Évaluation /1

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De l'effronterie ? Ange n'appelle pas ça une qualité.


— Alors voyons ce que tu vaux.

Le jeune homme tend à la rouquine la crosse d'un pistolet. Plus lourd que ceux qu'elle manie habituellement à l'entraînement, Glaëlle le soupèse du poignet pour se faire à son poids. Ça va le faire, s'encourage-t-elle. Elle va lui montrer de quel bois elle se chauffe, à ce pauvre prétentieux !

La jeune fille finit par empoigner l'arme. Elle cale son doigt sur la gâchette, sa paume autour de la crosse, puis se tourne résolument face à sa cible. Elle est à dix mètres. Ce n'est pas proche, mais elle en a déjà tiré des plus loin.

— Ouvre bien les yeux, chuchote-t-elle à son évaluateur en concentrant toute son attention sur le centre de la cible colorée.


Ange ne peut réprimer un rictus.
Provocatrice avec ça ? s'agace-t-il. Il va falloir que ça lui passe, à cette gamine.


Yeux sur la cible, alignement du canon et de l'objectif, Glaëlle sait faire. Solide sur ses appuis, elle prend une dernière respiration et tire.

La détonation résonne dans tout le gymnase. La jeune fille accuse le recul d'un rapide mouvement d'épaule, puis lève les yeux vers la cible. Percée en plein centre, avise-t-elle. Comme prévu.

Elle se retourne fièrement vers Ange, curieuse de voir sa réaction. Mais le visage du jeune homme ne trahit aucune émotion entre ses mèches teintée de blanc, peut-être seulement un léger froncement de sourcils.

— Suivante, exige-t-il après avoir noté quelque chose sur sa tablette numérique.

Une autre cible se déploie, plus loin cette fois. Le bâtiment est grand et vide, Glaëlle comprend qu'elle va devoir en tirer beaucoup pour le satisfaire.

La jeune fille souffle un bon coup, luttant pour masquer sa déception tout en cherchant à se reconcentrer. Ce garçon est froid et distant, ce n'est pas le genre de personne qu'elle s'attendait à rencontrer chez les Briseurs. Mais peu importe, néglige-t-elle. Elle en trouvera des plus ouverts, comme Solal ou Kia. Ce subordonné n'est que de passage, elle ne va pas le laisser la perturber.


Eh bien, qu'attend-t-elle ? s'impatiente Ange en tapotant du bout du doigt l'écran de sa tablette. Elle maîtrise son arme, Kia disait vrai. Mais sur un champ de bataille, si elle doit prendre tant de temps pour se concentrer, elle se fera tuer à la première occasion.


Glaëlle se remet en position et fait à nouveau mouche. Elle enchaîne les tirs parfaits, ce n'est pas compliqué pour une ancienne tireuse de compétition. Elle a participé aux nationaux et visait même les mondiaux de sa catégorie. Même si ça ne veut plus dire grand-chose aujourd'hui, son adresse n'a pas disparu.


Ange finit par arrêter le test. Il a noté ce qu'il voulait : cette jeune fille sait tirer. Il doit reconnaître qu'elle aura sa place parmi les tireurs, elle fera le bonheur d'Isaac. Mais cette flamme de rébellion qui flambe en elle, cette détermination à toujours vouloir en faire plus, ce sera un trait à surveiller de près. D'autant plus si elle doit être associée au valeureux commandant des tireurs. Qu'elle ne se monte pas la tête avec un rien ou elle va poser problème, cette insouciante, note Ange. Et puis le jeune homme doit encore vérifier quelque chose...

— Maintenant, passons au combat rapproché, déclare-t-il en se détachant de sa tablette.

Il va la poser au sol, non loin de lui, puis entreprend de s'étirer, sans porter sur Glaëlle autre chose qu'un regard froid et désintéressé.

— Tu veux combattre avec une arme ?

— Ça ne va pas servir à grand-chose, déplore la jeune fille, son pistolet serré piteusement dans ses mains. Je ne suis pas très douée pour le combat rapproché.

— Alors vas poser ce pistolet, l'interrompt Ange en faisant tourner ses poignets. On va faire sans pour l'instant.

La jeune fille reste immobile.

— Je ne suis pas douée pour le combat rapproché, répète-t-elle.

Ange se retient de lever les yeux au ciel. C'est lui qui décide, croit-elle vraiment qu'elle a le droit de donner son avis ? s'agace-t-il.

— Je suis là pour te tester, pas juste te regarder tirer, assène-t-il implacablement, roulant la tête de côté pour échauffer son cou. Chez les Briseurs on ne se repose pas que sur nos points forts. J'ai besoin de connaître tes faiblesses avant de t'impliquer dans les missions.

La jeune fille ravale sa salive, ne trouvant rien à redire devant un raisonnement aussi implacable. Vaincue, elle finit par poser le pistolet à ses pieds pour s'avancer vers le jeune homme.

Elle se met laborieusement en position. Campée sur ses pieds, recroquevillée sur son ventre et poings serrés en avant. Elle tente de reproduire la posture des combattants dans les films d'avant l'apocalypse. Genoux exposés, dos découvert, Ange peut la balayer sans faire le moindre effort, évalue-t-il. Mais il s'attarde à l'analyser pour se faire une idée plus précise de son style de combat.

Il observe cette étincelle déterminée qui anime ses prunelles, la même que celle de nombreux Briseurs. C'est la force qu'ils utilisent pour compenser leur manque de pratique, comme si la rage de vaincre avait une chance de l'emporter quand ils ne savent pas se battre. Qu'ils redescendent sur terre, ces aspirants cadavres, s'est toujours énervé Ange. Enfin, tempère-t-il, voyons comment celle-là peut s'en servir.

Coeur de pierreWhere stories live. Discover now