Chapitre 32 - James

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- Putain ! Putain de merde ! m'exclamé-je, en repensant à Emy. Sors de ma tête, putain !

À chaque mot, mon poing rencontre le sac. À chaque pensée. À chaque inspiration, à chaque expiration. À chaque coup de douleur dans le corps. À chaque minute, à chaque seconde.

Et pourtant, je suis loin d'être rassasié. La boxe est le seul endroit où je peux me défouler, mais je crois que je pourrais y passer mes journées. À tenter en vain de me faire recracher cette putain de douleur qui me broie la poitrine chaque fois qu'elle me croise.

Maman, qui est morte. Papa, qui l'a tué et qui est en prison. Mon meilleur ami qui s'est suicidé. Val' qui s'est fait rejeté par ses parents simplement parce qu'il est gay. L'assistante sociale qui veut me foutre dans une putain de famille d'accueil.

Chaque coup de poing, chaque douleur, chaque problème est concentré dans le bout de mon bras, prêt à le faire éjecter de mon corps. Mais c'est toujours la même chose. Pendant quelques secondes, je me dis que la douleur a disparu, qu'elle est morte, écrasée par un nouveau sentiment bien plus fort qu'elle : la guérison. Et j'ai tout faux. Parce qu'elle finit par revenir.

- James ! entendis-je au loin.

Sans prendre la peine de répondre à la personne qui m'a appelé, je continue d'enchaîner les coups contre mon faux-adversaire. Uppercut, droit, crochet, les frappes de base.

Lorsque quelqu'un me tire en arrière, je suis à deux doigts de lui envoyer mon poing dans sa tronche, mais une main bien plus puissante que la mienne me retient. Il n'y a aucun doute, c'est Tomy.

- Assieds-toi par terre, m'ordonne-t-il, en plissant les yeux, et je perçois son étincelle colérique dans les yeux.

Mon fessier se pose sur le tapis en mousse, et je sens ce dernier s'affaisser lorsque mon coach fait de même, à côté de moi.

- Ça va ? me demande-t-il.

- Ouais.

- T'es sûr ? insiste-t-il, en cherchant mon regard, qu'il ne trouvera pas.

- Ouais.

- Alors pourquoi tu viens toujours ici, si ça va mieux ?

Je hausse les épaules, n'ayant pas vraiment de réponse appropriée. Tomy est celui qui me connaît le plus quand je deviens incontrôlable, il sait parfaitement comment réagir.

- T'es comme un père, pour moi, lâché-je soudain.

Le grand sourire qui se dessine sur ses lèvres me montre qu'il est flatté, mais l'instant d'après, ses lèvres se pincent. Tomy a une femme et un enfant, il me semble. Il aime tellement sa famille, que rien ni personne ne pourrait la lui arracher.

- Et toi, tu ne devrais pas renier ta famille, me reproche-t-il.

- Mon père est en prison, et ma mère est morte, lancé-je, donc tu peux bien être mon deuxième père, ajouté-je.

Bien qu'il soit au courant de mon histoire de famille compliquée, je lui explique quand même ce qu'il s'est réellement passé. S'il est surpris, Tomy n'en montre rien, et c'est là sa grande qualité. Quoi que je dise, il fera toujours en sorte de m'aider, sans me montrer que mes problèmes l'affectent -parce que je sais que c'est vrai.

- Donc... tu vis seul ? en conclut-il.

- Pas vraiment, grommelé-je. Je suis avec un ami, dis-je en pensant à Val', lui-même renié par ses propres parents.

- Il est majeur ?

- Oui, répondis-je.

- James.

Ses yeux fixent les miens, et je comprends qu'il a repéré mon mensonge.

- Vous êtes seuls, et vous n'êtes pas majeurs, rétorque-t-il en se passant la main sur le front. Ouais, ok.

- Y'a une assistante sociale qui n'arrête pas de me faire chier. Elle veut me placer en famille d'accueil, expliqué-je à Tomy.

- Quelqu'un l'a contactée ?

Je fronce les sourcils, cherchant dans ma mémoire un quelconque appel téléphonique ou mail, mais rien ne me vient à l'esprit.

- Non. Enfin, je ne crois pas.

- Ok. Et sinon...

Un petit sourire taquin apparaît sur ses lèvres sèches.

- Des nouvelles du côté des filles ? me questionne-t-il, le regard mi-attentionné, mi-curieux.

Aussitôt, Emy entre une nouvelle fois dans ma tête.

- Ouais. Une amie. Je la vois tous les soirs quasiment, murmuré-je, comme si j'avais peur des prochaines questions qui suivraient. Emy, elle s'appelle.

Ses yeux croisent les miens, et son sourire idiot s'agrandit.

- T'as des étoiles plein les yeux, James. Toi, t'as trouvé la fille parfaite, me lance-t-il, en se frottant les mains.

- Tomy... c'est pas si simple. Elle a trop de problèmes. Elle voit un psy, et même moi je suis incapable de l'aider. Je ne peux pas l'aimer, je lui ferais du mal, terminé-je dans un soupir.

- Ouais. On dit tous ça au début, crois-moi. Bon, je n'ai pas le choix, je vais devenir ton coach de vie sentimentale, dit-il sur un ton heureux. Je vais te parler parce que j'ai de l'expérience, ok ? Déjà, les filles, c'est compliqué, commence-t-il, et il a à peine fini sa phrase que j'éclate de rire.

- Ensuite, il faut que tu comprennes que... enfin que y'a pas que du sexe dans l'amour.

- Tomy ! Je le sais déjà, ça ! m'exclamé-je en roulant des yeux.

- Ok. Alors un conseil, quand vous habiterez ensemble, avec cette Emy, ne laisse pas traîner tes chaussettes par terre, sinon...

- Mais Tomy ! Arrête ! C'est gênant, là... je n'ai pas l'intention de vivre avec elle ! Pas tant que nous n'irons pas mieux, en tout cas.

- Tu n'as pas dit non, constate-t-il, le sourire jusqu'aux oreilles. Ah, et aussi ! Montre-lui ton amour. Il n'y a que comme ça, que vous réussirez.

- Laisse tomber, Tomy. Je vais me démerder. Et abandonne le titre de coach sentimental. C'était une très mauvaise idée, dis-je en quittant la salle de sport.

- James ! Une dernière chose ! Protège-la.

Sans me retourner, le sac sous le bras, je réfléchis à cette phrase. Pourquoi me dit-il ça ? Et s'il la connaissait ?

Je laisse ces questions en suspens. Parce que je sais que j'ai une chose à faire : la protéger de ce monde qui devient fou.

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j'espère que vous avez tous passé un joyeux Noël !!

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