Chapitre 16 - James

32 6 39
                                    

Les vibrations de mon téléphone me font sursauter, pris soudainement par la peur. Je pose la bouteille de vodka sur la table de la cuisine, et vais prendre mon cellulaire.

En décrochant, je regarde l'identité de mon correspondant, qui n'est autre que Val'.

- Ça va ? demandé-je, parce que je sais que lorsqu'il appelle, ce n'est jamais pour une bonne nouvelle.

- Ouais. Tu peux m'ouvrir ? Je suis devant ta maison, répond-il, et je devine rapidement au son de sa voix, qu'il est tracassé par quelque chose.

- J'arrive, dis-je, en ouvrant la porte d'entrée, au moment où il met fin à notre appel.

Ses yeux sont cernés par de grosses poches, et un faux-sourire naît sur ses lèvres. Un sourire plein de tristesse, de choses inavouées, et de fatigue.

- Val' ? l'appelé-je doucement. T'es sûr que ça va ? T'as une sale tronche.

- Merci, ça fait toujours plaisir, lance-t-il, en enlevant ses chaussures.

Je fronce les sourcils. Ce n'est pas son genre, de tout prendre au pied de la lettre. Ma main se pose sur son épaule, dans un élan d'amitié, et ses yeux remontent vers les miens.

- Quelque chose te dérange ? l'interrogé-je.

Il baisse les yeux, et dénoue les lacets de son autre chaussure.

- J'ai un truc à t'avouer.

Sa voix se brise sur le dernier mot qu'il prononce, et je comprends que c'est sérieux.

- Bro', tu peux tout me dire, tu le sais, le rassuré-je.

- Et je sais que t'es pas du genre à juger qui que ce soit, mais...

- Hé. Arrête de tourner autour du pot, et dis-moi, le coupé-je, soudain à bout de patience.

Mon ami se lève, et je retire ma main de son épaule.

- Je suis gay, je crois.

- Mais... Val', c'est pas un problème, ça... c'est ça qui te tracasse ? questionné-je prudemment.

Ses pupilles vitreuses confirment mes paroles. Je ne vois pas en quoi est-ce un problème qu'il aime les personnes de notre sexe.

Val' s'installe dans mon canapé, et se prend la tête entre les mains, puis relève cette dernière vers moi.

- Peut-être pour toi, James. Et comment je vais faire, pour le dire à mes parents ? Ils ne m'accepteront jamais, parce que ça veut dire que je ne pourrais pas leur faire de gosses. Tu te rends compte ? Ils auront jamais de petits-enfants, articule-t-il.

- Mais tu peux toujours adopter, déclaré-je.

- Tu as oublié que mes parents sont croyants ? L'homosexualité n'est pas du côté de Dieu, paraît-il.

- Val', dis-je, en me pinçant le nez. Même si je ne suis pas croyant, il me semble que Dieu accepte tout type de personne. Donc ce n'est pas un problème, tes parents s'en foutrons peut-être ? proposé-je.

- Je sais pas, déclare-t-il. Tu as à boire ?

- Dans la cuisine, lui indiqué-je, en le suivant.

Juste avant de pénétrer dans la pièce, il marque un temps d'arrêt, et se retourne vers moi.

- Tu as bu ?

Je plisse les yeux, en voyant la bouteille de vodka, qui n'a pas bougé de la table.

- Non, lui répondis-je, en passant devant lui. T'en veux ?

- Un peu, ouais.

Un verre atterri dans ma main, et je remplis un fond pour mon ami.

- Tu penses que mes parents pourraient réagir comment ? me demande à nouveau Val'.

- Je sais pas vraiment. Tu n'es pas obligé de leur dire. Tu pourrais laisser traîner des trucs qui leur feront penser ça, un peu comme dans les films, tu vois ?

Il hoche la tête, en souriant.

- Et en ce qui concerne leur réaction... je ne peux pas trop t'aider. Tu sais, mon père n'est jamais là, et ma mère, n'en parlons pas, lancé-je, un peu vite.

- Ouais, c'est sûr. Excuse-moi, j'y avais même pas pensé.

- C'est bon, j'ai tourné la page, mentis-je, un peu trop bien à mon goût, puisqu'il ne s'aperçoit de rien.

- J'imagine. T'as eu des nouvelles de l'assistante sociale ?

Un rire nerveux s'échappe de mes lèvres. Peut-être parce que l'autre jour, je n'ai même pas pris la peine d'aller lui ouvrir. Ou peut-être par rapport au souvenir de cette soirée entre potes.

- Non, et je ne veux même plus en entendre parler. Je ne veux même pas voir sa gueule. Je ne vivrai jamais dans une putain de famille d'accueil.

Cette fois-ci, c'est lui qui rit, un rire franc, qui me fait chaud au cœur, parce que ça veut dire que son inquiétude s'est légèrement dissipée.

- Ça doit être différent, c'est clair, élucte-t-il, et un silence suit ses paroles. Tu penses souvent à ta mère ?

Un voile de tristesse me transperce le corps, et j'ai soudainement envie d'être seul.

- Des fois, dis-je, le regard dans le vague, alors qu'en réalité, il ne se passe pas un seul jour sans que je ne pense à elle.

Et comme à son habitude, Val' ne peut s'empêcher de me poser ses multiples questions, qui me plantent un coup de couteau dans le cœur, à chaque fois.

- Tu sais comment elle est morte ?

Morte.

Je retiens mes larmes, dans un brusque souffle d'expiration.

- Dans un accident de voiture, lâché-je.

- Oh.

Val' ne sait pas grand chose de moi. On ne se connaît que depuis une bonne année, et je ne me confie pas à n'importe qui, encore moins sur les choses qui me concernent directement.

Ses lèvres effleurent le verre, et la vodka doit être en train de se répandre dans ses veines, alors qu'il réfléchit sans aucun doute à me poser une autre question, plus blessante que les précédentes.

- Tu n'étais même pas allé à son enterrement.

- Val', j'étais jeune. Mon père n'avait pas osé m'y emmener. Ce n'est pas pareil.

- Si ton père...

- Non, c'est bon. Arrête. J'ai compris, que j'ai une mauvaise famille, que je suis pas un mec bien.

Nos regards se croisent, et je lis de la culpabilité dans le sien.

Et peut-être que Val' et moi ne sommes pas fait pour être amis. Parce qu'on est tellement différents. Il ne pourra jamais comprendre que l'amour entre ma famille et moi est impossible. Parce que dans la sienne, tout le monde s'aime. Il est simplement venu pour avoir la certitude qu'être gay ne sera pas un obstacle à cet amour.

---

est-ce que vous avez bu ? ou fumé ? ou alors c'est moi ? parce que là je viens de voir que y'a 600 vues et je crois que j'ai eu une hallucination :'(

bisouuus et prenez soin de vous surtout, c'est important

Prends ma mainOù les histoires vivent. Découvrez maintenant