. On peut arranger ça. Qui souhaitez-vous voir ?

- Monsieur Yun, dis-je.

Elle fait quelques recherches sur son ordinateur, et relève la tête vers moi, en pinçant les lèvres.

- Je suis désolée. Ce ne sera pas possible sans permis, s'excuse-t-elle.

Comment faire ? J'aurais beau tout faire pour essayer de la convaincre, avec tous les agents de sécurité présents autour de moi, elle me fera sortir de force. Sans oublier que le lieu dans lequel je me trouve est une prison, et que je n'ai en aucun cas le droit de braver les règles. Même si je tente de forcer le passage, je n'aurai strictement aucune chance de passer.

- Madame, s'il vous plaît. C'est important, essayé-je. Son fils a besoin de lui, je dois juste lui parler...

Sans que je ne sache pourquoi ni comment, elle se met à hocher la tête, comme si elle comprenait soudain ce besoin d'aider un ami.

- Merci beaucoup, murmuré-je sans être certaine qu'elle ne m'entende.

- Vous serez accompagnée de trois agents, déclare-t-elle, et je fronce les sourcils.

Pourquoi autant ? Elle semble lire dans mes pensées, et répond à ma question muette.

- On ne sait jamais de quoi il serait capable. Mieux vaut prévoir. Si cela vous dérange, la porte est dans votre dos, ajoute-t-elle avec un sourire ironique.

- Ça ne me pose pas de problème. Merci encore, madame, la remercié-je de nouveau, très reconnaissante de sa gentillesse, même si je n'en connais pas le prix à payer.

Je la vois presser un bouton, et presque aussitôt, trois hommes en uniforme s'approchent de moi. Pas une seule trace de peur ne me traverse, et l'un deux me dit de les suivre. Je suis conduite dans une cabine, et on me demande de m'asseoir et d'attendre quelques minutes, le temps que le père de mon ami arrive. Le stress commence à me gagner, et inconsciemment, mes doigts se mettent à trembler.

J'aperçois un homme s'approcher, un gardien collé à ses baskets. Plus il s'approche, plus je remarque ses cheveux grisonnants sur les côtés de sa tête. Ses yeux sont presque les mêmes que celui de son fils. Ses joues légèrement barbues, paraissent rebondies, comme celles de James le sont. Il est assez grand, peut-être un petit peu moins que mon ami.

Une vitre blindée nous sépare, ponctuée par des petits trous, permettant sûrement de faire passer les sons audios.

Le père de James me sort de mes pensées, en s'asseyant et en me demandant qui je suis.

- Je m'appelle Emy. Je suis une amie de James.

Quand je prononce son nom, le visage du père de mon ami s'assombrit.

- Il a fait une connerie, c'est ça ? grogne-t-il, et je suis surprise qu'il pense un truc pareil, parce que James ne fait pas de bêtises.

- Non... il a juste besoin de connaître la vérité, rétorqué-je, en souriant légèrement. Je crois que vous ne comprenez pas son degré de douleur. Pourquoi lui avez-vous menti ? l'interrogé-je, en allant droit au but.

- Cela ne te concerne pas, jeune fille, me répond-il, comme s'il se sentait supérieur à moi, et je baisse les yeux au sol, en me disant que ça va être compliqué de le faire changer d'avis.

- Tout ce qui le concerne me concerne, lâché-je tout à coup. James est mon ami, je veux l'aider. Il ne va vraiment pas bien, monsieur. Et je veux pouvoir y remédier. Mais c'est impossible sans votre aide.

Pendant quelques minutes, aucun de nous parle. Peut-être qu'il réfléchit. Peut-être fait-il simplement passer le temps. Pourtant, ses yeux sont vides, dénués de tout sentiment.

- Mettez-vous à sa place, lancé-je. Ne voudriez-vous pas savoir ce qu'il est arrivé à votre mère, et pourquoi votre père est en prison ? Imaginez. Il est seul. Il a besoin de ses parents, comme n'importe quel enfant, ajouté-je, et j'aurai aimé que ce soit le cas aussi pour moi.

- Tu es sa petite-amie ?

- Non, lui avoué-je.

- Alors prends-soin de lui. Il en vaut la peine, me dit-il, et je ne comprends pas pourquoi il n'applique pas son conseil à lui-même.

Les agents autour de moi n'ont pas bougé, et je me dis qu'il faut une grande patience pour faire ce métier. Écoutent-ils notre conversation ? C'est possible.

- Je roulais beaucoup trop vite. J'étais aveuglé par les phares qui venaient d'en face, et l'alcool me causait des hallucinations, explique-t-il en regardant le plafond, comme pour refouler ses larmes. Je n'ai jamais voulu tuer ma femme. Je l'aimais tellement. Je ne suis pas sûr que tu puisses comprendre, mais nous vivions l'un pour l'autre.
Quand j'ai appris que c'était elle, qui se trouvait dans cette voiture que j'avais fracassé, j'ai cru que tout s'effondrerait. J'ai essayé de me tuer... plusieurs fois. Je ne voulais plus vivre, pas sans elle. Je... je crois que je n'aurai jamais réussi à bien garder James.

- C'est vous qui avez appelé les services sociaux ? le questionné-je.

Lorsque ses yeux rougis croisent les miens, mon cœur fait un bond, et je prends conscience que James est le portrait caché de son père. Les cheveux gris en moins, bien évidemment.

- Oui. Je n'avais pas le choix. Je ne voulais pas qu'il vive seul.

- Donc vous vouliez qu'il aille dans une autre famille, complété-je en hochant la tête, déçue.

- Exactement. C'est ce qui s'est passé, non ? Je n'ai pas eu de nouvelles, souffle-t-il.

- Ouais, mentis-je. Ravie de vous rencontrer.

- Attends, me supplie-t-il. Fais attention à lui...

Je ne prends pas la peine de lui répondre et, accompagnée par les trois agents, je quitte la cabine, et passe les portes de la prison, énervée.

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vous allez bien ?

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